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Conseil constitutionnel - Décision n° 2019-809 QPC du 11 octobre 2019

vendredi 11 octobre 2019, par Mariannick

« Aux termes du treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La Nation garantit l’égal accès … de l’adulte à l’instruction … L’organisation de l’enseignement public gratuit … à tous les degrés est un devoir de l’État ». Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public. »

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 25 juillet 2019 par le Conseil d’État (décision n° 430121 du 24 juillet 2019), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l’union nationale des étudiants en droit, gestion, AES, sciences économiques, politiques et sociales, le bureau national des élèves ingénieurs et la fédération nationale des étudiants en psychologie par Me Florent Verdier, avocat au barreau de Bordeaux. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2019-809 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l’article 48 de la loi n° 51-598 du 24 mai 1951 de finances pour l’exercice 1951.

Au vu des textes suivants :

la Constitution ;
l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
la loi n° 51-598 du 24 mai 1951 de finances pour l’exercice 1951 ;
le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

les observations en intervention présentées pour l’union nationale des étudiants de France, Solidaires étudiant-e-s - syndicats de luttes, la fédération des étudiants et stagiaires sénégalais de France, l’association des étudiants égyptiens en France, l’association des étudiants péruviens en France, l’association des jeunes guinéens de France, le syndicat national de l’enseignement supérieur, l’union nationale des syndicats CGT des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, la fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture CGT et le syndicat national Force ouvrière de l’enseignement supérieur et de la recherche par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 août 2019 ;
les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 19 août 2019 ;
les observations en intervention présentées pour l’union confédérale des ingénieurs et cadres CFDT et la fédération des syndicats généraux de l’éducation nationale CFDT par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;
les observations en intervention présentées pour la ligue des droits de l’homme par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;
les observations présentées pour les associations requérantes par Me Verdier, enregistrées le 2 septembre 2019 ;
les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Verdier pour les associations requérantes, Me Paul Mathonnet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour l’union nationale des étudiants de France et neuf autres associations et syndicats intervenants, Me Olivier Coudray pour l’union confédérale des ingénieurs et cadres CFDT et la fédération des syndicats généraux de l’éducation nationale CFDT, Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation pour la ligue des droits de l’homme, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 1er octobre 2019 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Le troisième alinéa de l’article 48 de la loi du 24 mai 1951 mentionnée ci-dessus prévoit que sont fixés par arrêté :
« Les taux et modalités de perception des droits d’inscription, de scolarité, d’examen, de concours et de diplôme dans les établissements de l’État ».

2. Les associations requérantes soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. D’une part, le principe de gratuité de l’enseignement public, qui découlerait selon elles de cet alinéa, ferait obstacle à la perception de droits d’inscription pour l’accès à l’enseignement supérieur. D’autre part, en se bornant à habiliter le pouvoir réglementaire à fixer les taux et modalités des droits d’inscription sans considération des ressources des étudiants, le législateur n’aurait pas entouré cette habilitation de garanties suffisantes, en violation du principe d’égal accès à l’instruction. Pour ces mêmes motifs, les dispositions renvoyées seraient entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant les exigences de gratuité de l’enseignement public et d’égal accès à l’instruction.

- Sur les interventions :

3. Selon le deuxième alinéa de l’article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 mentionné ci-dessus, seules les personnes justifiant d’un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention.

4. L’union confédérale des ingénieurs et cadres CFDT ne justifie pas, au regard de son objet social, d’un intérêt spécial à intervenir dans la procédure de la présente question prioritaire de constitutionnalité. Par conséquent, son intervention n’est pas admise.

5. Les autres parties intervenantes développent les mêmes griefs que les associations requérantes.

- Sur le fond :

6. Aux termes du treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La Nation garantit l’égal accès … de l’adulte à l’instruction … L’organisation de l’enseignement public gratuit … à tous les degrés est un devoir de l’État ». Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public. Cette exigence ne fait pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants.

7. Les dispositions contestées se limitent à prévoir que le pouvoir réglementaire fixe les montants annuels des droits perçus par les établissements publics d’enseignement supérieur et acquittés par les étudiants. Il appartient aux ministres compétents de fixer, sous le contrôle du juge, les montants de ces droits dans le respect des exigences de gratuité de l’enseignement public et d’égal accès à l’instruction.

8. Par conséquent, les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent être écartés.

9. Le troisième alinéa de l’article 48 de la loi du 24 mai 1951, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

  • Article 1er. - L’intervention de l’union confédérale des ingénieurs et cadres CFDT n’est pas admise.
  • Article 2. - Le troisième alinéa de l’article 48 de la loi n° 51-598 du 24 mai 1951 de finances pour l’exercice 1951 est conforme à la Constitution.
  • Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 octobre 2019, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.

Rendu public le 11 octobre 2019.

ECLI:FR:CC:2019:2019.809.QPC