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Assises en direct (suite) : reportage sur le rapport final

mardi 27 novembre 2012

Vincent Berger, visage émacié façon Nosfératu, a dépassé Fidel Castro en longueur et BHL dans le narcissisme précieux : "éthique de la communication", "multiéchelle de la démocratie", "essentialisation de l’excellence", "il n’y a pas de sincérité politique sans sincérité budgétaire", "Harvard, Harvard, Harvard", "J’ai la chance d’enseigner en première année de licence" (photo avec le sac de riz sur l’épaule), "la recherche, c’est du doute institutionnel", "le partage des ressources dans le village global"... C’était super.


Pour ceux qui ont raté de début, après la première journée des Assises, dont on peut lire le C.R. ici, c’était donc aujourd’hui le rapport final par Vincent Berger (Président de Paris 7). Voici quelques notes prises par notre SLUiste de service.


Lien entre enseignement secondaire et enseignement supérieur. Les deux mondes ne se connaissent pas assez. L’information et l’orientation des étudiants sont insuffisantes. Les collègues du secondaire ne connaissent pas les débouchés de l’ESR par rapport aux diplômes proposés par les universités, alors que les collèges du supérieur ne connaissent pas précisément les compétences et les connaissances des lycéens qui seront leurs futurs étudiants. Ainsi il est proposé le modèle du Bac ‒3/+ 3.

Berger reste évasif sur la nature institutionnelle de ce rapprochement, mais il est clair sur un point : la mobilité entre les enseignants de ce cycle unique, en premier chef les agrégés, et le rôle qu’y joueront les ESPE (prochain avatar des IUFM) dans cette perméabilité.

Meilleure lisibilité des diplômes, aussi bien pour les étudiants que pour les patrons, qui ne comprennent pas ce que signifie un diplôme : quelles connaissances, quelles compétences comporte‒t‒il ?
Mettre en place un véritable service d’orientation. Il faut créer un service qui travaille au niveau régional.

Réforme de la licence.
1) Élargissement du socle de domaines qui doit prendre appui sur les compétences du lycée.
2) Problème de l’échec : seulement 20% des étudiants de licence est en échec, ce qui est inférieur à la moyenne OCDE qui est de 30 %. Le problème de l’échec tient à deux autres situations :
a. la longueur des parcours d’études due aux changements multiples de cursus de la part de certains étudiants avant qu’ils ne trouvent la bonne voie. Pour réduire ce problème il est proposé d’élargir la base disciplinaire de la première année de Licence
b. problème de l’échec dans certaines filières, notamment la santé. Réforme de ces études qui sélectionnent par le bachotage et par l’argent. Plusieurs hypothèses sont avancées.
3) Problème des bacs techno et pro : orienter les titulaires dans des filières qui leur sont adaptées et réserver un grand nombre de places dans les filières STS et IUT pour ces diplômés du secondaire ; travailler sur la détection rapide de l’échec en Licence générale ; cursus « personnalisés » ; conforter la formation par apprentissage et par alternance, qui répond aux attentes du monde de travail et des étudiants ; renforcer la VAC pour accueillir ce public aux parcours plus fragmentés.
4) Compartimentation de la formation en 1er cycle : intégrer les cursus de premier cycle, augmenter les passerelles, augmenter la lisibilité des diplômes et des formations.
5) Pédagogie dans le supérieur : obliger tous les enseignants à assurer des cours en Licence (rires dans la salle).
6) Revoir et surveiller le sérieux des cursus et des grades dans les écoles privées
7) Problème des C.M. : ils ne font que transmettre un savoir livresque et autoritaire ; il faut s’adapter au nouveau rapport au savoir. Les profs n’ont plus le monopole du savoir et doivent désormais apprendre aux étudiants à repérer l’info plutôt que leur transmettre un savoir qu’ils peuvent trouver partout ailleurs sur la toile mondiale. L’amphi n’est plus le lieu idéal de l’enseignement mais il faut une nouvelle pédagogie : des petits groupes de travail en contact avec l’enseignant qui soient complémentaires à des cours désormais en ligne. La transmission du savoir passera online (cf. exemple des universités américaines qui ont investi dans les cours online avec grand succès). Ce serait une erreur historique de ne pas voir là-bas la révolution en cours. D’ici peu le marché de l’enseignement sera globalisé et nombre d’étudiants français pourront quitter l’ESR français de l’intérieur du système pour s’adresser à des formations extérieures par le biais des plateformes numériques. Il faut être agressif sur ce créneau pour maintenir le niveau de notre ESR. Par rapport à il y a trois ans, les esprits sont désormais favorables à cette révolution et il faut accompagner cette mutation « épochale » par un travail de recherche en SHS et en sciences pédagogiques.
8) Lien ESR société. Il faut un effort d’investissement en SHS et dans les sciences dures pour ce qui concerne leur rôle dans la construction du lien ESR-société.

