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La fac d’Aix-Marseille en souffrance - Jean-François Poupelin, "Le Ravi", 23 février 2017
jeudi 23 février 2017, par
AMU : pôle universitaire d’excellence es souffrance au travail ?
Quatre ans après la fusion des universités d’Aix-en-Provence et de Marseille, les syndicats s’inquiètent des conséquences de la réorganisation menée à la hussarde sur la santé des personnels. La direction d’Aix Marseille Université beaucoup moins.
Les représentants du personnel auraient souhaité que l’expertise sur les risques psychosociaux (RPS) en cours de finalisation à Aix Marseille Université (Amu), malgré son modeste budget [1], fasse l’objet d’une attention aussi « gigantesque » que l’autoproclamée première université francophone au monde. Née au 1er janvier 2012 de la fusion des universités de Provence, de la Méditerranée et Paul Cézanne, l’Amu rassemble aujourd’hui 74 000 étudiants et quelques 7 500 agents et enseignants (le double selon les syndicats en comptant les vacataires) sur une soixantaine de sites, d’Avignon à Dignes-les-Bains (04).
Symptôme d’un climat de malaise et d’inquiétude, tous ceux que nous avons rencontrés ont refusé d’apparaître à visage découvert, par crainte que la direction de l’université n’y trouve le prétexte à un enterrement de première classe de l’expertise RPS dont la présentation est programmée en février prochain. Couplées aux réformes de l’université [2] et à la précarisation des emplois, la fusion des trois facultés et Origamu, la réorganisation des services qui a suivie, ont en effet multiplié les cas de souffrance au travail. « Toutes les organisations syndicales constatent qu’il y a une augmentation des problématiques de type RPS à Amu », explique un élu dont le syndicat occupe le secrétariat du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’université. Et de dénoncer : « Les procédures sont plus lourdes, les personnels ont l’impression de ne pas être écoutés alors que beaucoup d’efforts ont été demandés, il y a eu des surclassements et des déclassements… »
S’il n’y a pas eu de mobilité forcée, beaucoup d’agents administratifs ou techniques ont par contre dû changer de métier. Avec parfois des situations kafkaïennes : certains services ont été regroupés, avant d’être redéployés sur l’ensemble des sites pour plus d’efficacité ! En attendant, les agents ont dû s’adapter à de nouveaux postes et voient revenir leur service avec de nouvelles têtes, souvent en CDD… Du côté des enseignants et des chercheurs (la moitié du personnel), la souffrance vient plus de la pression des labos et des directeurs de recherche, pour les publications, les budgets. « On le dit depuis longtemps que les personnels ont souffert de la réorganisation, que des gens viennent exprimer de la souffrance, du mal être. On en connaît même qui pourraient se faire du mal », témoigne un représentant d’un syndicat d’enseignants. Et un autre, de rappeler : « Il y a eu des départs. Dans une université, c’est significatif de quelque chose. »
Déni et double casquette
« Permettez-moi […] de m’étonner de l’existence d’alertes de souffrances au travail qui n’ont pas été signalées au CHSCT », répond Mario Correia, son président en tant que représentant de la direction d’Amu, dont il est vice-président délégué à la santé et à la sécurité au travail [3]. Une affirmation surprenante au vu des témoignages recueillis et de situations déjà décrites [4]. Mais peut-être pas autant que sa double casquette à Amu, sujet sur lequel il ne s’exprime pas : Mario Correia dirige aussi l’Institut régional du travail (IRT), un organisme rattaché à l’université qui forme les militants syndicaux. Un peu comme si un renard formait les poules à leur protection. A croire que ce maître de conférences est le faire-valoir d’une direction peu soucieuse de ses ressources humaines...
La longue histoire de l’expertise RPS est un bon exemple de cette indifférence. Les comptes-rendus des débats publiés par le Sgen-CFDT sur son blog comme les avis publics du CHSCT qu’a pu consulter le Ravi sont en effet édifiants. Un des derniers, daté de septembre, s’inquiète de la volonté du président du CHSCT de ne pas faire de restitution du diagnostic aux personnels, contrairement à ce que prévoit le cahier des charges.
Une péripétie de plus pour cette étude. Réclamée par les organisations syndicales dès la fusion, afin d’anticiper les problèmes possibles, cette expertise n’a été lancée qu’en octobre 2014, sous la pression d’un accord cadre sur la prévention des risques RPS dans la fonction publique signé par le gouvernement un an plus tôt, qui obligeait les employeurs à réaliser un diagnostic avant fin 2015. Visiblement soucieuse de garder la main, la direction de l’Amu a choisi, à l’issue d’un appel d’offre réalisé en plein été, une connaissance, la société Cateis (voir ci-dessous). Franck Martini, fondateur et PDG de ce cabinet de conseil, a fait partie, en tant que ressource externe, du groupe de travail sur les risques psychosociaux du CHSCT à origine de l’expertise...
Pour lire la suite
[1] 151 200 euros de Hors taxe, tout de même, selon la « liste des marchés de services ART 30 notifiés en 2014 » en ligne sur le site de l’Amu.
[2] Loi « Licence-Master-Doctorat » de 2002, autonomie des universités de 2007, loi Fioraso de 2013…
[3] Contacté, Yvon Berland a décliné les sollicitations du Ravi.
[4] Mediapart.fr (29/06/2013) et Monde-diplomatique.fr (09/2016)