Accueil > Le mouvement de 2009 > Motions globales > Lettre ouverte de 130 Enseignants-chercheurs de l’Université Paris-Ouest (...)

Lettre ouverte de 130 Enseignants-chercheurs de l’Université Paris-Ouest Nanterre à Valérie Pécresse et à Xavier Darcos, 12 juin 2009

mardi 16 juin 2009, par Laurence

[/Nanterre, le 12 juin 2009/]

Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,

Parce que nous sommes des chercheurs et des professeurs responsables, des humanistes, des parents et
des citoyens, nous refusons de faire payer à nos étudiants le prix de votre incompétence et de votre
despotisme. Nous ferons donc en sorte que, malgré des mois de grèves douloureuses et de perturbations
multiples, nos étudiants aient un diplôme de qualité cette année, comme chaque année. Nous avons pris
cette décision la mort dans l’âme, sachant que vos médias s’empresseront d’en déduire que nous
reculons devant vos menaces insultantes et que « tout rentre dans l’ordre ». Mais nous restons solidaires
de nos collègues qui, en divers points du territoire et dans des conditions particulières, ont pu prendre
des décisions plus radicales, plus difficiles à tenir, sans doute, mais peut-être plus courageuses que la
nôtre, pour vous résister avec plus de fracas. Nous le montrerons en continuant à manifester avec nos
étudiants, et en résistant avec force à vos basses manœuvres politiques. La crise des universités ne fait
peut-être que commencer, car votre attitude actuelle qui consiste à imposer des décrets scélérats rejetés
par tous, à la veille des vacances, ne fait que renforcer notre défiance à l’égard de votre administration.

Après 8 mois de motions unanimes, de tribunes publiques et de pétitions qui ne nous valurent pas même
l’honneur d’une réponse ; après 4 mois de protestation vigoureuse ponctués de grèves diverses,
d’actions symboliques et de manifestations rassemblant chaque semaine des dizaines de milliers de
personnes dans le respect de l’ordre républicain, nous devons constater que vous avez, en apparence,
gagné la bataille sur la question des examens si facile à mettre en musique médiatique. Vous avez eu
raison de parier sur notre bonne nature : nous ne sacrifierons pas sur l’autel de vos vanités, l’avenir de
nos étudiants.

Vous avez l’impression d’avoir gagné, pour quelques semaines, face au monde du savoir, face à
l’innovation, face au dynamisme, face aux plus grands noms des sciences et des sciences humaines
françaises qui, chaque jour, portent par leur travail, malgré vous, notre pays au rang des premières
puissances culturelles et intellectuelles de la planète — face à tous ceux, prix Nobel compris, dont vous
n’avez pas su entendre les appels raisonnables et argumentés. En vous appuyant sur des médias aux
ordres, sur des mensonges éhontés, des chiffres ouvertement truqués, des intimidations policières et des
lieux communs populistes, vous pouvez donner l’impression d’avoir gagné, pour un temps, mais pour
un temps seulement, contre l’Université de la République.

Nous dénonçons la violence de votre gouvernance, qui préfère nous mettre en concurrence pour gérer
une pénurie de moyens volontairement entretenue, au lieu de nous aider à unir nos forces dans une
dynamique de réformes stimulantes et partagées. Nous dénonçons la violence et la cynique duplicité de
vos discours, qui parlent d’ « autonomie » pour décrire la vente à la découpe des universités, de
« milliards mis sur la table » pour mieux dissimuler des suppressions de postes, d’ « effort sans
précédent » pour masquer le désengagement de l’Etat, la hausse des frais universitaires et l’endettement
des étudiants. Nous dénonçons votre plan de destruction massive de l’école publique, laïque et ouverte à
tous, que vous attaquez en portant gravement atteinte à la formation des maîtres, et en détruisant des
postes indispensables — pour les pourvoir, dans le meilleur des cas, par des vacataires sans formation,
voire pour les remplacer par des portiques de sécurité, encore moins coûteux. Dans le même temps, vous
confiez des missions de service public à des universités catholiques privées, soumises à l’autorité du
Vatican, avec l’espoir qu’elles drainent vers elles, moyennant des droits d’inscription considérables, des
étudiants en butte aux pénuries orchestrées de l’université publique.

Alors oui, peut-être plions-nous aujourd’hui, Madame la ministre, Monsieur le ministre, devant tant de
mépris pour l’avenir de nos étudiants, devant tant de sourde incompétence.

Mais nous ne rompons pas.

