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Jenny Furioso auditionnée par la commission des finances du Sénat - 4 juin 2014
dimanche 15 juin 2014, par
Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2013 - Audition de Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche
La réunion est ouverte à 16 h 22.
Au cours d’une troisième réunion tenue l’après-midi, la commission procède à l’audition préparatoire à l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013, de Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Marini, président. - Dans le cadre de la préparation de la loi de règlement du budget de 2013, nous entendons Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, afin qu’elle nous rende compte des résultats de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES). Je suis heureux d’accueillir également, aux côtés de nos deux rapporteurs spéciaux, Philippe Adnot et Michel Berson, Dominique Gillot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
La mission « Recherche et enseignement supérieur » est interministérielle, c’est un apport de la LOLF auquel nous tenons, même si l’essentiel des crédits relèvent de la responsabilité du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, pour rendre cette audition la plus interactive possible, je vous propose que les rapporteurs spéciaux commencent par nous présenter leurs observations et interrogations, puis que vous leur répondiez, avant que le rapporteur général et la rapporteure pour avis, ainsi que les autres membres de la commission, vous interrogent à leur tour.
M. Michel Berson, rapporteur spécial. - Cette mission, qui comprend l’intégralité des crédits budgétaires pour la recherche civile de l’État et pour l’enseignement supérieur a consommé, l’an passé, 25,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit un niveau très proche des crédits inscrits en loi de finances initiale. Un bémol cependant, avec la sous-consommation de la quasi-totalité des programmes dédiés à la recherche, en particulier, en ce qui concerne le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et le programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables ».
Au total, les annulations de crédits auront été substantielles pour l’exercice 2013, s’élevant à 625,6 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 389 millions d’euros en crédits de paiement (CP) ; cela paraît, pour le moins, contrarier les annonces faites, aussi bien par le Président de la République que par le Premier ministre, d’une « sanctuarisation » des crédits consacrés à la recherche, promue au tout premier rang des priorités nationales.
La mission « Recherche et enseignement supérieur » aura donc vu ses crédits progresser légèrement l’an passé, pour des dépenses qui sont, on le sait, très dynamiques : dans ces conditions, à combien s’élèvent les économies réalisées par les programmes par rapport au tendanciel ?
L’Agence nationale de recherche (ANR), ensuite, a vu une part importante ses crédits de paiement annulée, soit 155 millions d’euros ; elle disposait, certes, d’une trésorerie importante, mais qui avait déjà largement diminué ces dernières années - de 620 millions d’euros fin 2012 à 352 millions d’euros fin 2013 ; ne pensez-vous pas que nous soyons arrivés au bout de cette logique de transfert des crédits vers les organismes de recherche et que si de telles annulations intervenaient à l’avenir, le financement de la recherche sur projet s’en trouverait menacé ?
Le financement de la recherche française repose de plus en plus sur des ressources européennes. Dans quelle mesure les équipes de recherche françaises ont-elles bénéficié du programme-cadre pour la recherche et le développement technologique (PCRD) de l’Union européenne en 2013 ? Quel est le « retour » pour notre pays ?
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Les crédits consacrés à l’enseignement supérieur et correspondant aux programmes 150 et 231 de la mission ont été quasi intégralement consommés, avec 15,07 milliards d’euros en AE et 15,12 milliards d’euros en CP, soit un taux d’exécution respectivement de 100 % et 99,9 %.
Le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » représente près de la moitié de la mission, avec une consommation, en 2013, de 12,75 milliards d’euros en AE et 12,79 milliards d’euros en CP. L’essentiel des crédits correspondent à des dépenses de fonctionnement et couvrent les subventions pour charges de service public servies aux établissements passés aux responsabilités et compétences élargies (RCE), opérateurs de l’État.
S’agissant du programme 231, les crédits consacrés aux bourses, en particulier celles servies sur critères sociaux, ont fait l’objet d’une bien meilleure budgétisation qu’en 2012 et les dépenses supplémentaires enregistrées en cours d’année ont pu être couvertes par des redéploiements.