Améliorer la condition étudiante.
On connait depuis longtemps les revendications des syndicats étudiants. Il faut leur donner une réponse : bourses, guichets uniques au niveau du CROUS, logement, développement de l’emploi étudiant par le tutorat au niveau Master, révision de la politique d’accueil des étudiants étrangers (beaucoup de chemin reste à faire pour restituer son attractivité à notre ESR).
Dynamiser l’économie par l’ESR. Le dynamisme de notre économie dépend de l’ESR. Il faut caler sur le plan 2020 un agenda stratégique avec des choix avant tout politiques : programmation de l’ANR, etc.
Construction de l’espace européen de l’ESR. C’est une obligation inscrite dans nos textes. Cela va devenir une mission principale de l’ESR français et une nouvelle source de financement. Cela nous amène aussi vers l’entreprise et la compétitivité.

Construire un ESR français fort
1) Il n’y aura pas de France forte sans ESR fort. Il faut convaincre la nation que l’effort en ESR est prioritaire et incontournable. Nous avons un potentiel scientifique de très haut niveau (cf. l’intervention de S. Haroche).

2) CNRS et organismes. Nous avons aussi un potentiel d’investissement scientifique unique, le CNRS qui, de plus, permet des synergies interdisciplinaires par le biais de ces dix Instituts. Ces dernières années, il s’est rapproché de l’université et il est en voie de résorber la fracture entre recherche et enseignement universitaire. La France a d’autres organismes dotés de capacités exceptionnelles pour nourrir de ses travaux le monde de la recherche fondamentale mais aussi appliquée, chacun dans leur domaine. Il faut sécuriser le lien entre CHU et INSERM. La synergie entre universités et organismes se base sur les UMR.

Moyens.
Il faut renforcer les moyens en général et la masse salariale. Nous demandons que les carrières des jeunes chercheurs et des EC soient revalorisées pour en garder l’attractivité auprès des étudiants les plus brillants et que le Glissement Vieillesse Technicité soit pris en compte.

Résorption de la précarité.
Nous demandons un plan pluriannuel de recrutement d’anciens doctorants et de post doc. Nous demandons la titularisation du personnel BIATOSS, notamment ceux qui ont été recruté suite aux RCE. L’emploi en ESR doit être pérennisé. Concernant l’ANR et l’augmentation de l’emploi précaire que la recherche sur projet aurait provoqué, il dérobe l’ANR de toute responsabilité et accuse les EC titulaires des ANR d’être les responsables de l’augmentation du travail précaire pour avoir choisi cette forme d’utilisation des fonds alloués…

Revalorisation des diplômes.
1) Le doctorat doit être revalorisé et inscrit dans les grilles de recrutement de la Fonction Publique. Il faut diminuer le nombre de thèses par PR afin de garantir un meilleur encadrement. Il faut un référentiel de ce diplôme pour le rendre lisible et il faut créer un lien entre les Ecoles Doctorales et le monde du travail. Le problème est la rareté de diplômés de niveaux D parmi les élites françaises qui est l’une conséquences de la structure de l’enseignement supérieur français unique au monde avec des grandes écoles où l’on ne fait pas de recherche et où les futurs dirigeants ne viennent jamais au contact avec la recherche et des EC. Propositions pour changer cela.
2) Pour l’HDR : beaucoup de critiques. Elle est une super‒thèse, augmente les inégalités entre H/F, favorise le mandarinat e n’apprend pas l’encadrement à ceux qui en sont titulaires. Manque d’unanimité sur les solutions à apporter. Il faut réfléchir tout de même à améliorer l’encadrement des doctorants par l’HDR.
3) Qualification : procédure complexe et bureaucratique. Sa suppression est évoquée comme étant possible mais il faut veiller à empêcher les recrutements locaux.

