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Universités : le prix du mépris - Sylvestre Huet, blog SCIENCES², Libération, 22 mai 2014

jeudi 22 mai 2014, par Elisabeth Báthory

Peut-on mesurer le mépris de nos gouvernements vis-à-vis des universitaires ? Oui, comme le montre le graphique ci-dessous (source : Snesup FSU) qui présente l’évolution du salaire d’embauche d’un Maître de conférences depuis 1984. Une donnée objective pour un sentiment subjectif.

A lire sur le site de Libération.

Il y a 30 ans, le gouvernement estimait ne pas pouvoir payer moins que 2,9 fois le SMIC un universitaire embauché comme Maître de conférences. Autrement dit, nous parlons d’un enseignant-chercheur, ayant passé avec succès tous les examens possibles au long de 8 années d’études minimum, soutenu une thèse devant un jury et ayant réussi le difficile concours de recrutement —en raison du nombre de candidats qualifiés—, face à un jury composé d’universitaires en poste. Cet enseignant-chercheur est missionné pour une double responsabilité : former des milliers d’étudiants tout au long de sa carrière et participer à la production de savoirs nouveaux. Un rôle précieux dans nos sociétés dites « de la connaissance » et où tous les responsables politiques affirment compter sur l’élévation des qualifications et les technologies pour résoudre la crise économique et sociale en cours.

Punition et humiliation

Aujourd’hui, après Mitterrand, Chirac, Sarkozy, et sous Hollande, un tel universitaire est embauché à 1,7 fois le SMIC, et son pouvoir d’achat (inflation déduite) a diminué de plus de 20%. Question : mais qu’est-ce que les universitaires ont fait de si horrible pour justifier pareille punition et humiliation ? Ont-ils saboté les universités, refusés de travailler, fait la grève de la recherche ? Qu’est-ce que les gouvernements —droite et Socialiste— qui ont décidé de leurs revenus ont à leur reprocher de si grave pour leur infliger pareil traitement, alors que leurs horaires de cours ont augmenté de 50% en 1984 ? Quelle autre profession intellectuelle a subi un tel déclassement ? Aucune.

Les articles publiés ce jour dans Libération par ma collègue Véronique Soulé évoquent la crise financière des Universités, mais aussi la décision gouvernementale d’imposer, en Ile-de-France surtout, une réorganisation dont l’une des conséquences sera l’affaiblissement de la démocratie dans la gestion des Universités. Le mépris des gouvernements n’est donc pas réservé aux universitaires mais s’étend en grande partie à l’institution elle-même, malgré les discours affirmant le contraire. Rarement issus des universités, ayant souvent emprunté la voie plus encadrée et mieux financée par l’Etat des Grandes Ecoles, les responsables politiques ne parviennent pas à se défaire de ce mépris, dont les conséquences sur la qualité de notre enseignement supérieur sont lourdes.

Le même raisonnement s’applique aux enseignants du secondaire et du primaire. Le dernier concours du CAPES de mathématiques n’a permis de recruter que la moitié des postes offerts, « un désastre », commente Jean-Pierre Bourguignon, président de l’European Research Council. L’idée de préparer la France au futur en sabordant l’enseignement des maths semble effectivement catastrophique.

Voir aussi : L’emploi scientifique menacé.