Nous refusons plus que jamais vos « preuves d’amour » qui ne sont que des mots pour couvrir d’un
voile blanc le viol en réunion de la Princesse de Clèves et de l’Ecole de la République.
Et nous restons debout, aux côtés de nos étudiants, pour continuer à leur donner le meilleur de nous-
mêmes dans les conditions de misère que vous promettez aux universités sous couvert d’illusoires
libéralités.
Nous restons debout, aux côtés de nos collègues du secondaire et du primaire qui, comme nous,
continuent à donner le meilleur d’eux-mêmes à tous les enfants de ce pays, malgré le harcèlement moral
qu’ils subissent depuis des années.
Nous restons debout, aux côtés de tous les défenseurs des services publics en voie de marchandisation et
d’appauvrissement, et aux côtés de tous les citoyens porteurs des valeurs républicaines de solidarité,
d’ouverture aux autres, de laïcité, de progrès partagé et d’esprit critique.
Nous restons debout dans la rue, dans les tribunes des journaux, et partout où cela sera nécessaire, pour
appeler les Français à prendre conscience du désastre qui se joue aujourd’hui, sous leurs yeux, sans
qu’ils n’en sachent rien.

En brisant un à un les liens qui unissent entre eux les Français ; en rompant une à une les amarres de
notre histoire et de notre identité ; en privant tant de citoyens du droit à être entendus et du droit à penser
différemment les relations humaines, vous n’avez, semble-t-il, qu’une ambition : faire de la rentabilité
immédiate et de la concurrence sauvage les seules références morales dignes de respect dans notre
société. Cette servilité, ce cynisme et cette étroitesse d’esprit, auront un prix, que vous paierez un jour.

Vous aspirez maintenant, paraît-il, à d’autres fonctions, trouvant dans la fuite vers d’autres ambitions
politiciennes et carriéristes, le moyen, croyez-vous, de sortir la tête haute du gâchis monstre dont vous
portez l’écrasante responsabilité. Votre bilan est pathétique.

Vous pouvez partir. Nous, nous restons. Vous avez détruit, nous reconstruirons.

Veuillez croire, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, à notre profond respect pour les fonctions
que vous exercez.

