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Programmes de seconde : il y a consultation mais les éditeurs bouclent déjà les manuels ! Louise Fessard, Mediapart, 4 mars 2010

jeudi 4 mars 2010

La consultation des enseignants sur les nouveaux programmes de la classe de seconde ne s’achève que le 12 mars. Les programmes doivent ensuite être présentés au Conseil supérieur de l’éducation le 1er avril. Pourtant, les éditeurs ont déjà commencé à concevoir les manuels de seconde pour la rentrée scolaire 2010 ! « Les éditeurs ne pouvaient pas attendre le 1er avril pour mettre en branle la machine, explique Julie*, une des enseignantes travaillant pour un gros éditeur sur le futur manuel de physique-chimie. L’enjeu financier est énorme : il faut que les livres soient sortis pour juin, ou au pire septembre, pour que les enseignants puissent faire leur choix. »

Au mépris de l’avis des professeurs de lycée ? « On peut encore prendre en compte quelques modifications mais ce ne seront pas de grosses modifications », reconnaît-elle. C’est dire le peu de cas fait de cette consultation des enseignants pourtant mise en avant par le ministère pour étouffer la polémique grandissante sur le contenu des programmes de sciences économiques et sociales et d’histoire-géographie.

« Les programmes sont encore en phase d’élaboration », et peuvent donc « être modifiés, rien n’est définitif », avait alors affirmé le ministère de l’éducation.

A l’origine de l’affaire, c’est surtout la précipitation dans laquelle ces programmes ont été conçus qui est en cause. « Trois réunions en tout et pour tout, qui duraient entre une heure trente et trois heures, et qui ont eu lieu entre le 18 décembre et le 12 janvier. Et c’est tout », résume pour Rue 89, Sylvain David, président de l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses) et membre du groupe d’experts chargé du programme de l’option SES. Et une conception un peu particulière de la liberté pédagogique puisque le cabinet du ministre n’a pas hésité à intervenir pour « enlever des questions comme la discrimination à l’emploi ou le chômage » selon l’Apses.

Le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, n’affirmait-il pas en octobre 2009 que les programmes scolaires relèvent d’« un choix idéologique et politique », comme le rappelle Le Canard enchaîné ? L’un des six membres du groupe, le sociologue François Dubet a donc préféré rendre son tablier. « Nous avons travaillé très vite, nous n’avons eu le temps de consulter personne et le cabinet du ministère a sensiblement transformé notre projet », explique-t-il dans sa lettre de démission.

Lors du précédent changement de programmes au lycée, étalé de 2000 à 2002, « il y avait eu une vraie concertation des enseignants et les programmes sortaient au bulletin officiel en juillet pour être appliqués en septembre de l’année suivante », se souvient Julie. Cette année de décalage permettait de tester les programmes dans quelques lycées et, au besoin, de les adapter aux remontées du terrain. Désormais exit l’année de test, « le gouvernement voulait absolument que la réforme du lycée soit mise en place avant les régionales, pour montrer qu’il avait réussi une réforme », analyse Julie.

Gageons que Luc Chatel, ministre de l’éducation, n’arrivera toutefois pas à battre le record de son prédécesseur, Xavier Darcos : les nouveaux programmes du primaire étaient parus le 19 juin 2009 pour application... dix semaines plus tard.


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