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Une nouvelle loi sur l’école qui s’inspire de la LRU - 9 mars 2014
dimanche 9 mars 2014, par
... autonomie et territorialisation des établissements, affaiblissement des enseignements disciplinaires et casse du statut des enseignants...
Après les "réformes" de la recherche, de l’université (LRU 1 et LRU2), les attaques se développent dans le premier et second degré avec la loi Peillon sur l’école (laquelle prolonge et approfondit la loi Fillon de 2005) + les nouvelles lois de décentralisation, loi sur la formation professionnelle...
L’autonomie des établissement est accentuée : la territorialisation de l’enseignement public est là pour dynamiter la cadre national des programmes, des horaires disciplinaires...et donc du caractère national du bac (au nom du "parcours individuel de l’élève).
La loi Peillon inclut une redéfinition des programmes de façon curriculaire (intégrant compétences, évaluations, méthodes d’enseignement, suivi des élèves, outils numériques, formation professionnelle des élèves...). Avec un nouvel (et important) affaiblissement des enseignements disciplinaires.
La mise en œuvre de cette loi implique, pour le ministère, la nécessité de s’attaquer aux statuts nationaux des enseignants (certifiés, agrégés) en redéfinissant leurs obligations de services en termes de "missions" (dont une série de "missions liées" à l’enseignement dont la définition précises, l’organisation et le contrôle seront soumis aux pouvoirs locaux (chefs d’établissements, CA, régions...).
Ci dessous 2 réactions des enseignants :
1) Section SNES Faidherbe de Lille
Nous venons d’apprendre que V. Peillon présentera le 27 mars, au Comité Technique Ministériel, un projet de décret redéfinissant les statuts des enseignants.
Ce nouveau décret fera disparaître les décrets de 1950 qui définissent aujourd’hui les statuts de tous les certifiés et agrégés (en collège, lycée, STS et CPGE), en maxima d’heures hebdomadaires d’enseignement disciplinaire.
Le projet Peillon prévoit une redéfinition du métier en missions. Une première mission, la mission d’enseignement « se traduit par un temps de travail pédagogique » dont le maximum hebdomadaire sera de 18h ou 15h par semaine. La liberté pédagogique des enseignants s’exercera notamment « dans le cadre du projet d’établissement » (la loi Peillon de 2013 va amener le projet d’établissement à se soumettre au contrat d’objectif passé avec les collectivités territoriales).
Les deux autres ensembles de missions « liées » et « complémentaires » correspondent à un volant d’environ 1000 heures annualisées. En effet, toutes les missions constituent « la déclinaison (…) de la réglementation sur le temps de travail applicable à l’ensemble de la fonction publique », soit 1600 heures annualisées pendant lesquelles les « agents sont à la disposition de leur employeur », donc du chef d’établissement. Parmi les missions « liées », obligatoires, on trouve nombre de tâches : activités d’évaluation, aide, réunion diverses, formation, information, « enseignements complémentaires » assurant « la continuité de l’enseignement sous l’autorité du chef d’établissement », dont le volume et l’attribution seront décidées par les chefs d’établissement. Ces missions « liées » comprennent également les temps de préparation des cours et corrections de copies.
Les missions « complémentaires » permettent quant à elles d’introduire une hiérarchie entre les enseignants.
Les décharges de première chaire, heure de cabinet, de labo, heure pour effectif pléthorique (« remplacée » par une indemnité !) ou faible disparaissent ; des pondérations sont introduites.
Missions, annualisation et pondérations individualiseront les services des enseignants et accentueront les divisions, entraîneront une dégradation des conditions de travail et modifieront la nature de notre métier.
Face aux conséquences d’un tel projet, nous sommes indignés par les propos de la direction de notre syndicat, le SNES, qui vante de prétendues avancées alors que les nouveaux statuts entraîneront un immense recul pour l’ensemble de la profession et une baisse dramatique de la qualité de l’enseignement public. Nous ne pouvons accepter de sa part nombre de contre-vérités, telles l’absence d’annualisation ou le fait que les enseignants de CPGE ne seraient pas concernés par ces fiches : les enseignants de CPGE sont majoritairement agrégés et sont donc directement touchés par la disparition des décrets de 1950 ! Sont-ce là les « bénéfices » du « dialogue social » tant vanté par le gouvernement et les directions syndicales ?