Depuis l’accession à l’autonomie, plusieurs universités rencontrent d’importantes difficultés financières. Cependant, comme le souligne la Cour des comptes, certaines difficultés sont conjoncturelles, quand d’autres problèmes sont plus structurels : quel bilan en faites-vous ? En particulier, l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, faute de pouvoir équilibrer son budget, a bénéficié d’une avance de trésorerie de 800 000 euros en décembre 2013, avant l’annonce d’une seconde avance de 2,6 millions d’euros en mars pour 2014. Comment éviter que de telles situations ne se reproduisent ? Vous avez créé, l’an dernier, un tableau de bord financier des universités : vous permet-il de détecter efficacement, et donc suffisamment tôt, les établissements en difficulté ou risquant de le devenir ? Une fois l’alerte lancée, quelles sont les actions possibles ? Comment concilier l’autonomie financière des établissements et l’intervention du ministère par une aide financière ? Ces aides financières seront-elles consolidées, au risque de « récompenser » les mauvais gestionnaires, au détriment de ceux qui parviennent à mieux maîtriser leur budget ?
Je m’interroge, ensuite, sur les dépenses liées à la création des Communautés d’universités et d’établissements (COMUE), dès lors que les nouvelles structures ne feront pas nécessairement disparaître celles déjà existantes : qu’en pensez-vous ? Quelle incidence auront les nouveaux découpages régionaux annoncés par la réforme territoriale ? Remettent-ils en cause vos schémas d’organisation territoriale ? Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) vous a, d’ores et déjà, proposé de reporter la mise en place des COMUE, laquelle inquiète également le Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP) : qu’en dites-vous ?
Enfin, le programme 231 n’a pas eu à bénéficier de crédits supplémentaires dans le cadre de décrets d’avance, malgré la réforme des bourses sur critères sociaux intervenue en septembre 2013, avec la création de deux nouveaux échelons. Cependant, pour couvrir les dépenses liées aux aides directes, tous les crédits initialement mis en réserve ou en surgel ont été utilisés et des redéploiements ont été opérés. De plus, selon la Cour des comptes, « les reports de charges seront plus importants qu’en 2012 et [...] le risque de dérapage ne peut être écarté en 2014 ».
Tout en prenant acte de cette meilleure budgétisation, que doit-on penser de l’augmentation continue des dépenses liées aux bourses ? Quelles sont les perspectives pour les années à venir ? Quel est le bilan de votre récente réforme ? Quel surcoût attendez-vous, sachant que la Cour des comptes considère, dans sa note d’analyse d’exécution du budget, que les nouveaux échelons 0 bis et 7 ont fait l’objet d’un sous-calibrage ?
Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis de la commission de la culture. - Dans sa note d’analyse, la Cour des comptes constate que les outils d’évaluation et de contrôle dont le ministère s’est doté depuis deux ans améliorent le suivi du fonctionnement comptable et financier des universités et, finalement, celui de la consommation des crédits budgétaires ; c’est un progrès important par rapport à la situation que nous avions constatée avec Philippe Adnot, lors de notre mission commune d’information, où c’était une gageure d’obtenir de simples informations comptables sur les finances des universités. Reste, cependant, que le ministère recourt à des redéploiements et à la fongibilité pour répondre aux besoins constatés en cours d’année et qui n’ont pas été anticipés.
Le système de répartition des moyens à la performance et à l’activité (SYMPA), ensuite, devait faire converger les niveaux de dotations entre établissements sur-dotés et sous-dotés : s’il a fonctionné pendant deux ans, cela n’a plus été le cas ensuite, faute d’abondement de l’enveloppe, et les écarts se sont même peut-être plutôt creusés ; les crédits de fonctionnement répartis par SYMPA auraient ainsi diminué de 65 millions d’euros entre 2012 et 2013, alors que le ministère avait annoncé un recul de 32 millions d’euros : que s’est-il donc passé ? Nous avons noté, également, que les établissements pouvaient recourir à la « fongibilité asymétrique », ce qui n’était pas prévu initialement.
