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La méthode Orbán pour prendre le contrôle des universités - Corentin Léotard, Mediapart, 13 septembre 2020
dimanche 13 septembre 2020, par
Les universités hongroises tombent les unes après les autres sous la coupe de fondations privées contrôlées par des fidèles du régime Orbán. Les étudiants de celle d’art dramatique et cinématographique se rebellent, soutenus par l’actrice Cate Blanchett ou Salman Rushdie.
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En Hongrie, prendre le contrôle de l’université d’art dramatique et cinématographique (SZFE), une institution prestigieuse vieille de 155 ans qui a formé les grands réalisateurs Béla Tarr ou István Szabó, le chef-opérateur Vilmos Zsigmond, Kornél Mundruczó, et bien d’autres perles du cinéma magyar, n’a pas pris plus de quelques semaines au parti de Viktor Orbán.
Le projet de loi, déposé en catimini à la fin du mois de mai, a été adopté sans débat par l’écrasante majorité parlementaire Fidesz-KDNP au début du mois de juillet.
Et c’est ainsi que le 1er septembre, l’institution publique est devenue une université privée placée sous la coupe d’une fondation, dotée d’un conseil d’administration composé de personnes que le gouvernement sait fidèles à sa ligne clérico-nationaliste : un acteur (Zoltàn Rátóti), un caméraman (Tamás Lajos) et deux hauts cadres du groupe MOL, la compagnie pétrolière et gazière hongroise.
Pour ne pas laisser le moindre doute quant à ses motivations réelles, le pouvoir a placé, à la tête de la fondation, Attila Vidnyánszky, sa pièce maîtresse pour mener la « révolution conservatrice » dans le monde du théâtre.
Celui-ci plaide pour que « les valeurs nationales et chrétiennes aient également leur place dans l’université » et affirme dans une interview pour le média de droite Mandiner que « le changement de régime n’a pas eu lieu dans notre profession. Il se produit aujourd’hui et il est choquant que les étudiants, qui devraient être les plus ouverts au changement, se ferment ».
Privé de tous ses pouvoirs, et sans un mot à dire sur la constitution du conseil d’administration, le Sénat académique, principal organe de décision de l’université, a démissionné en bloc, suivi par des professeurs de renom – telle la réalisatrice Ildikó Enyedi (Ours d’or à la Berlinale 2017 pour Corps et âme). Et les étudiants sont descendus dans la rue. Un grand bal s’est prolongé, à Budapest, par une occupation du bâtiment de l’école de théâtre le 1er septembre, occupation qui dure encore à ce jour.
Ils ne veulent pas laisser pénétrer dans l’école un conseil d’administration jugé illégitime, ni Attila Vidnyánszky, dont ils jugent la nomination anti-démocratique. Chaque soir, quelques centaines de personnes se rassemblent pour soutenir les occupants. « Ils veulent transformer la SZFE en institution autocratique, car leur problème, c’est qu’ici on pense librement. Ils veulent faire de nous des propagandistes », a par exemple lancé le réalisateur Szabolcs Hajdu lors d’un de ces rassemblements.
Dimanche 6 septembre, une dizaine de milliers de personnes, des opposants traditionnels à Viktor Orbán, des étudiants de la SZFE et des camarades venus en renfort d’autres universités, ont formé une chaîne humaine longue de cinq kilomètres pour acheminer symboliquement, depuis l’école jusqu’au Parlement, leurs revendications. Elles tiennent en un point principal : la restauration de leur autonomie.