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Parcoursup : le rapport « Fin du game » de la Cour des comptes - Julien Gossa, Blog Educpros, 27 février 2020

vendredi 28 février 2020, par Mariannick

Non seulement Julien Gossa a lu de près les 200 pages du rapport des dangereux punks à chiens de la rue Cambon, mais il connaît son Vidal par cœur et nous propose une analyse croisée.
SLU !, pour ne pas être en reste, entrelarde le tout de quelques extraits de l’autosatisfecit de la CPU.


Lire aussi l’article de Faïza Zerouala dans Mediapart (27 février)
« La Cour des comptes dénonce l’opacité de Parcoursup »


Lire intégralement ici le billet de Julien Gossa.

La Cour des comptes vient de publier « Un premier bilan de l’accès à l’enseignement supérieur dans la cadre de la loi Orientation et réussite des étudiants » (Février 2020) à destination du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale. Parcoursup et la loi ORE ayant fait l’objet de lourds désaccords dans la communauté, ce rapport sonne comme un arbitrage « Fin du game » de presque deux ans de débats.
[bleu]Si le rapport est critique sur certains aspects, la Cour souligne des évolutions d’ores et déjà positives, relevées par la CPU.[/bleu]

Attention : ce billet ne vise pas à rendre intégralement compte des informations du rapport de la Cour, mais seulement à mettre en perspective les promesses et éléments de langage du ministère avec la réalité constatée par la Cour. Ainsi, la plupart des critiques rapportées ici s’accompagnent de modérations et de propositions d’améliorations dans le rapport. De plus, certaines critiques, parfois très dures, notamment sur le système d’information, ne sont pas rapportées ici.

L’affaire n’est pas mince, il s’agit de la réforme du « -3/+3 », c’est-à-dire des études de 80% des françaises et français ayant entre 15 et 21 ans. La loi ORE/Parcoursup et la réforme du Lycée/Bac2021 (E3C) sont une seule et même réforme, comme l’indiquait Mme Vidal, Ministre de l’enseignement supérieur en audition au Sénat :

« Jean-Michel Blanquer et moi avons bien évidemment débattu de l’articulation de Parcoursup avec la réforme du baccalauréat. La décision a été prise de commencer par l’accès à l’enseignement supérieur, notamment parce qu’on ne pouvait pas continuer à tirer au sort pendant trois ans, mais, in fine, l’articulation devra être complète. Si l’on réussit le pari de la construction d’un lycée adossé à cette orientation vers le supérieur, on ne posera même plus la question de la hiérarchisation des vœux. »

La réussite de Parcousup est donc critique pour la réussite de toute la réforme du système d’éducation national. Le principe de la loi ORE est présenté ainsi par la Cour, rapportant la position du ministère :

« La loi ORE établit ainsi une perspective cohérente et unifiée dans le continuum « -3/+3 », c’est-à-dire de la classe de seconde à la 3ème année de licence, en posant le principe qu’une meilleure orientation suivie d’une affectation prenant davantage en compte le profil de l’élève permettra d’améliorer sa réussite dans l’enseignement supérieur. »

Dans la suite, toutes les citations sont extraites du rapport de la Cour des comptes. [1]

Aide à l’orientation « Il n’y a pas de décision éclairée sans une pleine information, c’est le sens des attendus »

https://twitter.com/i/status/940660860883791873

Seule une moitié des élèves et une minorité des professeurs principaux sont satisfaits des attendus dans leur forme actuelle.
Il apparaît cependant que la bonne information des candidats sur les critères de classement des formations auxquels ils prétendent n’est pas complète. Les attendus publiés, dont les énoncés mériteraient une nouvelle revue, ne correspondent pas toujours aux paramétrages retenus in fine par les commissions d’examen des vœux.


[bleu]– Les attendus des formations, « fruits de la réflexion des spécialistes de chaque discipline », apportent aux futurs étudiants, selon la cour, une «  somme d’informations sans commune mesure avec ce qui existait précédemment  », et constituent « un nouvel outil contribuant à améliorer l’orientation  »[/bleu]
[…]

Discriminations « Les dossiers des candidats seront anonymisés, le lycée d’origine restera »

La prise en compte de l’identité des candidats par certaines CEV [Commission d’examen des vœux] correspond au lycée d’origine, y compris dans les licences non-sélectives en tension où ce critère joue à plus de 1 % pour environ 20 % de ces licences. Certains cas, rares, de discrimination positive portant sur le sexe ont été observés.