Enfin, si les redéploiements ont été effectués pour couvrir les dépenses liées aux bourses accordées sur critères sociaux, nous manquons d’indicateurs pour suivre l’évolution de cette enveloppe avec précision, en particulier pour ce qui concerne la réforme intervenue à la rentrée universitaire de 2013 et qui pourrait avoir des conséquences en 2014.
M. Philippe Marini, président. - Notre commission et la commission de la culture avaient effectivement réalisé une mission commune sur le financement des universités et le système SYMPA. Madame la ministre, que vous inspirent ces questions et réflexions de nos rapporteurs ?
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. - Je vous remercie de votre invitation. La MIRES demande des informations précises, pour aller plus loin que ce qu’on en dit ici ou là.
Vous l’avez constaté, ce budget est bien exécuté, presque à 100 % ; c’est le signe que les demandes sont importantes, mais aussi que nous y répondons avec les moyens dont nous disposons.
Pourquoi une sous-consommation sur quelques lignes des budgets de recherche ? Il s’agit, en fait, d’un effet d’optique, lié à un redéploiement ponctuel du programme d’investissements d’avenir. Le programme 172 affiche un taux élevé de consommation de ses crédits, ce qui démontre que le budget est adapté aux besoins.
Vous soulignez également le dynamisme des dépenses : le nombre d’étudiants augmente, les besoins de recherche et de développement dans notre pays créent des demandes nouvelles. Nos crédits progressent de 600 millions d’euros entre 2012 et 2014, passant de 22,44 milliards d’euros à 23,04 milliards d’euros : cet effort est tout à fait considérable dans le contexte actuel. Cependant, la croissance « naturelle » des dépenses - le tendanciel - aurait été d’un milliard d’euros sur la période : c’est dire que nous participons pour quelques 400 millions d’euros à la maîtrise des dépenses.
Plusieurs facteurs se conjuguent pour augmenter les dépenses. Il y a d’abord l’augmentation du nombre d’étudiants : quelque 25 000 étudiants supplémentaires se présentent chaque année aux portes de l’enseignement supérieur qui, dès lors que l’enseignement public est « libre et gratuit » en France, pratique des frais d’inscription proches de la gratuité, donc très loin de couvrir le coût réel de l’enseignement. Il y a, ensuite, le glissement vieillissement technicité (GVT), qui n’a pas été intégré lors du passage aux « Responsabilités et compétences élargies » (RCE), alors que les établissements subissent une évolution de leurs charges qui peut être liée aux politiques d’embauche du passé. En 2013, le GVT a représenté environ 60 millions d’euros pour 76 établissements, ce qui n’est pas négligeable. Autre héritage, la pyramide des âges : les principales cohortes de babyboomers venant de prendre leur retraite, le nombre de départs en retraite diminue, par exemple de moitié au CNRS, ce qui enlève un facteur d’allègement qui avait joué ces dernières années. Il y a, encore, les mesures catégorielles intervenues avec les textes récents, en particulier la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 concernant l’accès à l’emploi titulaire et l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, qui peuvent s’avérer coûteuses pour les établissements et avoir un impact sur leur politique de recrutement. Il faut compter également avec la contribution française à plusieurs grands programmes internationaux, par exemple les 800 millions d’euros à l’Agence spatiale européenne (ESA), dont nous sommes le premier contributeur. Je pense aussi au programme European Spallation Source (ESS) et au réacteur de fusion ITER, qui est le plus grand programme de coopération scientifique internationale en développement : même s’il n’est pas certain de parvenir à des résultats pratiques sur l’énergie de fusion, les recherches auxquelles il donne lieu sur le plasma, en physique, en neutronique, en imagerie ou encore en informatique embarquée, auront certainement des résultats dont nous devons être partie prenante, d’autant que nous sommes le pays hôte de ce très grand projet. Il y a aussi le renouvellement de grands instruments comme le Synchrotron, au laboratoire européen pour la physique des particules (CERN), ou encore à l’Institut Laue-Langevin, à Grenoble. Il faut savoir que ces outils de pointe de la recherche fondamentale sont également une source de revenus pour notre pays et les régions où ils sont implantés et pour notre pays tout entier, parce qu’ils sont des vecteurs de partenariat d’excellence et qu’ils font progresser nos entreprises de haute technologie, par exemple dans les techniques antisismiques. On considère, ainsi, qu’un euro investi au CERN entraîne 3,45 euros d’activité en services et en sous-traitance. Je pense, encore, aux grands investissements que l’ESA fait en matière de lanceurs et aux applications multiples des recherches, qui touchent des domaines aussi variés que le nucléaire, la régulation des grands systèmes de transports publics, la connectique, ou encore la cryogénie et, même, l’horloge parlante...
