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Face à la jeunesse en détresse : la rhétorique indigne du gouvernement - Clément Viktorovitch, Clique TV, 8 février 2021
mardi 9 février 2021, par
Méfions-nous des discours qui n’ont de la solidarité que l’apparence.
MàJ du 9 février : Samuel Gonthier (Blog Télérama) débunke l’interview de la sous-ministre "Étudiants : Sarah El Haïry passe à l’action, BFMTV et France 2 offrent des solutions"
« C’est pour ça que moi j’apporte une des solutions avec le fait de rendre le service civique accessible à tous. » Mais bien sûr !
Blog de Samuel Gonthier, 9 février 2021
Face à Hugo Travers, la secrétaire d’État Sarah El Haïry a proposé sur BFMTV une pléthore d’actions pour soulager la détresse des étudiants : du panache, de l’élan, du challenge, du choc de confiance, etc. Mais la chaîne info a d’autres idées pour assurer leur bien-être : un fauteuil massant et chauffant, un robot-compagnon ou un van de télétravail. De son côté, France 2 leur suggère de suivre leurs cours dans des endroits paradisiaques.
« Qu’avez-vous envie de dire à Hugo Travers ? » demande Bruce Toussaint à Sarah El Haïry. La semaine dernière, BFMTV organise un débat entre la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et de l’Engagement et le jeune youtubeur qui, dans une vidéo, a compilé des messages d’étudiants « dans une situation extrêmement difficile, dixit le présentateur, on peut même parler de détresse psychologique ». Nous avons déjà évoqué ici cet échange devenu viral en raison de la luxuriante langue de bois déployée par la secrétaire d’État – à faire passer la forêt amazonienne pour un désert minéral. Pourtant, la chaîne d’info a pris soin de ne pas lui opposer le pugnace représentant d’un syndicat étudiant mais le gentillet journaliste capable de « décrypter » le programme de la liste LREM pour les élections européennes en affirmant qu’elle veut « davantage protéger les travailleurs ».
« Le constat, on le partage, répond Sarah El Haïry à Bruce Toussaint. Aujourd’hui, ma responsabilité est dans l’action, de comment on apporte des réponses à ces jeunes. » Oui, comment ? « Et ces réponses sont multiples. D’abord des réponses économiques, c’est notre job d’être ce moteur. » D’accord, on apporte des réponses multiples avec un moteur. « Ensuite des réponses sociales avec très concrètement… parce que les jeunes, j’en ai vu à Aurillac, à Reims, à Bordeaux. » C’étaient des jeunes très concrets. « Aujourd’hui, notre challenge, c’est de se mobiliser plus fortement. » En passant à l’action du moteur concret. « Parce que la réponse à leur moral, la réponse à leur énergie, la réponse à leur élan… » Leur moral d’acier, leur énergie inépuisable, leur élan vital. « … c’est une réponse sociétale. » Une réponse à moteur sociétal.
« Moi je dis : bravo Hugo !, félicite Sarah El Haïry. Tu [1] as concentré dans cette vidéo des mots [ou des maux ?] qui sont partagés. » Comme le constat. « Maintenant, passons à l’action. » Euh… N’est-ce pas un peu prématuré de passer à l’action après seulement un an de crise ? « Les solutions, elles sont multiples. » Encore ? Des multiples de multiples, ça doit faire beaucoup. « Il faut continuer à accompagner les associations qui se mobilisent. » En leur disant « bravo ». Ça va beaucoup les aider. « Mais avant tout, notre responsabilité, c’est de créer l’élan, de garder ce choc de confiance. » La voilà, la solution : avec un choc de confiance, fini les idées suicidaires. « Et donc, c’est une responsabilité partagée entre les familles, les enseignants, les entreprises… » À l’exclusion du gouvernement. « C’est tout un pays qui se mobilise pour le moral de sa jeunesse. » Sauf son gouvernement. « Et pour ça, moi, c’est un appel, un appel à la mobilisation collective. » Et sociétale. « Parce que nos étudiants, c’est notre priorité. » Notre challenge. « Et pour ça, on peut tous apporter quelque chose. C’est typiquement des réponses et des solutions que j’ai vues à Aurillac ou à Reims où ce sont des associations qui se mobilisent avec les étudiants. » Le gouvernement se réservant la mise en œuvre du choc de confiance.
« Il y a un sentiment de ne pas être suffisamment écoutés et entendus par le gouvernement, proteste aimablement Hugo Travers. Y a eu des annonces, les repas à 1 euro, le chèque psy, des mesures plutôt bien reçues. Mais ces mesures-là sont loin d’être suffisantes pour la détresse actuelle. » Sarah El Haïry lui répond du tac au tac : « Hugo, je suis d’accord avec toi. » Sur le constat, peut-être ? « Il faut se mobiliser, passer à l’action. » Ah oui, l’action. Celle des solutions sociétales multiples et du choc de confiance à moteur. Bruce Toussaint intervient. « La question, c’est : est-ce que les mesures mises en place par le gouvernement sont suffisantes ? » La secrétaire d’État lui cloue le bec : « Il se trouve qu’hier on discutait avec Hugo sur : qu’est-ce qu’on peut faire ? Le constat, il est partagé. » Ça fait même trois fois qu’il est partagé, il ne va plus en rester pour les autres. « Maintenant, on continue à passer à l’action. » On n’en finit plus de passer à l’action. « Quand on parle d’isolement, comment on accompagne chaque étudiant pour qu’il puisse se mobiliser ? » Facile : on le gratifie d’un choc de confiance et hop !, il est mobilisé, ses soucis se sont volatilisés.
« La semaine dernière, poursuit Sarah El Haïry, on a changé les règles du service civique pour permettre à chaque étudiant de s’engager, de trouver sa place, de rompre son isolement en se sentant utile. » Si les étudiants voulaient étudier, ça se saurait. Non, ils veulent travailler trente-cinq heures par semaine pour un demi-Smic. « Parce que ces étudiants, ils disent : “Je me sens seul, je me sens seul après une journée entière de cours à distance.” Eh bien, engagez-vous ! » Qu’ils disaient, vous verrez du pays, qu’ils disaient. « Et nous on est là pour accompagner ces engagements. C’est ce que je disais hier à Hugo, il y a des réponses. » Multiples, non ? « Mais l’énergie, le moral, l’élan, c’est notre responsabilité collective. » Pas celle du gouvernement. « C’est pour ça que moi j’apporte une des solutions avec le fait de rendre le service civique accessible à tous. » Et le fait de remplacer grâce à lui des postes de fonctionnaires par des sous-emplois. « Parce que c’est moteur. » Ah oui, le moteur. « Maintenant, il faut une mobilisation des assos également. » C’est vrai, ça. Qu’est-ce qu’elles fichent, les assos ? Hormis à Aurillac et à Reims, elles n’en branlent pas une.
[1] Pourquoi le tutoie-t-elle ? elle est flic ?