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Chèvre(s) de Monsieur Seguin (suite) - 26 mai 2013

lundi 27 mai 2013, par Alphonse D.

Toujours en léger différé de l’Assemblée nationale. C’est qu’elles sont courageuses les biquettes…

sur la Governance

M. le président. Article 25. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n° 223.

Mme Isabelle Attard. Le président de l’université doit avoir une légitimité démocratique fondée sur un corps électoral beaucoup plus large. En effet, en tant que représentant de l’université, il doit émaner des deux conseils de l’université. Le conseil d’administration et le futur conseil académique ont des rôles à la fois très différents et complémentaires, ce qui implique que l’ensemble de leurs membres soient élus, et qu’ils le soient de manière beaucoup plus démocratique qu’aujourd’hui.

Rappelons qu’avant la LRU, le président d’université était élu par les trois conseils réunis en assemblée. Par cet amendement, nous proposons simplement de revenir à ce qui existait auparavant, en prévoyant que le président soit élu par l’ensemble des membres élus. Cela est dû au fait que nous déposons un amendement pour que les membres nommés soient choisis par un comité de sélection émanant du conseil d’administration. Cette procédure n’étant pas compatible avec la participation à l’élection du président, ils seront nommés après l’élection.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes au cœur de ce que l’on appelle la gouvernance des universités. Il y aura, d’un côté, le conseil d’administration, lieu du pilotage stratégique. Représentant un certain nombre d’acteurs de l’université, il doit aussi être ouvert sur le reste de la société, ce qui, dans notre conception de l’université, est très important. De l’autre côté, le conseil académique, en charge de la vie universitaire et scientifique, aura ses propres prérogatives.

À notre sens, la stratégie doit être prise en charge par le conseil d’administration, dont nous faisons évoluer la composition – plus de collégialité par rapport au président –, tout en maintenant une certaine efficacité. Notre volonté est d’ouvrir et de clarifier l’organisation de l’université : nous pensons que ce modèle sera efficace.

M. le président
. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Hier, à plusieurs reprises, on nous a présentés comme des nostalgiques lorsque nous avons rappelé les bienfaits de la LRU de 2007. Je note avec intérêt qu’il y a une gradation dans la nostalgie et que certains sont encore plus nostalgiques que nous, puisque Mme Attard souhaite revenir encore beaucoup plus en arrière !

Pour notre part, si nous estimons que le dispositif resserré de 2007 est largement préférable, nous préférons encore la version actuelle du texte à cet amendement. Il n’est pas simplement question de collégialité, mais de capacité de pilotage d’un établissement d’enseignement supérieur. Le président est là pour assurer ce pilotage. Pour cela, nous pensons qu’un dispositif resserré est plus approprié.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. J’entends bien qu’il s’agit là de pilotage, mais il s’agit aussi, et c’est le point le plus important, de démocratie universitaire. On ne peut pas critiquer la LRU pendant cinq ans, comme certains de mes collègues l’ont fait, et se taire aujourd’hui lorsque je propose de revenir à l’état précédent.

Je ne suis pas persuadée que les syndicats et les collectifs que vous avez auditionnés, monsieur le rapporteur, étaient tous d’accord avec vous sur cette gouvernance. Dans les auditions que j’ai, pour ma part, menées, le manque de démocratie à l’intérieur de nos instances a bien été souligné.

(L’amendement n° 223 n’est pas adopté.)

sur le Droit de veto

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n° 224.

Mme Isabelle Attard. Comme beaucoup de propositions que nous avons faites au travers des nombreux amendements que nous avons déposés en commission et en séance, la présente proposition, qui vise à supprimer le droit de veto du président de l’université, est apparue au cours des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche et avait suscité un important soutien. Nous regrettons par conséquent qu’elle ait disparu du projet de loi.
Nous souhaitons confier ce droit de veto à un conseil d’administration en formation restreinte. Tout comme M. Hetzel, je reste cohérente du début à la fin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Il est vrai que cette proposition figurait dans les Assises. J’ai d’ailleurs évoqué ce sujet avec M. Vincent Berger lors de son audition.
Toutefois, le droit de veto a été très peu utilisé ces dernières années : il n’a concerné que dix postes d’enseignants-chercheurs. En outre, l’encadrement de ce droit a été renforcé, comme nous le verrons plus loin.
L’avis de la commission est donc défavorable, même si je mesure bien sûr ce qui se joue sur le plan symbolique autour de ce droit de veto.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Nous avons choisi de limiter le droit de veto, ce qui est une position équilibrée entre sa suppression et son maintien. L’avis est donc défavorable.

(L’amendement n° 224 n’est pas adopté.)

sur la composition du CA

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n° 225.