L’ensemble de ces facteurs de croissance de la dépense continueront à jouer au cours des années à venir : l’accroissement naturel des dépenses portées par le secrétariat d’État à la recherche et à l’enseignement supérieur devrait s’élever à 1,6 milliard d’euros entre 2015 et 2017. Par suite, la simple stabilisation de ces dépenses au cours du prochain triennal correspond à une économie de 1,6 milliard d’euros par rapport au tendanciel.
Vous m’interrogez, ensuite, sur l’ANR. Les besoins initiaux de l’Agence ont été, initialement, surestimés. Aussi, dans un souci de rééquilibrage en faveur des organismes de recherche, nous avons décidé d’ajuster la trésorerie de l’ANR, qui était excessive. Vous avez raison de souligner que nous avons atteint un « point bas », la Cour des comptes le dit également ; aussi, la trésorerie de l’Agence ne sera-t-elle pas davantage mise à contribution les prochaines années.
Les ressources européennes ne sont pas assez sollicitées, alors qu’elles ne sont pas d’un accès plus difficile que celles de l’ANR, par exemple, et que nous avons mis en place une cellule d’appui, ainsi que des points de contact nationaux pour aider les petits laboratoires à accéder aux financements européens. Le Président de la République a fait de la recherche l’une des priorités de la France. Dans le cadre du « Pacte de croissance », ce dernier a plaidé en faveur d’une augmentation des moyens consacrés à la recherche et au développement ; aussi a-t-il été suivi par de nombreuses personnalités politiques et, notamment, par Máire Geoghegan-Quinn, la commissaire européenne à la recherche, à l’innovation et à la science, qui m’a un jour glissé : « François Hollande, my hero... ». L’enveloppe consacrée au programme « Horizon 2020 » a été relevée de 30 % par rapport à celle du septième PCRD.
Alors que, lors du sixième PCRD, notre « retour » coïncidait avec notre contribution, à 16 %, il s’est établi, dans le cadre du septième PCRD, à 11,6 %, pour une contribution qui a légèrement augmenté et qui nous place toujours au second rang des contributeurs, derrière l’Allemagne. Cela est, en partie, imputable au nombre important d’appels à projets lancés au niveau national - en particulier par l’ANR et dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA). Le taux de réussite des laboratoires français est pourtant très bon, à 25 %. Nous nous efforçons donc de les aider à y aller davantage, par un soutien technique. Il s’agit également d’un enjeu de visibilité de la recherche française au niveau international. Je ne vois pas de raison de ne pas progresser. En tout état de cause, il y a lieu de se réjouir de la forte présence française dans les projets gérés par le Conseil européen de la recherche (ERC) qui, soit dit en passant, est présidé par un Français, Jean-Pierre Bourguignon. En revanche, les équipes françaises sont moins présentes dans le programme Marie Curie et les programmes de recherche thématiques. Aussi nous sommes-nous attachés à harmoniser les procédures de l’ANR avec celles de l’Union européenne, de façon à ce que les projets qui n’auront pas été retenus par l’Agence puissent, sans travail supplémentaire, candidater dans le cadre des appels à projets européens. Nous oeuvrons aussi à une simplification des procédures. Certes, l’approche européenne des projets scientifiques par enjeux sociétaux - gestion des big data, lutte contre les pandémies, accompagnement de la transition énergétique, etc. - a été reprise en France, de manière à rendre la recherche plus lisible et accessible ; pour autant, cela ne signifie en rien un recul de la recherche fondamentale. Ainsi, les réponses aux appels d’offres lancés, par l’ANR, sur la base de ces enjeux sociétaux concernent pour 70 % d’entre elles la recherche fondamentale et pour 30 % la recherche technologique.