Recherche de base/recherche sur projet.
Les dernières années ont vu l’application massif d’une logique inspirée du libéralisme contre la logique de fonctionnement de la Fonction Publique et les politiques d’aménagement du territoire. Il faut favoriser la coopération entre les acteurs et simplifier le système :
1) Rééquilibrer le rapport entre les crédits de base et le financement sur projet.
2) Faire évoluer l’ANR. Allonger la durée des contrats et limiter la prolifération des projets afin de réduire le temps perdu par les EC à préparer les projets. Réduire le temps perdu à la soumission. Appel en deux temps : une première phase peu détaillée, légère, sans montage financier, etc. [ici j’ai perdu des choses]
3) Simplifier la prolificité des structures en détruisant le millefeuille institutionnel. Vincent Berger dit préférer parler de mikado (expression qui a surgi dans les assises alsaciennes) :
a. les alliances ne doivent pas être des organismes de plein exercice en plus ;
b. au niveau de la recherche de base la brique doit rester l’Unité de recherche de base ou l’UMR. On ne doit plus parler d’EA. L’université n’est pas là pour accueillir, mais pour faire de la recherche. Parler de Groupement de recherche scientifique.

Rôle du MESR [ici j’ai perdu des choses]
Rôle des Grandes universités. [ici j’ai perdu des choses]

L’excellence.
Qu’est-ce que l’excellence ?
Difficile à évaluer. Concept discutable. Elle concerne plus les résultats que les individus. Il faut se réapproprier l’excellence. L’excellence se situe à la marge et c’est un concept encore plus difficile à appréhender dans les SHS. Elle ne peut pas être une source d’une rente pour un individu. Il ne faut pas la graver dans le marbre. Il n’y a pas non plus de recettes qui y amènent, mais seulement des chemins à parcourir pour l’atteindre. La concurrence entre chercheurs est nuisible aux missions de l’état. Il faut supprimer les périmètres d’excellence type IDEX.

Les budgets.
Il faut une sincérité budgétaire : rendre publics les comptes de l’ESR sur un seul site afin que tout le monde puisse en juger dans la transparence. Nécessité d’un bilan public et des chiffres vrais. Arrêter de dire que l’on dépense 11 K€ pour un étudiant. Ce n’est pas vrai ni au regard des niveaux ni des différents établissements de l’ESR. Pas de sincérité politique sans sincérité budgétaire.
Véritable préciput pour les établissements porteurs de projets de recherche.
C’est l’intégralité de l’activité des EC et des BIATSS qui doit être renseignée dans un rapport d’activité type poru être ainsi évaluée.

Rapport Universités/CPGE.
Appeler les CPGE à collaborer avec l’université. Gâchis que les étudiants de CPGE ne sont jamais confrontés aux EC, d’où la faiblesse de recherche dans les entreprises et le peu de considération des élites vers la recherche. Rapprocher les CPGE des universités. Il faut persévérer dans cette voie.

Recherche privée/recherche publique.
Concernant la recherche privée et l’innovation, il faut une collaboration entre ESR et acteurs du monde économique.
1) Le Crédit Impôt Recherche doit servir à développer des Unités Mixtes de Recherche entre Universités et entreprises.
2) Il faut une véritable mobilité entre les EC du public et les chercheurs du privé. C’est bénéfique. V.B. rappelle avec émoi ses 12 années chez Thalès et combien ces expériences sont "enrichissantes" et ce qu’il a apporté dans son université (Paris 6).

Partage des connaissances. Il faut partager la connaissance avec le plus grand monde. Nécessité d’espaces démocratiques de partage, ouverture de l’université et implication des citoyens pour qu’ils s’approprient la recherche.