Mme Isabelle Attard. Attardons-nous un moment sur la composition du conseil d’administration, car il s’agit d’un point de gouvernance qui crispe tous les intervenants et la communauté universitaire.
Nous proposons, avec cet amendement, de récrire l’article 26 pour tenter de renforcer la démocratie au sein de l’université. Nous souhaitons d’abord revenir au système antérieur à la précédente réforme, soit un conseil d’administration où les différents collèges seraient représentés de la façon suivante : 40 % pour les représentants des enseignants-chercheurs et des personnels assimilés, des enseignants et des chercheurs en exercice dans l’établissement ; 20 % pour les personnalités extérieures ; 20 % pour les représentants des étudiants et des personnes bénéficiant de la formation continue ; 20 % enfin pour les représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques et des bibliothèques, en exercice dans l’établissement.
Pourquoi ce retour à des pourcentages ? Tout simplement pour mettre un terme à la surenchère entre collèges, chacun d’entre eux voulant augmenter le nombre de ses membres. Je rappelle en outre que cette logique proportionnelle reprend la proposition faite par le CNESER.
Nous souhaitons également supprimer la distinction entre le collège des professeurs des universités et celui des autres enseignants-chercheurs. Il nous paraît incompréhensible que les professeurs des universités aient droit à la moitié des sièges des représentants des enseignants-chercheurs alors qu’ils représentent moins d’un quart du personnel enseignant dans les universités.
Quant à la nomination des personnalités extérieures, s’il s’agissait de mettre tout le monde autour de la table, j’en serais ravie. Mais quiconque connaît le fonctionnement des conseils d’administration sait que les personnalités extérieures n’y assistent pas. Prévenues la veille par le président, elles sont rarement présentes, avouons-le, à la table des négociations. Or nous souhaitons tous avoir des administrateurs consciencieux, qui participent réellement aux débats, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Nous suggérons donc, après une discussion très enrichissante avec Vincent Berger, que les personnalités extérieures soient choisies par le biais d’un appel à candidatures. Cela permettrait que ne siègent au sein des conseils d’administration que des personnes vraiment motivées, en limitant cet absentéisme que nous sommes tous obligés de constater aujourd’hui.
Cet appel à candidatures permettrait également de faire respecter la parité au sein du collège des personnalités extérieures, dont pourraient aussi faire partie les anciens élèves, qui ont un rôle à jouer mais qui ne sont pas représentés aujourd’hui. Nous cherchons véritablement par cet amendement, qui est cohérent avec celui que nous avions précédemment déposé pour supprimer le droit de veto du président, à réinstaurer la démocratie universitaire dans les conseils d’administration, ce qui est souhaité par l’ensemble des participants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement, qui redéfinit de manière assez forte la composition des conseils d’administration, comprend trois volets. S’agissant en premier lieu de l’extension du nombre de membres des conseils d’administration, nous craignons de retomber dans les travers que nous avons connus il y a quelques années où les conseils d’administration ne fonctionnaient pas. C’est pourquoi le projet de loi a élargi le conseil d’administration,…

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Vincent Feltesse, rapporteur. …mais en augmentant sa taille d’environ 20 %.
Concernant la répartition au sein des différentes composantes, il me semble, mais j’avoue ne pas forcément avoir la même pratique que vous, que nous aboutissons à un résultat équilibré.
Quant aux personnalités extérieures, nous déplorons tout comme vous leur absence, relative, ou leur faible implication. C’est pour cette raison que nous renforçons leur pouvoir en leur accordant, ce qui est un acte fort, le droit de participer au vote. M. Le Déaut souhaitait même qu’il soit reconnu aux représentants étudiants un statut particulier, mais son amendement n’a pas été accepté. Je comprends bien l’intention de Mme Attard puisqu’il m’arrive de pratiquer ainsi dans ma collectivité : lancer un appel à projet aux volontaires, voire pousser la sophistication jusqu’à organiser un tirage au sort au sein de ce collège de volontaires. Nous avons mené ce genre d’expérimentation dans nos collectivités locales, mais la pratique de la démocratie y est vieille de plusieurs décennies. Ici, nous avançons par étape et nous n’en sommes pas encore là. Pour toutes ces raisons j’émets un avis défavorable tout en reconnaissant qu’il est possible d’assouplir le dispositif, notamment pour ce qui concerne les fusions et constitutions de communautés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. D’un point de vue pragmatique, le fait de recentrer les fonctions et les missions du conseil d’administration sur la stratégie, en distinguant ce qui relève de la vie infra-universitaire de ce qui se rapporte à la stratégie globale des établissements, sera de nature à retenir dans les conseils d’administration des personnalités extérieures qui ont pu, parfois, se sentir de trop dans un conseil centré ou focalisé sur des problématiques internes. Celles-ci devront bien entendu être traitées, mais un conseil d’administration, s’il veut nouer un dialogue enrichi avec les personnalités extérieures, doit distinguer ce qui relève de la stratégie globale de ce qui relève des affaires infra-universitaires. C’est l’objet de la nouvelle organisation que nous proposons. Si nous ne sommes pas toujours d’accord sur les modalités de présence et d’engagement des personnalités extérieures, nous reconnaissons tous qu’elles sont utiles à l’ouverture des établissements.
Le point de vue de personnes qui ont un engagement syndical, un engagement dans la vie économique, un engagement de salarié, un engagement de cadre, qui connaissent les PME et PMI de l’intérieur, peut être extrêmement riche, ne serait-ce que pour communiquer sur les formations ou les besoins du milieu socio-économique. Je crois beaucoup à ce dialogue entre les personnalités extérieures et un conseil d’administration.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Je suis d’accord, madame la ministre. Ces personnalités extérieures sont utiles, à condition toutefois qu’elles viennent ! Leur absentéisme est un vrai problème qui crispe la communauté universitaire. Je ne sais pas si vous vous rendez compte combien ce point de démocratie est crucial. Nous accordons des pouvoirs, un droit de vote, à des personnalités extérieures qui ne viennent pas et qui, du coup, donnent leur pouvoir au président ! Ce sont les universités qui nous font remonter ces problèmes ! C’est très bien d’accorder le droit de vote à des personnalités extérieures mais encore faut-il qu’elles viennent, qu’elles fassent leur travail consciencieusement, qu’elles soient impliquées dans la vie des universités. Aujourd’hui, elles ne viennent pas. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Peut-être parce qu’elles sont prévenues la veille, peut-être parce qu’elles ne se sentent absolument pas concernées. Quoi qu’il en soit, le fait qu’elles donnent leur pouvoir au président de l’université renforce le rôle de ce dernier. Si l’on veut que le conseil d’administration serve à quelque chose, ayons tous conscience du pouvoir que nous accordons à ces personnalités absentes.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Vous ne pouvez pas dire par avance que ces personnalités seront absentes…

M. Patrick Hetzel. Bien sûr que non !

Mme Isabelle Attard. Mais c’est un constat !