[Recommandation] 10. Anonymiser le lycée d’origine et lui substituer une mesure de l’écart entre les résultats au baccalauréat et la notation au contrôle continu (MESRI).


[bleu]– Les résultats scolaires au lycée sont très logiquement devenus, avec Parcoursup, le principal critère d’accès à l’enseignement supérieur[/bleu]

Quotas de boursiers : « c’est la fin du fatalisme face aux inégalités d’accès à l’enseignement supérieur  »

« Élargir le champ des possibles, c’est aussi rétablir l’égalité partout où elle doit l’être. Avec les présidents d’université, chefs d’établissement, recteurs, nous allons travailler pour fixer collectivement les taux minimaux d’accès des boursiers aux différentes formations. » (@VidalFrederique)

Les études statistiques menées par la Cour montrent que ces quotas de boursiers, qui ont été davantage respectés en 2019 en comparaison de 2018, ont eu un impact faible sur l’accès aux filières en tension, qu’elles soient sélectives ou non.
Ainsi, à la rentrée 2019, la part de boursiers admis est inférieure à la part de boursiers candidats dans 13 des 40 CPGE les plus demandées et qui se voyaient appliquer un quota.
Les quotas n’ont pas, par ailleurs, entraîné une plus grande diversité sociale dans les formations de l’enseignement supérieur où les boursiers étaient peu représentés


[bleu]– Une moindre autocensure des boursiers est à relever grâce à l’abandon du principe de classement des vœux, propre à l’ancien outil APB ;[/bleu]

« Nous poursuivons nos efforts pour accompagner la mobilité géographique & sociale »

« Aide à la mobilité @parcoursup_info, +16% de lycéens boursiers ont accepté une proposition hors académie, fin de la sectorisation @iledefrance, +5% de boursiers du secondaire qui rejoignent le sup’ : nous poursuivons nos efforts pour accompagner la mobilité géographique & sociale ! »

L’analyse statistique de la Cour montre que les quotas géographiques, à la différence des quotas de boursiers, ont eu des effets significatifs (cf. graphique et développement dans l’Annexe n° 12). Cela signifie qu’en l’absence de quotas, un certain nombre de candidats non-résidents auraient pris la place de candidats résidents.

Tri des candidatures « Tout a été pensé dans Parcoursup pour remettre de l’humain dans la procédure »

Sur la base d’un ensemble d’indicateurs, la Cour a pu mettre en évidence une automatisation croissante du système en 2019. Ainsi, le nombre de candidats bénéficiant de bonifications automatiques est passé de 148 477 en 2017 à 462 015 en 2019.
Pour l’ensemble des filières, les critères relatifs aux résultats ont eu une importance déterminante sur les pré-classements opérés par les CEV [Commission d’examen des vœux]. À l’opposé, la motivation des élèves n’est presque jamais prise en compte. À titre d’exemple, parmi les 191 licences non-sélectives analysées, seule une formation de sociologie a tenu compte de ce critère de façon importante (poids de 20 % environ).

« L’idée de la lettre de motivation sur Parcoursup est de penser des parcours de formation qui permettent aux étudiants de garder confiance en eux et de réussir. »

Par ailleurs, le projet de formation motivé, communément appelé « lettre de motivation  », semble n’être presque jamais pris en compte .

« chaque établissement réunit […] une commission d’examen des vœux  » (CEV)

Finalement, leur travail s’apparente plus à celui d’une commission administrative chargée de trier, de classer et le cas échéant de compléter des dossiers, afin d’établir des listes provisoires. Il y a certes délibération des membres de la commission lors de la prise en main de l’outil, au moment de la fixation des éléments de pondération, mais toute forme de discussion peut ensuite disparaître, ou n’intervenir que de manière anecdotique pour le réexamen de quelques dossiers spécifiques (notes manquantes ou dossier incomplet, par exemple).

« Secret des délibérations  » des CEV

Le cinquième alinéa de l’article L. 612-3 1 du code de l’éducation intègre les mêmes dispositions protectrices à propos des CEV [Commission d’examen des vœux], qui se trouvent de facto assimilées à des jurys de concours, même si elles ne sont pas qualifiées ainsi dans le texte. Cette assimilation pose toutefois question, car les travaux réalisés par ces deux instances ne sont pas réellement comparables.
Dans ce contexte, dans la perspective d’une plus grande transparence, rien ne devrait s’opposer à ce que tous les éléments de paramétrages de l’outil que les CEV utilisent soient rendus publics.