S’agissant des universités, je veux d’emblée m’inscrire en faux contre l’image misérabiliste qui se répand ici où là. Les universités françaises reçoivent davantage de soutien public que la moyenne de leurs homologues européennes et du monde entier. Cependant, leurs droits d’inscription y sont souvent plus modiques ; elles reçoivent moins de financements privés, notamment par le biais de fondations, de même qu’elles bénéficient de peu de recettes en formation continue. C’est un point où la marge de progrès est importante : alors que la meilleure des formations se trouve à l’université, où la recherche est la plus créative, l’université capte à peine 4 % du marché de la formation continue, lequel ne cesse de se développer. Pour aller plus loin, il faut adapter les formations proposées et faire tomber des barrières ; des universités comme Cergy ou Marne-la-Vallée l’ont fait, avec des avantages certains et une ouverture sur l’extérieur.
Suite au passage aux RCE, les universités ont vu leurs conditions de gestion changer rapidement et en profondeur ; leur budget a parfois décuplé, mais elles n’ont pas été suffisamment accompagnées dans ces changements et les gestionnaires n’ont pas reçu de formation suffisante à la conduite du changement : cela constitue la principale erreur du passage à l’autonomie des universités qui est, en soi, une bonne chose, d’autant que seulement 10 % d’entre elles ont, en tout ou partie, une comptabilité analytique. L’an passé, huit établissements étaient en déficit, contre seize en 2012. Quatre établissements connaissaient deux déficits d’affilée, contre cinq en 2012 : Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Clermont-Ferrand, Paris XIII et Montpellier III, qui sont dans des situations toutefois différentes. Le résultat cumulé des 82 universités françaises progresse cependant, à 208 millions d’euros, contre 142 millions d’euros en 2012 et 137 millions d’euros en 2011. Leurs fonds de roulement s’améliorent, à 1,531 milliard d’euros, contre 1,524 milliard d’euros en 2012, mais 1,785 milliard d’euros en 2010, avec l’effet, entre-temps, du passage aux RCE de nombreux établissements. Ces chiffres, comme l’a constaté la Cour des comptes, attestent de ce que les universités reconstituent leur situation financière, laquelle est loin d’être dégradée comme on l’a dit - la réponse de la Conférence des présidents d’universités (CPU) à la Cour des comptes met en évidence l’amélioration de la situation, tout en pointant le problème de la prise en compte du GVT.
Cette stabilisation a été obtenue au prix d’un effort important de maîtrise des dépenses de fonctionnement des universités, notamment de la masse salariale. Le taux de CAS représente 80 % de l’augmentation de la masse salariale l’an passé.
Les fonds de roulement et la trésorerie des universités, cependant, ne sont pas intégralement mobilisables. Ils peuvent être liés aux financements des projets de recherche, aux investissements contractualisés, dans les contrats de plan État-régions, par exemple. Ils devront encore être mis à contribution, notamment dans le cadre du plan Campus, pour moderniser les établissements, faute de provisions suffisantes de la maintenance, en particulier pour les universités de Paris intra-muros.
J’ai mis en place un dispositif de suivi, d’accompagnement et d’alerte, avec un tableau de bord commun qui cible l’évolution des dépenses des 103 établissements. Il s’agit d’intervenir en anticipation. En deux ans, l’inspection générale de l’enseignement supérieur et de la recherche a réalisé 34 missions d’audit. De nombreuses universités ont été accompagnées dans le retour à l’équilibre de leurs comptes. Le suivi des établissements s’est donc nettement amélioré. Des mesures techniques, comme la simplification des parcours, rendent, en outre, la gestion plus rationnelle - nous avions constaté, par exemple, que près d’un tiers des masters comptaient moins de dix étudiants, ce qui conduisait à disperser trop les moyens et constituait un vrai manque de vigilance.