M. Vincent Feltesse, rapporteur. …ni qu’elles donnent systématiquement leur pouvoir au président. Nous avons tous ici une pratique des conseils d’administration, nous avons tous une expérience de terrain, puisque ce matin nous sommes plutôt entre spécialistes. Nous savons tous, en tout cas, comment le dispositif fonctionne.

Mme Marie-George Buffet. Ceux qui ne sont pas spécialistes doivent sortir ? C’est incroyable !

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Ce n’est pas ce que je voulais dire, madame Buffet. Je n’étais pas spécialiste il y a quelques semaines.
Les personnalités extérieures auront plus de pouvoirs, mais nous opérons également un rééquilibrage entre le conseil d’administration et le conseil académique. Le conseil d’administration devenant un lieu plus stratégique de pilotage, ses membres pourront s’impliquer davantage. C’est le pari que nous lançons. J’emploie à dessein ce terme de pari, car l’on ne peut pas régler les problèmes d’organisation d’un coup de baguette magique. L’on peut avoir de grands principes et avoir la ferme volonté de les appliquer, mais il faut quand même voir ensuite comment tout se met en place. Nous avons cependant le sentiment que le texte du Gouvernement, qui a d’ailleurs beaucoup évolué sur ces questions – souvenez-vous des premières versions, du rôle du recteur, du conseil économique et social –, permettra de faire en sorte que les choses fonctionnent.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Il existe tout de même une différence fondamentale entre le mode de désignation des personnalités extérieures instauré par la loi LRU et celui que nous vous proposons. Il était auparavant fort contestable, et l’on considérait souvent que la désignation était entre les mains du président.
Si nous avons accordé le droit de vote aux personnalités extérieures dont nous avons fait des administrateurs à part entière, nous avons dans le même temps modifié le mode de désignation pour qu’il devienne incontestable. C’était la condition sine qua non pour accorder aux personnalités extérieures les mêmes droits qu’aux autres administrateurs. La désignation des personnalités extérieures se fera dorénavant de manière collective, ou par le biais d’une instance extérieure à l’établissement. Je pense en particulier aux représentants des collectivités territoriales ou des organismes de recherche, ou encore aux personnalités du monde économique qui ne seront plus choisies intuitu personae par le président comme c’était le cas auparavant, ce qui expliquait la délégation systématique des pouvoirs.
Je fais le pari qu’en instaurant un conseil d’administration davantage centré sur la stratégie, il deviendra beaucoup plus intéressant et attractif pour les personnalités extérieures. J’ai vécu, dans tous ces conseils d’administration, l’épuisement progressif de certaines personnalités, mais quand un conseil dure huit heures et qu’il est consacré pour les deux tiers à des questions infra-universitaires qui n’ont pas été réglées auparavant, on peut le comprendre. Nous avons choisi de donner à chacun les mêmes droits et de restaurer l’équilibre en modifiant le mode de désignation des personnalités extérieures.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. Je rejoins la position du rapporteur. Les questions d’organisation sont en effet toujours difficiles à régler. Nous avons déjà eu en 2007 un débat difficile sur la place des personnalités extérieures. Nous savions tous qu’il serait nécessaire de faire évoluer leur représentation. Si nous sommes nous aussi convaincus de la nécessité d’ouvrir l’université, nous ne sommes pas d’accord avec cette espèce de gouvernance bicéphale que vous mettez en place et dont on ne sait pas très bien comment elle va fonctionner entre le conseil d’administration et le conseil académique. Qui, à terme, prendra le dessus, sachant que ces deux structures représentent la même communauté universitaire ?
En accordant le droit de vote aux personnalités extérieures, vous leur accordez une responsabilité supplémentaire, ce qui, j’espère, leur donnera le sentiment d’être plus concernées. C’est l’un des éléments essentiels de l’implication des membres d’un conseil d’administration.
L’autre élément est le nombre. Quelles que soient les questions que l’on peut se poser sur le positionnement de certaines personnalités dans un conseil d’administration, un conseil pléthorique ne peut pas avancer sur des questions de stratégie. Le nombre est un élément essentiel et l’on ne peut pas l’augmenter indéfiniment sous couvert de démocratie, laquelle ne pourra de toute manière pas s’exercer, car je vois mal comment vous pourrez faire travailler efficacement deux conseils avec autant de membres.
Oui au droit de vote car il donnera aux personnalités extérieures le sentiment d’être au cœur des décisions. Non à la multiplication des membres et à une évolution peu claire de la gouvernance.

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Mme Attard pose un vrai problème. Tous ceux qui ont assisté à un conseil d’administration ont compris comment la parole pouvait être rapidement ficelée et les votes organisés, le président sortant d’une pochette moult pouvoirs qu’il s’est fait transmettre. Je comprends au demeurant la position de Mme la ministre, qui a, elle aussi, participé à des conseils d’administration. Je pense que cette évolution est très saine et va dans le bon sens. Comment le rapporteur pense-t-il que nous puissions sortir de cette impasse ? Ne faudrait-il pas, comme dans certaines autres instances, limiter le nombre de pouvoirs remis au président, ce qui ferait vraiment vivre la démocratie au sein du conseil d’administration ?
(L’amendement n° 225 n’est pas adopté.)