[bleu]– La loi ORE a modifié les critères d’accès à l’enseignement supérieur, mettant en place un processus de déconcentration de la décision d’affectation dans l’enseignement supérieur, qui se veut plus efficace et plus transparente qu’avec le dispositif APB[/bleu]

« Quand Mme Vidal nous expliquait que les « algorithmes locaux » n’existaient pas  »

La publication des éléments de paramétrages utilisés par les commissions d’examen des vœux répond d’abord à un objectif pédagogique évident. Les « algorithmes locaux » peuvent servir de base informative intéressante pour les usagers utilisant Parcoursup et leur permettre de comprendre la manière dont les différentes disciplines de leur année de terminale, voire de première, les fiches Avenir, le projet de formation motivé, la filière d’origine etc. sont, ou non, pris en compte dans le classement de leurs candidatures
La publication des « algorithmes locaux » répond ensuite à un impératif de transparence, dont le Conseil constitutionnel a pu rappeler qu’il constitue, en toutes circonstances, un objectif d’intérêt général
L’utilisation « d’algorithmes locaux » pour opérer des classements ne saurait être remise en cause, au regard du volume des candidatures, mais le fait de ne pas les publier et d’en refuser la communication crée un risque de défiance.

« Nous avons fait le choix de la transparence »

« Le décret et l’arrêté régissant la plateforme #Parcoursup ont été publiés. Nous avons fait le choix de la transparence et pour la première fois, les règles sont claires, publiques et ont été concertées. »

En dépit des actions de mise en transparence du ministère, le code source de Parcoursup reste à 99 % fermé. La partie publiée demeure d’un intérêt limité pour comprendre, expertiser, et évaluer le processus d’affectation des candidats dans les formations.
Il apparaît toutefois que, bien que censées opérer de façon ouverte et transparente, les commissions d’examen des vœux obéissent en réalité à un mode de fonctionnement souvent hétérogène et peu transparent
[Recommandation] 11. Rendre publics les « algorithmes locaux » utilisés par les commissions d’examen des vœux pour l’ensemble des formations proposées (MENJ et MESRI).

« Avec les équipes de la Commission d’accès à l’enseignement supérieur la mobilisation est totale pour accompagner les candidats sans proposition  »

Les commissions travaillant dans l’urgence, leurs réunions ne font généralement pas l’objet de compte-rendu, les propositions d’admission se faisant directement en séance sur la plateforme Parcoursup. Il n’est donc pas possible de disposer d’éléments pouvant expliquer le choix des propositions faites, et de mener une analyse fine pour comprendre le sens des propositions adressées aux candidats. Les académies tirent toutefois, dans l’ensemble, un bilan plutôt positif

Réussite après l’affectation « Nous sommes persuadés qu’il faut aller vers plus d’orientation et arrêter la sélection par l’échec, c’est tout l’objet des « oui si »  »

Pour que l’efficacité des dispositifs « oui si » déployés puisse être mesurée, les universités doivent identifier leurs étudiants « oui si » en fonction du type de dispositif suivi et de leur profil. Mais cet objectif apparaît difficile à atteindre en raison d’outils de mesure de la réussite, telle que définie actuellement, inefficaces dans la plupart des universités car inadaptés ou non utilisés.
Les universités ont transmis aux rectorats l’estimation de leurs besoins financiers pour mettre en place des dispositifs d’aide à la réussite. Or, certaines d’entre elles ont uniquement reconduit des dispositifs de remédiation qui existaient déjà car créés dans le cadre de plans ministériels précédents, et qui étaient donc préalablement financés.
La Cour s’interroge sur l’absence de réduction voire de suppression de ces crédits, l’objectif de la loi n’étant pas de financer les universités mais d’aider les étudiants à mieux réussir.