L’université de Versailles Saint-Quentin a cumulé les difficultés : lors du passage aux RCE, l’établissement a créé 158 emplois, escompté quelques 18 millions d’euros de recettes supplémentaires, qui n’ont pas été atteints, mais qui ont été dépensés ; au total, pour 15 000 étudiants, l’université compte 38 sites, c’est trop. Ensuite, l’établissement n’a pas bien négocié ses partenariats publics-privés (PPP), notamment celui sur l’efficacité énergétique avec, comme résultat, de devoir rembourser 2,4 millions d’euros par an... pour un bilan énergétique apparemment alourdi. Nécessitant une négociation ardue lors de leur établissement, les PPP doivent être utilisés sur les projets les plus lourds et complexes. C’est ainsi qu’on est passé de projets à 100 % PPP à seulement 38 % de PPP dans le cadre du plan Campus.
Je me suis impliquée dans la renégociation de contrats passés par cette université et pour prendre les mesures nécessaires au retour à une meilleure situation financière de l’Université de Versailles Saint-Germain-en-Yvelines, tout en butant sur des difficultés à obtenir des informations, l’agent comptable étant parti sans avoir été remplacé. Fin 2013, nous avons fait une avance remboursable de 800 000 euros pour le paiement des salaires, puis nous avons convenu d’un prêt de 2,6 millions d’euros pour cette année. Il reste des sacrifices à faire, des choix à poursuivre, pour confirmer le redressement des comptes et confirmer le retour à un fonds de roulement positif.
Les COMUE répondent à un objectif d’ensemble, celui de développer des stratégies communes autour de vingt-cinq pôles universitaires, tout en laissant à chacun la liberté de s’organiser : les conseils d’administration maîtriseront leur budget, le SNESUP peut être rassuré, et ce seront bien les universités qui décideront de ce qu’elles veulent mutualiser. À ce jour, on compte cinq associations d’universités et vingt COMUE. Seize statuts de COMUE ont été votés, à une très large majorité, et sont en instance de validation. Plusieurs COMUE sont interrégionales : une COMUE Poitou-Charentes, Centre et Limousin, une COMUE Bretagne et Pays de Loire, une COMUE Normandie et une COMUE Bourgogne-Franche-Comté. Ici encore, les universités font figure de pionnier. Les COMUE n’occasionnent pas de surcoût, les mutualisations feront plutôt faire des économies et renforceront même l’efficacité de l’action : quand plusieurs universités mutualisent leur service de relations internationales ou celui d’insertion sociale des étudiants, par exemple, elles ont chacune plus de poids.
La réforme des bourses poursuit un objectif général de mon action, celui d’améliorer les conditions de vie des étudiants. Sur les 600 millions d’euros d’augmentations budgétaires, les deux-tiers vont aux aides aux étudiants. Nous avons, en particulier, financé le dixième mois de bourse, une promesse de la majorité précédente, qu’elle n’avait pas tenue. Nous avons ajouté 160 millions d’euros l’an passé et nous augmentons encore les bourses de 158 millions d’euros cette année. Reste, effectivement, 85 millions d’euros prévus pour 2015, qui feront l’objet du débat budgétaire - nous avons des assurances que cette enveloppe ne sera pas remise en question. Au total, nous aurons ainsi renforcé l’aide aux étudiants de plus de 400 millions d’euros.
La première vague n’a jamais été financée par des redéploiements. Contrairement à ce qu’on a pu en dire, ce sont bien les crédits du ministère qui ont abondé cette priorité. Nous visons les étudiants les plus précaires et ceux issus du bas des classes moyennes, qui travaillent plus de quinze heures hebdomadaires au risque d’échouer dans leurs études. Les 135 000 étudiants boursiers supplémentaires annoncés par Laurent Wauquiez ne touchaient en fait aucune bourse - ils étaient exonérés de frais d’inscription et de cotisation sociale étudiante - nous leur donnons désormais, ou donnerons l’année prochaine, 1 000 euros. C’est un progrès.