…des trucs bizarres de temps en temps :


(Après une première épreuve déclarée douteuse, l’Assemblée est consultée par assis et levé. – L’amendement n° 526 est adopté.)

ou Mme Fioraso, Ministre s’écriant « Sagesse ! »

sur les élections

M. le président. À l’article 37, la parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n° 233.

Mme Isabelle Attard.. Cet amendement vise toujours à rendre les élections un peu plus démocratiques, en tout cas en termes de représentativité.
Nous avons entendu les arguments du Gouvernement contre une élection au scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle au plus fort reste. Nous regrettons ce choix, mais prenons acte de la décision de maintenir la prime majoritaire. Cependant, nous considérons qu’une prime majoritaire de deux sièges est démesurée par rapport au nombre d’élus dans le collège des enseignants chercheurs. Le projet de loi prévoit que ce collège comprendra entre huit et seize élus : ainsi, une prime majoritaire de deux sièges, combinée à la barre de 10 % des inscrits – c’est là qu’est le problème –, reviendrait tout simplement à tuer les petites listes et à nier le pluralisme de la représentation. Ces dispositions entraîneraient des majorités hypertrophiées qui ne reflètent pas la diversité des opinions et conduiraient à terme à de nombreuses situations de blocage dans les universités, ce que ni vous ni moi ne souhaitons
.
L’amendement n° 233 permet d’amoindrir cette prime majoritaire en la rabaissant à un seul siège, ce qui est déjà considérable compte tenu de la taille du collège en question.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Ce débat peut paraître technique, mais il n’est pas neutre.
L’amendement de Mme Attard concerne une évolution issue de l’adoption de l’un de mes amendements en commission, ainsi que le souci de la représentation des petites listes.
Le Gouvernement présentera bientôt un amendement permettant de prendre davantage en considération ces petites listes, afin que les syndicats les plus importants ne soient pas les seuls représentés. À ce stade, j’émets donc un avis défavorable à l’amendement de Mme Attard : nous aurons un débat dans quelques minutes, lorsque Mme la ministre présentera l’amendement déposé par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Madame Attard, je vous demande de bien vouloir attendre la discussion de l’amendement n° 663 du Gouvernement : il proposera une réponse à votre préoccupation tout à fait légitime pour la représentation des listes les plus petites.

M. le président. Madame Attard, retirez-vous votre amendement ?

Mme Isabelle Attard.. Non, je le maintiens.

(L’amendement n° 233 n’est pas adopté.)

sur le suffrage direct pour les commU

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n° 242.

Mme Isabelle Attard.. Je défendrai en même temps les amendements, n°s 631 à 636, qui représentent, en fait, des petites parties de cet amendement 242, lequel a été redécoupé.
Nous restons dans le même esprit, s’agissant du suffrage direct, monsieur le rapporteur ! Les communautés d’universités et d’établissements vont devenir un lieu essentiel de la vie scientifique. Nous pensons, donc, qu’il est indispensable que leur conseil académique soit une instance réellement démocratique composée, au moins pour moitié, de représentants élus au suffrage direct. À entendre vos réflexions depuis quelques heures, je sais que cela semble assez complexe. Il n’en reste pas moins que c’est là le nœud du problème ! Si nous voulons que les conseils académiques et les conseils d’administration fonctionnent sereinement dans nos établissements, soit on se donne la peine de comprendre les points qui crispent, soit on les passe sous silence et on continue de faire comme s’ils n’existaient pas.
Nous sommes opposés à ce que les conseils académiques des communautés soient uniquement composés de membres élus au suffrage indirect. La représentation des établissements des établissements peut se faire par scrutin direct grâce à la manière dont sont constituées les listes. Nous avons proposé, dans nos amendements, que les listes doivent comporter des candidats issus d’au moins 75 % des établissements qui appartiennent à la communauté. Les établissements sont représentés dans leur diversité au conseil académique par le collège et les représentants des établissements. Il existe un conseil des membres en plus du conseil d’administration et du conseil académique qui permet de représenter l’ensemble des établissements de la communauté. Seule une élection directe permet de créer les conditions d’un véritable débat au sein de la communauté académique. Sans cette élection, les enjeux liés à la communauté se seront jamais vraiment débattus, si ce n’est au sein des conseils d’administration. Il en va de même pour les communautés d’agglomération : les débats qui s’y tiennent ne sont quasiment jamais connus des citoyens puisqu’il n’y a pas d’élection. Or les communautés d’universités pourront se voir transférer un nombre très important de compétences qui peuvent aller jusqu’aux formations. Il est donc indispensable d’avoir un débat parmi les personnels et les étudiants via une élection directe pour que la politique de site et les compétences transférées à la communauté puissent faire l’objet d’un véritable débat démocratique.
Vous avez comparé cela avec les communautés d’agglomération. Il s’agit strictement du même problème. La loi a évolué sur ce point, car, lors des prochaines élections municipales, des candidats seront fléchés sur les communautés d’agglomération. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas agir de même dans ce texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Je souris, parce que nous discutons sur ce point depuis plusieurs heures !
Je me permets de revenir sur les amendements précédents que Mme Attard a, pour la plupart, votés, et qui tendaient à protéger les petites structures ou petites composantes. Une part de suffrage indirect assure leur protection. Je pense donc que les modifications que vous proposez ne sont pas cohérentes avec ce que nous venons d’évoquer ! Je ne dis pas que ce système est pur et parfait.

M. Patrick Hetzel. Ah ! (Sourires.)

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Je revendique une certaine humilité face à ces problématiques ! J’ai précisé, ce matin, qu’une étude d’impact serait menée a posteriori par le Parlement pour savoir comment cela se déroule.
Je considère, toutefois, que, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, le texte est satisfaisant. Donc je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je prolongerai la remarque du rapporteur. Cela montre bien à quel point il est difficile de parvenir à un équilibre. Il y a eu des mois d’ajustements liés aux objectifs que nous poursuivons et non à la constitution d’une structure vue d’un niveau central. Nous avons réfléchi à la façon de représenter le mieux possible les territoires et les personnels dans leur diversité. Nous avons cherché à favoriser l’ouverture sur les écosystèmes et le nécessaire dialogue avec le milieu socio-économique. Nous sommes parvenus à quelque chose qui n’est, certes, pas parfait. Peut-être, monsieur Hetzel, êtes-vous davantage entendre des discours qui tiennent de la communication plus que de l’opérationnel !