« À tous ceux qui refuseront de répondre « oui si », ils regarderont leurs étudiants en face…  »

En 2019-2020, 807 formations, soit 33 % des formations en licence sur Parcoursup, ont proposé à 172 260 candidats une proposition d’admission à condition de suivre un dispositif « oui si »241. Seuls 22 205 ont accepté cette proposition dans 771 formations. Ce taux de 13 % d’acceptation pourrait indiquer que l’étudiant préfère toujours rejoindre une formation pour laquelle il reçoit une proposition d’admission sans « oui si ».
Parmi les étudiants ayant accepté en 2018 un parcours « oui si », seuls 85 % se sont présentés à l’université à la rentrée.
En outre, la plupart des étudiants s’étant inscrits dans ces parcours se sont montrés peu assidus.
Finalement, l’université d’Évry a décidé en cours d’année universitaire d’ouvrir le dispositif à l’ensemble des étudiants de L1 sur volontariat, quel que soit leur niveau. Si cette orientation a permis d’améliorer les taux de présence, elle ne répond pas aux objectifs de la loi ORE


[bleu]– Quant à l’efficacité des dispositifs d’aide à la réussite étudiante, la Cour observe qu’ils semblent d’ores et déjà efficaces dans un certain nombre de formations, alors que le recul temporel est particulièrement faible pour les évaluer.[/bleu]

« Avec la loi Orientation et réussite des étudiants ORE, la démocratisation de notre enseignement supérieur est revenue au centre du débat »

L’analyse globale de la performance menée par la Cour suggère que, pour l’instant, les augmentations de réussite dans certaines formations en tension sont compensées par des diminutions équivalentes dans d’autres formations.

L’ouverture de nouvelles places « Nous travaillons avec les établissements à l’ouverture de 22 000 places supplémentaires dans les filières en tension »

Outre un coût de la place très variable, le nombre de places nouvelles à financer a été déterminé par les rectorats à partir des engagements pris par les universités. Or, il s’avère que les augmentations de capacités déclarées a priori n’ont globalement pas été respectées par celles-ci. Ainsi, en 2018, sur 21 239 places financées, 8 107 sont restées vacantes dans Parcoursup.
Ainsi, malgré un nombre significatif de nouvelles places créées, le taux de pression des filières sélectives et non sélectives a augmenté entre 2018 et 2019, comme l’indique le graphique qui figure en Annexe n° 15. Cela signifie que les places supplémentaires n’ont pas été créées dans les filières qui avaient le plus de demandes de la part des candidats.

« C’est pour accompagner les bacheliers technologiques et professionnels que nous ouvrons des places en BTS et IUT »

Ces mesures apparaissent insuffisantes au regard des 5 000 bacheliers professionnels qui, à la rentrée 2018, étaient encore orientés par défaut à l’université
Les quotas n’ont pas pour l’instant l’effet escompté. La part des bacheliers professionnels en STS est resté stable entre 2017 et 2018222 alors que l’objectif des quotas est d’élever leur proportion parmi les élèves de ces formations. La situation s’est détériorée en 2019.
Au final, l’accueil des bacheliers technologiques et professionnels dans l’enseignement supérieur est en voie d’amélioration grâce à une gestion des capacités d’accueil des différentes filières qui prend davantage en compte leurs spécificités.

La transformation globale de notre système -3/+3 « Il ne contient aucune disposition permettant que soit conduite une politique malthusienne de réduction des capacités d’accueil »

Dans une logique d’attractivité, certaines formations pourraient utiliser la variable de la capacité d’accueil afin d’augmenter leur sélectivité et accroître ainsi leur taux de réussite, en attirant les meilleurs candidats.
Il n’est donc pas exclu, à terme, que Parcoursup exacerbe des situations d’émulation entre établissements, déjà à l’œuvre en matière de recherche, et qui pourraient se généraliser désormais au niveau des formations de premier cycle.
L’académie de Paris, qui concentre la majorité des filières en tension, illustre ce phénomène. La part d’admis ayant eu une mention très bien au baccalauréat dans les filières non sélectives y est passée de 29 % en 2017-2018, dernière année d’APB, à 40 % en 2018-2019, première année de Parcoursup.
Cet accroissement de la concurrence entre les établissements, s’il venait à se confirmer, nécessiterait de réinterroger les équilibres, sauf à laisser s’ériger, dès les formations de premier cycle, un système universitaire à deux vitesses, au détriment des étudiants inscrits dans des universités moins prestigieuses, ou bénéficiant de moins de visibilité.


[1En titre, la phrase de Frédérique Vidal, en citation, la cour des comptes, en bleu, la CPU (note de SLU)