Nous rappelons à notre direction syndicale qu’elle n’a pas à cogérer la mise en place des réformes voulues par un gouvernement, quelle que soit sa couleur politique.
Nous appelons nos directions syndicales :
à se prononcer clairement pour le retrait immédiat du projet Peillon de refonte des statuts,
à rompre immédiatement les concertations sur ce projet et, notamment, à annoncer qu’elle refusera de se rendre au Comité Technique Ministériel du 27 mars.
2) COMMUNIQUÉ de l’AG des PRAG-PRCE de l’université de Rouen :
POUR L’ABANDON DU PROJET PEILLON - NON A LA DEMOLITION DES STATUTS DES PROFESSEURS CERTIFIES ET AGREGES (ENSEIGNEMENT SECONDAIRE ET SUPERIEUR)
Réunie le 21 février 2014, l’assemblée générale des professeurs agrégés et certifiés (PRAG-PRCE) de l’université de Rouen a examiné le projet PEILLON de réforme des statuts des enseignants (dernière version des fiches ministérielles - 12 février - préfigurant un très prochain projet de décret).
Ce projet, s’il était adopté, mettrait à bas nos statuts (décrets de 50). Le décret de 93 des PRAG-PRCE, version annualisée des décrets de 50, subirait rapidement le même sort.
Trois points ont tout particulièrement alerté l’assemblée générale :
a) Le projet PEILLON vise d’abord à rajouter diverses tâches hors enseignement dans les obligations de service de tous les enseignants.
Ces tâches, appelées dans le projet « missions liées à l’activité d’enseignement », seraient obligatoires et viendraient en sus des 15 ou 18h, ou bien des 384h annuelles pour les PRAG PRCE.
Dans la dernière version du texte ministériel, elles sont en effet considérées comme « inhérentes » ou encore « directement liées à l’activité d’enseignement », ce qui leur confère un caractère obligatoire. Ces tâches seraient donc imposables et contrôlables par l’administration, certaines pouvant éventuellement être assorties d’un temps de présence obligatoire dans l’établissement.
D’autres tâches, correspondant à des responsabilités particulières et qualifiées de « missions complémentaires », seraient quant à elles facultatives. Leur attribution reposerait en effet « sur le volontariat ». A ce titre, elles seraient rémunérées par des indemnités. Ces tâches donneraient lieu à une « lettre de mission » du chef d’établissement, cette dimension locale contribuant à remettre en cause le caractère national de nos statuts.
Si on laisse de côté les tâches complémentaires non obligatoires, le service d’un enseignant serait donc constitué de deux parties : l’une comprenant l’enseignement, l’autre comprenant de multiples tâches « liées », obligatoires.
Ceci alourdirait notre service et dénaturerait notre métier, comme l’avait d’ailleurs annoncé sans fard le ministre : « il faut changer la nature du métier [d’enseignant] ». Dans le cas des universités, les très nombreuses tâches hors enseignement (tâches « liées » comme les suivis de mémoires ou de stages, les projets tutorés, etc. ) pourraient donc devenir obligatoires et, à ce titre, n’auraient de surcroît plus vocation, d’un point de vue réglementaire, à être rémunérées.
b) Le projet PEILLON précise en outre de façon très inquiétante : « L’ensemble de ces missions [càd : enseignement, tâches liées obligatoires, tâches complémentaires non obligatoires] constitue la déclinaison, pour les corps concernés, de la réglementation sur le temps de travail applicable à l’ensemble de la fonction publique ».
Or le temps de travail en question s’élève à 1607 heures annuelles. Ces 1607 h correspondent à l’annualisation de 35h hebdomadaires – soit 1600h – auxquelles sont venues s’ajouter 7h supplémentaires suite au retrait du lundi de pentecôte de l’ensemble des jours fériés.