M. Patrick Hetzel. Qu’est-ce que cela veut dire ? (Sourires)

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je faisais allusion au ton de la motion de rejet. Il n’y avait aucune proposition et, seule, la LRU était formidable ! J’avais, pour ma part, les tableaux Excel qui décrivent la lente descente aux enfers des universités non seulement sur le plan financier, mais aussi sur le plan du moral et de l’organisation. Je dois dire qu’il y avait, dans ce domaine, un décalage proche de la schizophrénie !
Les structures doivent être suffisamment souples pour parvenir à un équilibre auquel il ne faut pas toucher. Lançons-nous comme cela et nous dresserons, ensuite, un bilan pour savoir si nous devons rééquilibrer dans un sens ou dans un autre. Nous devons, là aussi, faire preuve d’un grand pragmatisme et d’une grande efficacité, comme nous y invite le contexte !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je ne résiste pas à la tentation de vous répondre, madame la ministre !
Vous étiez présente, ici, en 2007, lorsque la question a été débattue à l’occasion de l’examen de la LRU. Pragmatisme et efficacité étaient également des éléments avancés. Le législateur a, d’ailleurs, fait preuve d’une grande sagesse dans l’élaboration de cette loi. Il a mis en place un comité de suivi de la LRU. Ce comité a fait un certain nombre de propositions. Si, lors de la discussion de la motion de rejet, j’ai insisté sur un certain nombre de points, c’est aussi parce que le texte que vous nous proposez n’est pas conforme à un certain nombre d’éléments avancés aussi par le comité de suivi de la LRU. Évitons, de part et d’autre, d’avoir des positions trop manichéennes, ce qui pourrait nous faire trébucher !

(L’amendement n° 242 n’est pas adopté.)

Pas de diplômes pour le privé

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n° 321.

Mme Isabelle Attard.. Par cet amendement, que nous avons examiné il y a quelque temps déjà et qui, je pense, recevra un accueil tout à fait chaleureux de la part de notre rapporteur, nous souhaitons compléter l’alinéa 58 par la phrase suivante : « Les établissements et organismes privés ne peuvent prendre le titre d’université ou délivrer les diplômes nationaux de l’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel de l’association. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. La commission a émis un avis favorable, puisque j’avais fait part de mon accueil chaleureux il y a déjà quelque temps. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Avis favorable également.

(L’amendement n° 321 est adopté.)

sur la suppression des fondations

M. le président. Article 40 La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n° 247.

Mme Isabelle Attard.. Madame la ministre, vous avez pour objectif avec ce projet de loi de réduire la complexité institutionnelle de l’enseignement supérieur et de la recherche. Avec cet amendement, nous allons dans le même sens en proposant de supprimer les fondations de coopération scientifique, qui ont été largement décriées par une grande partie de la communauté scientifique dès leur création comme étant des instances peu démocratiques. Il s’agit donc de les supprimer, au même titre que vous venez de le faire avec les PRES.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Même si M. Le Déaut fait état dans son rapport des difficultés rencontrées par les fondations de coopération scientifique, nous pensons qu’il ne faut pas revenir en arrière s’agissant de ce dispositif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Avis défavorable. Avec les regroupements que nous opérons, ces fondations auront vocation à se regrouper sous l’égide d’une fondation d’accueil. La simplification se fera donc naturellement.

(L’amendement n° 247 n’est pas adopté.)

Suppression des fondations (bis)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement n° 102.

Mme Marie-George Buffet. Cet amendement vise également à supprimer les fondations de coopération scientifique.
Monsieur le rapporteur, vous dites que quelques problèmes se sont posés, mais les différents rapports publiés sur le sujet montrent tout de même l’inefficacité de ce dispositif.
Permettez-moi de citer un extrait du rapport de la Cour des comptes : « Avant d’être une structure, une fondation est l’acte d’affectation irrévocable de biens à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général […] ». Or, « la majorité des fondations a transformé cet instrument […] en structure de portage financier » qui, « une fois consommé l’essentiel de ses capitaux, devient un outil de gestion privée au service de ses fondateurs. »
Il faut par conséquent, si on ne supprime pas ces fondations, s’atteler néanmoins à vérifier le bien-fondé de leur fonctionnement et leur efficacité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. L’avis est défavorable, même si j’entends bien les arguments de Mme Buffet. Mme la ministre et moi-même n’avons pas l’intention de laisser ces structures à l’identique sans tenir compte des remarques qui ont été faites à leur sujet. Toutefois, nous n’estimons nécessaire de les supprimer, ni de les encadrer outre mesure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Une fois encore, nous n’avons pas choisi de tout déstabiliser, car nous avons pris en compte la sensibilité d’un milieu qui a été suffisamment secoué durant le précédent quinquennat.

M. Patrick Hetzel. Ah ! Cela nous manquait ! Cela faisait plus d’un quart d’heure !

Mme Valérie Pécresse. Les chercheurs n’aiment pas les fondations, c’est bien connu !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Nous exercerons une vigilance particulière sur le fonctionnement de ces fondations et sur leur regroupement au sein d’une fondation abritante qui donnera ainsi une réelle visibilité aux sites.

(L’amendement n° 102 n’est pas adopté.)

sur l’indépendance de tous les enseignants-chercheurs

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n° 249.

Mme Isabelle Attard. Le présent amendement vise à reconnaître à l’ensemble des enseignants-chercheurs définis dans cet article le principe d’indépendance des professeurs des universités garanti par les lois de la République. Il s’agit par-là de reconnaître qu’il n’existe pas deux « castes » à l’université, mais au contraire un corps unique doté de droits inaliénables notamment en termes d’indépendance et de liberté d’expression.
M. Patrick Hetzel. Je voudrais apporter un élément au débat : cet amendement n’est pas constitutionnel !