Verena Aebischer, MCF, psychologie ; Gianni Albergoni, MCF, Sociologie ; Anne-Claude Ambroise-Rendu,
MCF, Histoire contemporaine ; Estelle Amy de la Bretèque, ATER, Ethnomusicologie ; Patricia Attigui,
Professeur des Universités, Psychologie ; Sylvie Bauer, MCF, Anglais ; Annette Becker, Professeur des
Universités, Histoire contemporaine ; Anna Bellavitis, MCF, Histoire moderne ;Cécile Birks, MCF, Anglais ;
Hélène Blais, MCF, Histoire contemporaine ; Michel Blanc, MCF, Sociologie ; Chrystèle Blondeau, MCF,
Histoire de l’art médiéval ; Barbara Bonnefoy, MCF, Psychologie ; François Bost, MCF, Géographie ; Myriam
Boucharenc, Professeur des Universités, Lettres ; Véronique Boucherat, MCF, Histoire de l’art médiéval ;
Michel Boutillier, Professeur des Universités, Economie bancaire et financière ; Cyrille Bouvet, MCF,
Psychologie ; Jean-Albert Bron, PRAG, Arts du spectacle ; Jean-Pierre Bruckert, MCF, Psychologie ;
Sylvaine Camelin, MCF, Ethnologie ; Jean-Marc Chamot, MCF, Civilisation américaine ; Jean-Luc Chassel,
MCF, Histoire du droit ; Serge Chauvin, MCF, Etudes anglo-américaines ; Nathalie Cheze, MCF,
Mathématiques ; Miguel Chueca, MCF, Langue et civilisation espagnoles ; Céline Clavel, Post-doctorante
chargée de cours, Psychologie ; Céline Clément, MCF, Sociologie ; Michèle Cohen-Halimi, MCF, Philosophie ;
Franck Collard, Professeur des Universités, Histoire médiévale ; Sylvaine Conord, MCF, Sociologie ; Marcel
Cori, Professeur des Universités, Sciences du langage ; Flore Coulouma, MCF, Anglais ; Laurence Croq,
MCF, Histoire moderne ; Bernard Cros, MCF, Civilisation britannique ; Vincent Cuche, ATER, Histoire
ancienne ; Frédérique Cuisinier, MCF, Psychologie ; Elizabeth Deniaux, Professeur des Universités, Histoire
ancienne ; Henri Desbois, MCF, Géographie ; Marianne Desmets, MCF, Sciences du langage ; Sylvia
Dobyinsky, MCF, Mathématiques-Informatique ; Claude Dorey, MCF anglais ; Yvette Dorey, MCF,
Psychopathologie ; Aude-Marie Doucet, ATER, Histoire médiévale ; Frédéric Dufaux, MCF, Géographie ;
Stéphane Dufoix, MCF, Sociologie ; Jean Duma, Professeur des Universités, Histoire moderne ; Annie Duprat,
Professeur des Universités, IUFM Versailles, Responsable agrégation interne d’Histoire et de Géographie à
l’Université Paris Ouest Nanterre, Histoire moderne ; Brigitte Dussart, MCF, Sociologie ; Nicole Edelman,
MCF, Histoire contemporaine ; Anne Fabre, PRAG, Economie-Gestion ; Alexandra Filhon, MCF, Sociologie ;
Fabrice Flahutez, MCF, Histoire de l’art contemporain ; Arnaud Fossier, AMN, Histoire médiévale ; Bernard
Friot, Professeur des Universités, Sociologie ; Danièle Frison, Professeur émérite, Anglais ; Marie-Pierre
Gervais, Professeur des Universités, Informatique ; Elisabeth Gontier, ATER, Psychopathologie ; Justine
Gourbière, Monitrice, Histoire de l’art médiéval ; Maya Gratier, MCF, Psychologie ; Claude Grimal,
Professeur des Universités, Littérature américaine ; Jean-Marie Guillaume, I.E.R., Philosophie ; Matthieu Hély,
MCF, Sociologie ; Olivier Hochedez, Moniteur, Sociologie ; Nicolas Jonas, ATER, Sociologie ; Sylvain
Kahane, Professeur des Universités, Sciences du langage ; Karine Kray-Baschung, MCF, Sciences du langage ;
Emilie Kurdziel, AMN, Histoire médiévale ; Evelyne Labbé, Professeur des Universités, Littérature
américaine ; Thierry Labica, MCF, Anglais ; Anne Lacheret, Professeur des Universités, Linguistique ;
Frédéric Landy, Professeur des Universités, Géographie ; Frédérique Leblanc, MCF, Sociologie ; Marie Leca-
Tsiomis, Professeur des Universités, Littérature française ; Samuel Lepastier, Professeur associé à l’Université
Paris Ouest, Psychopathologie ; Claude Leroy, Professeur émérite, Littérature française ; Despina Liolios, MCF,
Ethnologie ; Hubert Lisandre, MCF, Psychopathologie ; Julien Magnier, Doctorant, chargé de cours en
psychologie ; Aliocha Maldavsky, MCF, Histoire moderne ; Luca Marsi, MCF, Italien ; Christophe Martin,
Professeur des Universités, Littérature française du XVIIIe siècle ; Jacques Martineau, MCF, Littérature
française ; Corinne Mazé, MCF, Sciences psychologiques ; Caroline Mellet, MCF, Sciences du langage ;
Béatrice Ménard, MCF, Littérature latino-américaine ; Vincent Meyzie, MCF, Histoire moderne ; Christophe
Mileschi, Professeur des Université, Etudes italiennes ; Virginie Milliot, MCF, Ethnologie ; Laure Moguerou,
MCF, Sciences de l’éducation ; Annie Mollié, MCF, Mathématiques et Statistiques ; Jean-Pierre Morelou,
MCF, Droit public ; Isabelle Moret-Lespinet, MCF, Histoire contemporaine ; Emmanuelle Mortgat-Longuet,
MCF, Littérature française du XVIIe siècle ; Colette Noyau, Professeur des Universités, Sciences du langage ;
Christine Ollivier, MCF, Psychologie ; Florence Paravy, MCF, Lettres modernes ; Nicolas Patin, AMN,
Histoire contemporaine ; Christine Pauleau, MCF, Sciences du langage ; Richard Pedot, Professeur des
Universités, Littérature anglaise ; Sylvie Pédron Colombani, MCF, Sociologie ; Marie Personnaz, MCF,
Psychologie sociale ; Liliane Picciola, Professeur, Littérature française ; Patrick Pion, MCF, Archéologie pré et
protohistorique ; Nicolas Prévôt, MCF, Ethnomusicologie ; Pierre Ragon, Professeur des Universités, Histoire
moderne ; Véronique Rauline, MCF, Anglais ; Hélène Raymond, Professeur des Universités, Science
économique ; François Regourd, MCF, Histoire moderne ; Rosine Réveillé, MCF, Statistiques ; Simone
Rinzler, MCF, Anglais ; Nicolas Sallée, Moniteur, Sociologie ; Danielle Schütz, PRAG, Lettres modernes ;
Pascal Sebille, MCF, Sociologie ; Gabriel Segré, MCF, Sociologie ; Christine Sellin-Catta, Assistante en
Histoire contemporaine ; Alexis Sierra, MCF, Géographie ; Frédérique Sitri, MCF, Sciences du langage ;
Amandine Spire, Monitrice, Géographie ; Jean-Fabien Steck, MCF, Géographie ; Anne Steiner, MCF,
Sociologie ; Emmanuelle Tixier, MCF, Histoire médiévale ; Anne Trévise, Professeur des Universités, Anglais ;
Delphine Tribout, ATER, Sciences du langage ; Laurence Vanoflen, MCF, Littérature du XVIIIe siècle ;
Olivier Vecho, MCF, Psychologie ; Sarah de Vogué, MCF, Sciences du langage ; Christophe Voilliot, MCF,
Sciences politiques ; Panayota Volti, MCF, Histoire de l’art médiéval ; Claudine Wolikow, MCF, Histoire
moderne.