Totalement absente des statuts actuels, cette référence aux 1607 heures annuelles pourrait fournir un fondement réglementaire pour imposer une présence obligatoire dans les établissements au-delà des 18 ou 15h, ou bien, pour les PRAG-PRCE, au-delà des 384h.
Couplée au caractère obligatoire des tâches hors enseignement, qui deviendraient ainsi une partie constitutive du service, cette référence aux 1607 heures annuelles pourrait en outre ouvrir la voie à une modulation de la répartition des obligations de service : « tel professeur », comme le préconisait dès l’été 2012 un rapport de l’IGEN-IGAENR, « pourrait assurer plus de cours et tel autre plus d’accompagnement », c’est-à-dire plus de suivis individualisés ou autres tâches « liées » obligatoires.
Cette modulation pourrait, par exemple, trouver une illustration dans le type de service actuellement attribué à quelques PRAG-PRCE dans certaines universités (bien que de façon totalement irrégulière au regard de la réglementation actuelle) : 128h d’enseignement au lieu des 384h annuelles – soit un tiers d’un service d’enseignement – auxquelles s’ajoutent chaque semaine 24h30 de tâches hors enseignement effectuées sur trois jours et
demi avec présence obligatoire – soit environ deux tiers des fameuses 1607 heures annuelles –.
c) Prétendant garantir la liberté pédagogique, le projet PEILLON l’encadrerait très sévèrement : la liberté pédagogique s’exercerait « dans le cadre du projet d’établissement ». Elle se retrouverait donc complètement subordonnée au projet d’établissement voté par le CA. Cette liberté serait restreinte et… définie localement !
Sans même mettre en avant d’autres points importants – notamment les heures de première chaire et d’effectifs pléthoriques supprimées et remplacées respectivement par des pondérations et des indemnités –, points qui en particulier dans le cas des classes préparatoires ont suscité la légitime et salutaire révolte de nos collègues, le projet PEILLON demeure inacceptable dans son architecture générale.
Ce sentiment semble assez largement partagé dans la profession puisque dans l’une des plus grosses académies de France (Créteil) la section académique du syndicat majoritaire a effectué un sondage régional selon lequel, d’après elle : « 80% des collègues ne souhaitent pas voir nos
statuts évoluer dans le sens du projet PEILLON (17,4% ne savent pas) ». Dans cette académie, une journée de grève contre l’ensemble du projet PEILLON, avec manifestation, a d’ailleurs déjà eu lieu le 5 décembre 2013 à l’appel des sections académiques SNES-FSU, SNLC-FO, SNUEP-FSU, SUD-Education, CGT-Educ’action (la banderole syndicale académique ouvrant la manifestation affichait, avec un sens de la formule mis au service de la clarté : « Peillon refonde : salaire et statut fondent ! »).
L’assemblée générale des PRAG-PRCE de l’université de Rouen réaffirme avec force son attachement aux statuts actuels des certifiés et agrégés (décrets de 50) et tout particulièrement à un service défini exclusivement en termes d’heures d’enseignement fixées au niveau national et assorties de maxima hebdomadaires (15h et 18h). L’assemblée refuse toute forme d’intégration des tâches hors enseignement dans la définition statutaire du service.
Dans le cas spécifique des universités, les tâches dites d’intérêt général doivent rester librement consenties, donner lieu à des décharges fixées selon des critères nationaux, mais en aucun cas être intégrées dans les obligations réglementaires de service car cela conduirait à une dénaturation du métier d’enseignant et à un alourdissement du service.
L’assemblée générale des professeurs certifiés et agrégés de l’université de Rouen exige l’abandon total du projet PEILLON de réforme des statuts des enseignants.
Rouen, le 21 février 2014
Cette motion a reçu le soutien des organisations syndicales locales :
CGT-Educ’action ; SNEP-FSU ; SNLC-FO ; FERC-Sup-CGT ; SUD-Education.