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Liaisons incestueuses des labos avec les facs - Brigitte Rossigneux, Le Canard Enchaîné, 2 novembre 2011

jeudi 10 novembre 2011

BOUSCULÉE par le désastre du Mediator et autres vilaines affaires, l’industrie pharmaceutique essaie, depuis un moment, de redorer son blason. Notamment auprès des étudiants en médecine. Avec l’idée de convertir les jeunes praticiens à l’univers merveilleux de la recherche. Jouant sur le statut d’autonomie des universités et sur leur manque chronique d’argent, les labos avancent doucement leurs pions.

À Brest, le centre hospitalier régional et Sanofi ont lancé en 2010 une première offensive en direction des internes qui « bénéficieront » d’une semaine de formation à la « recherche clinique ». À Strasbourg, Sanofi « accompagne » (sic) la fac de médecine dans l’organisation des conférences hebdomadaires qui préparent les étudiants à l’examen. À Bordeaux, l’industriel participe même aux « épreuves nationales blanches ». Mieux, cet automne, les internes étaient invités par Sanofi à plancher sur leur futur « exercice professionnel ». Et ce moment de cogitation sponsorisé comptera pour la validation du troisième cycle de médecine générale. « Sanofi n’intervenait pas, mais il avait des stands pour vanter tous ses produits. Si c’est pour parler de notre avenir, la fac a des locaux. On n’a pas besoin d’eux », râle un praticien en herbe.

À Lyon, ce même labo, décidément en pointe, participe, via une fondation, au financement de la Maison des étudiants . Merci Sanofi, qui se targue d’ « offrir un environnement stimulant pour assurer la réussite des étudiants de santé, avec salles d’étude et de tutorat ».

Encore un cran au-dessus, le cas de Clermont-Ferrand. Dans un communiqué commun, publié en mars 2010, Sanofi et la Fondation de l’université d’Auvergne, ramasse-pognon de la fac, vantaient les mérites d’ « un module de formation destiné aux étudiants en médecine qui leur permettra [de se préparer aux] métiers de médecin de l’industrie pharmaceutique. »

De l’art de recruter

L’enseignement débute, dès la troisième année, par une présentation de la filière pharmaceutique, et les stages d’externat effectués dans le labo seront « reconnus et validés ». Une occasion pour Sanofi de faire sa pub et de pleurnicher sur la « pression des prix sur les médicaments et la montée des génériques ». D’où l’impérieuse nécessité de convaincre, voire d’endoctriner les futurs prescripteurs. En 2009, Sanofi s’est donc engagé à mettre 150 000 euros sur la table en quatre ans. Et, déjà, deux étudiants en fin de cursus l’ont rejoint.

C’est cet exemple dont la députée PS Catherine Lemorton s’est servie à l’Assemblée, lors de la discussion du projet de loi sur le médicament, pour dénoncer ce drôle de programme commun. Mais, tard dans la nuit, le 27 septembre, il n’y avait pas grand monde dans les travées. Le ministre Xavier Bertrand, lui, était présent. Au nom de l’autonomie des universités, il a retoqué le projet d’amendement de la gauche qui proposait d’encadrer ces liaisons incestueuses entre facs et industrie.

Et tant pis pour les effets indésirables.

Brigitte Rossigneux.
Le Canard Enchaîné, 2 novembre 2011