(L’amendement n° 249, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

sur la suppression de la qualif’

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n° 251.

Mme Isabelle Attard. Nous souhaitons par cet amendement supprimer la procédure de qualification. Outre qu’il s’agit d’une proposition du rapport final des assises, de plus en plus de voix s’élèvent contre cette procédure à la fois coûteuse et inutile.
Elle est inutile parce que la véritable sélection ne s’effectue pas au niveau de la qualification : environ 63 % des candidats sont qualifiés alors que moins d’un quart de ces qualifiés sera recruté. Les campagnes de qualification sont extrêmement coûteuses – on estime leur coût à environ 11 millions d’euros par an ; or rien n’indique que les comités de sélection procéderaient à des sélections différentes ou seraient encombrés d’un surcroît de dossiers supplémentaires si la qualification n’existait pas.
Nous sommes quasiment le seul pays à posséder ce dispositif, et les recrutements à l’étranger ne semblent pas plus mauvais que chez nous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Nous avons eu en commission un débat intéressant sur la qualification, qui est une particularité nationale. Sa suppression était certes une des propositions des assises, mais les discussions que le Gouvernement a pu mener avec la communauté universitaire n’ont pas démontré qu’il était opportun à ce jour de supprimer cette procédure. Peut-être cela se fera-t-il plus tard, mais, en l’absence de consensus, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 251 n’est pas adopté.)

sur la parité dans les comités de sélection

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n° 254.

Mme Barbara Pompili. Notre amendement s’inscrit dans la même veine que l’amendement précédent, mais nous ne le retirerons pas. Nous considérons en effet que, si on veut faire progresser la parité, on ne peut se satisfaire de vœux ou de conventions. Tant que les comités de sélection seront remplis d’hommes, les recrutements ne changeront pas, et certaines disciplines resteront massivement masculines.
Certes, notre proposition est difficilement applicable dans certaines disciplines, mais les comités de sélection étant composés pour moitié de personnalités extérieures, même si il n’y a que très peu de femmes dans une discipline, il suffit de ne solliciter que des femmes pour représenter les personnalités extérieures.
Chaque fois que nous avons proposé d’inscrire la parité dans une structure on nous a opposé ce type d’argument, alors que l’expérience montre que, quand on les cherche, on trouve toujours des femmes ! Grâce à l’établissement de la parité dans les comités de sélection, les recrutements pourront enfin évoluer, certaines disciplines cesseront d’être exclusivement masculines, ce qui permettra aux jeunes filles de s’y projeter, de s’y former et d’y être recrutées. Par une sorte de cercle vertueux, il deviendra alors de plus en plus facile de trouver des femmes pour composer des comités de sélection !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Avis défavorable, madame Pompili, mais, compte tenu du nombre d’amendements que nous avons adoptés pour faire avancer la parité, je ne crois pas que vous puissiez dire que, chaque fois, on vous a opposé ce genre d’argument…

Mme Barbara Pompili. Soit. Je retire l’expression « chaque fois », mais pas mon amendement !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Avis défavorable. D’autant qu’il s’agit d’une loi considérée par Najat Vallaud-Belkacem comme exemplaire en matière de parité.
Si l’on prend l’exemple des disciplines technologiques et que l’on regarde le taux moyen de femmes dans les écoles d’ingénieurs et son augmentation tendancielle chaque année, il faudrait attendre 2075 pour atteindre la parité. Le vivier de professionnels est forcément à l’image du vivier des étudiants, et atteindre 40 % dans certaines filières technologiques peut se révéler très compliqué. Aujourd’hui, dans ces disciplines, les jurys sont parfois exclusivement masculins. Passer de zéro, quatre ou cinq pour cent à quarante représente déjà un pas énorme.
La charte que nous avons signée sert précisément à mesurer les avancées et faire progresser les disciplines technologiques ou d’ingénierie, très en retard et dans lesquelles le milieu professionnel reflète les disparités qui apparaissent dans les organismes de formation.

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Je comprends bien, loin de moi d’ailleurs l’idée de nier les efforts que vous avez faits, au travers de ce projet de loi, pour favoriser la parité. Je les reconnais et je les approuve mais les comités de sélection sont justement un lieu stratégique. Ces mesures sont très certainement difficiles à mettre en œuvre mais nous en sommes malheureusement encore à une période où il faut faire preuve d’un très fort volontarisme si nous voulons que la situation évolue. Je maintiens mon amendement tout en reconnaissant les avancées de ce texte.

(L’amendement n° 254 n’est pas adopté.)

sur les Chercheurs du public

M. le président. Art. 46 La parole est à Mme Isabelle Attard pour soutenir l’amendement n° 255.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement tend à ce que seuls les chercheurs des organismes publics puissent être assimilés aux enseignants chercheurs et qu’ils soient titulaires d’un doctorat pour siéger dans les instances.
L’article 46 du projet de loi permet d’inclure dans les procédures de recrutement des personnes n’ayant aucune expérience de l’enseignement. En effet, en permettant à des chercheurs de participer aux instances et aux comités de recrutement prévus à l’article L. 952-6-1, voire aux procédures de qualification, cet article permet à des organismes de recherche publics ou privés d’influencer directement sur le recrutement et la carrière d’enseignants-chercheurs. Il remet donc en cause l’indépendance des enseignants-chercheurs, garantie par les lois fondamentales de la République.
La rédaction de cet amendement vise à garantir que seuls les chercheurs issus d’organismes publics titulaires d’un doctorat pourront participer à la vie démocratique des établissements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Feltesse, rapporteur. Nous sommes toujours plus ou moins dans le même débat, aussi l’avis de la commission sera-t-il une nouvelle fois défavorable. Ainsi, cet article vise aussi à permettre à des chercheurs ou des organismes tel les instituts Pasteur ou Curie d’être présents. Si je peux me permettre l’expression, je ne pense pas que l’on puisse être aussi radical sur cette question du « public » même si j’en suis moi-même un ardent défenseur.