Coopération institutionnelle entre les acteurs.
1) Pourquoi les acteurs de l’ESR sont-ils si nombreux ? La raison tient à l’explosion des effectifs ces derniers trente ans. Pour y faire face les facs se sont multipliées et la communauté de l’ESR a bien rempli cette tâche difficile. Cela a favorisé la sectorialisation et a nui à l’interdisciplinarité, car chaque fac s’est spécialisée.
2) PRES. V.B. critique la loi de 2007 pour le manque de démocratie dans la gestion des PRES. Néanmoins 26 PRES ont vu le jour et certains établissement ont fusionné : Strasbourg, Lorraine, Aix‒Marseille. La LRU était peu adaptée à ce type de fusion. Les établissements fusionnés pour une offre plus lisible, pour mener de recherches plus ambitieuses, pour regrouper écoles et universités, pour rayonner, pour augmenter l’accès à l’ESR, pour offrir un meilleur service public.
3) Grandes Universités. Elles auront un rôle primordial dans la société du futur. Changer la dénomination PRES, peu lisible. Le mot université est plus simple et universellement compréhensible. V.B. critique le gouvernement précédent et son impéritie. Le rôle des universités n’est pas la concurrence mais la coopération. Les nouvelles universités devront avoir des instances qui garantissent collégialité et démocratie. C’est un besoin ontologique de la communauté universitaire. Il renvoie à la proposition 108 (voir ci-dessous). Il faut introduire un principe de subsidiarité pour éclairer le rôle de chaque instance dans ces nouvelles universités.
4) Contractualisation et rapport avec les régions. Les nouvelles universités garderont la contractualisation avec l’état, mais, de par leur taille elles auront aussi vocation à contractualiser avec les régions. Il ne s’agit pas d’une régionalisation de l’ESR. Mais les villes, les régions connaissent mieux les besoins et les réalités locaux. Des schémas régionaux ESR seront mis en place mais la contractualisation tripartite état‒région‒universités a été rejetée. L’état seul doit garder une contractualisation qui lui permet d’orienter l’ESR vers les objectifs nationaux.
5) Les Grandes universités amélioreront la visibilité et les échanges internationaux. Labos transfrontaliers, diplômes multinationaux, etc.
6) LRU. Correction des aberrations qu’elle a introduites dans le sens de la collégialité et de la démocratie. Le pouvoir du PU sur les carrières doit être transféré à un comité inter conseils. Le PU doit pouvoir être démis par les conseils dans des cas graves. Il faut revoir les pouvoir des conseils et les modalités d’arbitrage des conflits entre CA, CS, CEVU. Débat entre la création d’un sénat académique qui garantisse la coopération entre les différentes fonctions de l’université par le biais de deux commissions ou la création de deux conseils académiques séparés qui se réunissent en congrès un certain nombre de fois par an. Pas de conseil de la vie étudiante séparé du Conseil des études. La proposition n’a pas été retenue. La composition et les attributions du CA aussi doivent faire l’objet d’une réflexion. En atelier il n’y a pas encore eu un accord.
7) Élection du président : l’intégration des extérieurs dans le collège électoral fait l’objet de fortes objections.
Évaluation. Sujet complexe et qui peut diviser la communauté. L’évaluation est indispensable pour nous présenter dignement devant le contribuable et pour faire avancer le service public. Elle doit porter sur toutes les missions et les personnelles, les labos, les différentes structures et prendre en compte l’ensemble des acteurs. Là aussi tout de même il n’y a pas d’accord. Simplifier le fonctionnement actuel : notamment l’Aeres. Supprimer les notes pour laisser place à des avis motivés. Il faut avoir un accord partagé sur cet aspect. Evaluer aussi les enseignements et les prendre en compte dans la carrière des EC.

Synthèse finales des deux grandes lignes clé des Assises :
1) coopération : la simplification institutionnelle, la sincérité budgétaire, la collégialité et la démocratie, la participation des régions à l’ESR, les partenariats universitaires, le développement des plateformes pédagogiques numériques, le lien universités‒lycées, la coopération avec les acteurs sociaux, les partenariats avec les entreprises ;
2) responsabilité sociale de l’ESR : les conditions de travail des personnels, la parité H/F, la résorption de la précarité, les conditions de vie et des études des étudiants, l’insertion professionnelle, la prise en charge du handicap, le partage de la connaissance et des choix scientifiques avec l’ensemble de la société.

D’autre sujets n’ont pas été abordé car ils sortaient du champ de réflexion des Assises, ou ils font l’objet d’autres réflexions : les SATT, le plan campus et l’immobilier universitaire, la formation des maîtres, etc.

D’autres propositions manquent encore : par ex. les étudiants en prison et leur accès aux supports pédagogiques à distance, ou des remises de peines par la prise en compte de leurs acquis pédagogiques.

Conclusion : les Assises ne sont qu’une étape. Cela revient au législateur d’en prendre en compte les conclusions au même titre que le corpus accumulé à cette occasion et les autres réflexions et de lui donner une veste légale.


Pour les 121 propositions (sorties des Ateliers avant même qu’ils ouvrent), c’est ici.