M. François Marc, rapporteur général. - Une remarque : les COMUE autorisent bien des mutualisations, ce qui est un aiguillon pour l’organisation efficace de nos territoires et la meilleure voie lorsque, comme aujourd’hui, les moyens manquent partout. Je me réjouis donc de la mise en place de ces communautés, en espérant que ce que les universités ont fait, les territoires pourront le faire également.
Le Président de la République a indiqué, au début de son quinquennat, qu’il fallait créer 40 000 logements étudiants supplémentaires ; la loi de finances initiale pour 2013 y a consacré 20 millions d’euros supplémentaires mais, selon la Cour des comptes, la moitié de cette enveloppe a finalement servi à financer les bourses de l’enseignement supérieur attribuées sur critères sociaux. Dès lors, où en est le programme des 40 000 logements étudiants ?
M. Éric Doligé. - Mon département finance l’université d’Orléans : Madame la ministre, me conseillez-vous de continuer à le faire, sans savoir si le département existera encore demain et sans connaître non plus l’avenir de cette université, dans le grand mouvement de regroupement que vous avez lancé ? Des investissements sont à faire : faut-il les reporter ?
Que pensez-vous, ensuite, d’une péréquation entre universités, comme les collectivités territoriales le font entre elles ? N’est-ce pas un moyen de résoudre les difficultés comme celles que rencontre l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines ?
S’agissant des partenariats public-privé, enfin, je crois que nous ne devons pas perdre de vue ce principe simple : « à chacun son métier ». Les gestionnaires d’universités se trouvent confrontés à des spécialistes alors qu’ils n’ont encore jamais passé de telles procédures, complexes parce qu’elles exigent bien des calculs économiques sur l’avenir. La relation est déséquilibrée et les universités ont toutes chances de se retrouver perdantes pour leur premier et souvent unique PPP : comment les aidez-vous au ministère pour corriger cette asymétrie ? Avez-vous une cellule d’appui technique ?
Mme Michèle André. - Il est parfois difficile d’obtenir des informations précises sur les universités, car les universitaires parlent entre eux, davantage qu’aux parlementaires... D’où ma question : où en est-on à l’université de Clermont-Ferrand, dont on entend dire que la situation est très difficile ?
Mme Marie-France Beaufils. - Le Gouvernement s’est engagé sur mille postes supplémentaires par an pour l’université. Or, ces ressources supplémentaires ont pu être utilisées par nos universités pour résoudre leurs difficultés financières. Combien d’emplois ont-ils réellement été créés ?
Mme Fabienne Keller. - Le « grand emprunt » a largement participé au financement de la recherche et de l’université. Ces fonds ont-ils été versés ? Quelles sont les perspectives pour l’avenir, notamment en termes de sanctuarisation de ces crédits d’investissement à long terme de la MIRES ?
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. - Ma feuille de route est très claire sur le logement étudiant : mettre en chantier 40 000 logements accessibles aux étudiants, dont la moitié en Île-de-France, sur l’ensemble du quinquennat, alors que, sur les huit années précédant notre arrivée, les étudiants n’avaient disposé que de 25 000 logements supplémentaires pour un objectif, au départ, quasi similaire au nôtre. Nous avons mis en place une méthode pour obtenir ces 40 000 logements. Le plan Campus a, tout d’abord, permis d’identifier 19 000 places possibles, dont environ la moitié en Île-de-France. Ils sont désormais programmés avec la relance du plan Campus. Puis, avec Cécile Duflot, nous avons confié au préfet Marc Prévost la mission de repérer les logements possibles qui se situent à une demi-heure maximum d’une université dans l’ensemble des programmes immobiliers. Les 40 000 logements sont donc désormais identifiés, la liste sera établie d’ici la fin du mois de juin. Nous veillons également à ce que les engagements pris soient respectés. Dans les Hauts-de-Seine, par exemple, Patrick Devedjan s’est engagé à ce que la démolition-reconstruction de bâtiments anciens offre jusqu’à 3 000 logements aux étudiants : cet engagement doit être respecté, j’y veillerai personnellement. La question est très importante ; on estime que l’offre de logements étudiants ne couvre que 9 % des besoins. Face à un enjeu d’une telle ampleur, il faut être imaginatif, proposer toute une palette de solutions - encourager par exemple la colocation étudiante, y compris dans les logements du CROUS -, de même qu’il faut améliorer les conditions de vie des étudiants dans leur ensemble et leur proposer des solutions adaptées : savez-vous, par exemple, que les étudiants boursiers ne consomment en moyenne que deux repas par semaine dans les restaurants universitaires ?