M. Thierry Braillard. Il y a radical et radical.
M. Vincent Feltesse, rapporteur. Le terme a en effet plusieurs acceptions. Être radical est souvent une qualité, mais pas en l’occurrence. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Même avis pour les raisons développées tout à l’heure.

(L’amendement n° 255 n’est pas adopté.)

sur l’AERES bis ?

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 103 et 184, visant à supprimer l’article 48.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement n° 103.

Mme Marie-George Buffet. La suppression de l’AERES, instance d’évaluation des structures de recherche, constituait une revendication majeure de la communauté scientifique, depuis la création de l’agence par la loi de 2006 dite « Pacte pour la recherche ». Les principales critiques formulées à l’égard du fonctionnement de l’AERES sont connues, à savoir l’étroitesse du vivier d’experts et le manque d’indépendance d’une agence exclusivement composée de membres non élus par les pairs.
L’article 48 vise à substituer à l’AERES un Haut conseil de l’évaluation. Estimant que ce Haut conseil ne se distingue pas fondamentalement des principes de l’AERES, nombre de scientifiques ont fait la proposition d’un rapprochement du Comité national de la recherche scientifique et du Conseil national des universités, deux instances ayant bâti une expertise de longue date et reconnues à ce titre par les pairs pour définir une méthode cohérente d’évaluation des collectifs de travail, prenant en compte les spécificités des disciplines et des situations collectives et individuelles. Ces deux instances pourraient constituer un collège incluant des élus du CNRS, ce qui permettrait d’évaluer tant les UMR que les EA. Cette instance nationale, composée majoritairement d’élus, bénéficierait des moyens matériels et humains suffisants pour l’accomplissement de ses missions, par la réutilisation des moyens de l’actuelle AERES, en particulier pour effectuer toutes les visites d’évaluation sur place qui seraient nécessaires.
[…]
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. On ne peut laisser passer certains propos. Il n’est pas possible de dire que l’AERES a été félicitée par l’agence européenne ENQA. L’AERES a été évaluée par l’ENQA en 2010 et s’est certainement bien gardée de rapporter toutes les critiques qui lui ont été faites à cette occasion. Qu’on ne se gargarise donc pas de cette reconnaissance internationale, car c’est faux. Les critiques portées à l’AERES étaient d’ailleurs fondées et « soft » ; ce n’était en vérité pas grand-chose : on peut en effet critiquer les conflits d’intérêt et les relations de famille qui existaient entre l’ENQA et l’AERES, puisque l’ancien président de l’institution qui a précédé l’AERES dirigeait l’ENQA en 2008. Il est donc difficile, dans un tel cas de figure, de parler de transparence.
Les critiques qui avaient été formulées contre l’AERES tenaient au fait que les évaluations n’étaient pas communiquées aux laboratoires concernés. Que l’on ne me dise pas que ces évaluations étaient l’œuvre des pairs. Si l’on pouvait noter la présence d’experts, nommés pour l’occasion par un comité dirigé par un président qui se rendait ensuite dans les laboratoires et procédait aux évaluations, ces personnes, qui ne s’étaient jamais rencontrées auparavant,…

Mme Valérie Pécresse. Encore heureux !

Mme Isabelle Attard. …qui étaient simplement réunies pour l’occasion sur le lieu de l’évaluation et au sein du comité de sélection, ne rédigeaient pas le rapport d’évaluation : c’était l’œuvre du président, qui n’était pas nécessairement un expert ou un pair reconnu comme tel par ses collègues.
Le problème résidait dans ce manque complet de transparence, cette absence de retour de l’évaluation. Qu’est-ce, en effet, que l’évaluation, si ce n’est s’engager dans une démarche positive et constructive ? On évalue, normalement, avant de porter les remarques à la connaissance de l’intéressé, afin d’engager une discussion. Ce n’était pas le cas avec l’AERES. Madame Pécresse, vous le savez peut-être aussi bien que moi, les comités de l’AERES pouvaient passer à l’origine plusieurs jours – au minimum deux – dans un seul et même laboratoire. Aujourd’hui, on constate sur le terrain que ce temps est réduit à une demi-journée au grand maximum.

Mme Valérie Pécresse. Donnez-lui les moyens nécessaires, mais ne la supprimez pas !

Mme Isabelle Attard. On ne peut considérer cela comme une évaluation. J’y reviendrai par la suite en défendant mon amendement, mais je veux dire que les dysfonctionnements de l’AERES ont été soulignés au cours des assises. C’est peut-être à son sujet que les discussions ont été les plus animées, donnant lieu au lâcher de quelques noms d’oiseaux : cela prouve bien qu’il fallait engager une réforme profonde et non un simple lissage sémantique, comme cela nous est proposé. En effet, le Haut Conseil désigne la même réalité que l’AERES.

Mme Valérie Pécresse. Mais non !

Mme Isabelle Attard. Peut-être y a-t-il quelques pressions de la part de l’AERES pour que l’on ne change que le nom sans revoir en profondeur le fonctionnement de cette agence de notation, l’équivalent de Standard and Poor’s pour l’enseignement supérieur et la recherche. J’en suis navrée, car nous sommes opposés au maintien du texte en l’état et avons proposé une réécriture de l’amendement relatif à l’AERES – pardon, au HCRES.
(Les amendements identiques nos 103 et 184 ne sont pas adoptés.)

sur l’AERES-LABEX-IDEX-TIPEX…

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n° 257.

Mme Isabelle Attard. Nous souhaitons remodeler en profondeur ce Haut Conseil. J’ai dit que l’AERES a été décriée par toute la communauté scientifique. Il faut rappeler pourquoi elle a été créée et quels ont été ses effets.
Lorsque les LABEX et autres IDEX ont vu le jour, comment ont été sélectionnées les unités qui en feraient partie ? Tout simplement en se basant sur les notes décernées par l’AERES.

Mme Valérie Pécresse. C’est faux ! Il y avait un jury international !

Mme Isabelle Attard. Ceux notés A+ et A ont pu faire partie de ces « laboratoires d’excellence » et « initiatives d’excellence ». Le gouvernement auquel vous apparteniez, madame Pécresse, avait décidé d’exclure certains laboratoires, de dresser les laboratoires les uns contre les autres, d’établir entre eux le règne de la compétition inlassable !

Mme Valérie Pécresse. C’est faux ! Les décisions étaient prises par des comités de sélection internationaux !

Mme Isabelle Attard. Certains directeurs de laboratoire entrés dans cette « machine », qui ont rejoint un LABEX parce qu’il fallait bien qu’ils fassent vivre leurs unités de recherche, étaient vraiment contre, mais ils n’avaient pas le choix. L’AERES avait sa raison d’être : elle notait, et ses notes servaient à faire régner la compétition, plutôt que la collaboration, entre laboratoires.

Mme Valérie Pécresse. C’est complètement faux !

Mme Isabelle Attard. C’est pourquoi ce système a été tant décrié, pendant les assises, comme avant déjà et encore après.
Ce n’est donc pas à un simple changement de nom qu’il faut aujourd’hui procéder, mais bien à un changement en profondeur des missions de l’organisme. Dans l’article tel qu’il est rédigé, c’est surtout l’évaluation directe qui est mise en avant. Nous avons longuement discuté en commission sur le rôle de ce nouveau Haut Conseil ; il est préférable qu’il réalise une méta-évaluation, c’est-à-dire qu’il évalue les procédures, plutôt que de procéder lui-même à des évaluations directes.
Aussi, cet amendement place en tête de chaque alinéa la notion de validation des procédures, et réserve l’évaluation directe aux cas où celle-ci est vraiment nécessaire, et ce sera très rarement. Il existait auparavant des comités qui pouvaient réaliser cette évaluation, l’AERES ne partait pas de zéro : le CONRS et le CNU réalisaient et sont encore capables de réaliser les évaluations de qualité souhaitées par le monde de la recherche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Défavorable. L’amendement n° 651 du Gouvernement, que nous verrons dans quelques instants, reprend toutefois le début de celui de Mme Attard : « Il fonde son action… »

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Même avis. Le Gouvernement en a repris la première partie. Ce qu’a dit Isabelle Attard est tout à fait exact. Il fallait être noté A+ pour faire partie d’un IDEX. Or, pour ne donner qu’un exemple, un laboratoire dirigé par un membre du GIEC, donc reconnu au plus haut niveau international, avait été noté C. Le Prix Nobel Serge Haroche…

Mme Valérie Pécresse. Il a eu son label !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …et d’autres personnalités scientifiques de renom ont dénoncé ce type d’évaluation, qui ne correspond pas au niveau de qualité des recherches reconnu internationalement. Je le dis sans arrogance : il faut savoir l’accepter, tant les faits concordent.
Cette perpétuelle course à la médaille d’honneur, au niveau du pays, ne veut pas dire grand-chose. Un chercheur est de fait évalué en permanence, par la qualité de ses publications et des transferts opérés, par la renommée de son travail… C’est l’une des professions les plus évaluées. Si des progrès restent à faire, c’est plutôt au niveau de l’évaluation de la partie enseignement. Je présenterai un amendement reprenant en partie celui d’Isabelle Attard.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je voudrais préciser deux points, car il y a confusion. Que l’on ne soit pas d’accord sur l’AERES, c’est une chose, mais vous ne pouvez pas dire n’importe quoi. Les investissements d’avenir reposaient sur un recours à des appels à projets. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner, la méthode avait été préconisée par le rapport Juppé-Rocard ; ce n’est pas arrivé sans réflexion préalable. Il est nécessaire, il est sain que le système repose à la fois sur des financements récurrents et des financements de projets selon un dispositif d’appels à projets. Le problème – je reconnais qu’il n’est pas simple –, c’est de trouver un bon équilibre entre les uns et les autres, mais considérer qu’il ne faudrait que les uns ou les autres est erroné.
Enfin, l’AERES n’a pas été mobilisée sur les investissements d’avenir, puisque les évaluations ont été menées par des comités ad hoc. Considérer que l’AERES était en charge de ce processus est faux. Les investissements d’avenir avaient été confiés à des comités internationaux qui ont procédé à un certain nombre de travaux sur les éléments transmis par les équipes. Mais faire porter tous les frais à l’AERES, sous prétexte que l’on est opposé aux investissements d’avenir, j’en reste coi.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Personne ne dit cela !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Il est bien entendu que ce n’est pas l’AERES qui choisissait les équipes des LABEX. Par contre, la note donnée par l’AERES définissait si les unités de recherche rentraient ou non dans le périmètre d’excellence, soit par la suite dans les LABEX et les IDEX. Cette note, décernée par une agence qui n’était pas reconnue par tous, avait des conséquences financières colossales. À ce propos, je tiens à rappeler que cette agence coûte 17 à 18 millions d’euros par an et que les indemnités de ses dirigeants sont considérables : il faut revoir cela en profondeur – tel est le but de notre prochain amendement.

(L’amendement n° 257 n’est pas adopté.)

À suivre