En 2013, nous en étions à quelque 8 500 logements étudiants mis sur le marché, répartis entre 4 000 logements neufs et 4 500 logements réhabilités. J’insiste sur l’importance de la réhabilitation car nombre d’entre vous êtes, aussi, des élus locaux : faites de la réhabilitation pour étudiants, partout où c’est possible, surtout en Île-de-France !
J’étais à Orléans ce matin et je peux dire à Éric Doligé l’enthousiasme des acteurs locaux pour les regroupements en cours. C’est, en fait, un très bon exemple d’une démarche réussie parce qu’elle est fondée sur des projets communs, sur la volonté qu’ont des laboratoires de travailler ensemble, plutôt que de suivre une orientation venue d’en haut pour des raisons organisationnelles. Le nouvel ensemble va constituer, par exemple, le premier pôle de recherche français sur les matériaux. C’est important, notamment en termes de visibilité internationale.
Il en sera de même, également, dans le domaine spatial et pour les formations médicales qui seront mieux réparties et mutualisées sur les différentes universités. Pour revenir aux logements étudiants, 10 des 20 millions d’euros initialement budgétés n’ont effectivement pas été utilisés à ce titre en 2013, en raison de retard dans les travaux. Ces dotations complémentaires constituent un effet levier important et nous mobilisons également les collectivités locales...
M. Philippe Marini, président. - Elles n’ont plus de moyens !
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. - Certes, mais elles ont des projets à développer avec les universités. Il faut imaginer de nouveaux cadres, de nouveaux modes de financement pour les rendre possibles.
Sur les PPP, ensuite, il est normal que les universités soient les interlocuteurs de leurs partenaires privés. Vous soulignez avec raison combien l’exercice est difficile, les procédures complexes - je le sais d’autant mieux qu’à Grenoble, j’ai participé à l’un des premiers PPP, de 74 millions d’euros, pour un pôle de recherche et d’innovation sur les énergies renouvelables : il a fallu deux ans de négociations pour aboutir... Les PPP sont utiles dans certaines opérations, pas dans toutes ; il faut compter aussi avec les autres outils possibles.
À Clermont-Ferrand, un projet de fusion est en cours, qui devrait aboutir dans deux ans. Pour le moment, ils ont opté pour l’association. Ici encore, il nous faut de la souplesse...
M. Philippe Marini, président. - Absolument. Comme pour les rythmes scolaires !
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. - Oui, et avec cet objectif constant qui est le nôtre : l’intérêt de l’enfant, comme celui de l’étudiant... Quant à l’université de Clermont-Ferrand II, un plan de redressement est également en cours.
Enfin, nous nous sommes effectivement engagés à mille emplois de plus chaque année pour l’enseignement supérieur, pendant toute la durée du quinquennat : ce n’est peut-être pas autant que certains le souhaiteraient, mais c’est tout à fait exceptionnel dans la période actuelle. Ces postes ont été créés là où les besoins étaient les plus manifestes, selon des critères définis avec la CPU et en tenant compte du modèle SYMPA. En gestion, les universités sont autonomes et peuvent geler des postes. En tout état de cause, nous vérifions que les postes créés ciblent d’abord le premier cycle, qui est notre priorité tout au long du quinquennat.
M. Philippe Marini, président. - Merci pour toutes ces précisions.
La réunion est levée à 17 h 52.
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