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A Montpellier, le procureur requiert lourdement contre « le commando » de la fac de droit - Cécile Hautefeuille, Mediapart, 22 mai 2021

dimanche 23 mai 2021, par Mariannick

Au terme de deux jours de procès, le procureur a requis des peines allant jusqu’à un an de prison contre les sept prévenus, dont l’ex-doyen et un professeur de droit de la fac de Montpellier. En 2017, ils avaient mené un commando d’extrême droite pour évacuer les étudiants grévistes d’un amphithéâtre.

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Pour mémoire, relire notre communiqué « Vidal ou la violence de l’extrême centre » du 9 avril 2018 : La ministre Frédérique Vidal avait parlé alors « d’échauffourées », de « mise en scène des affrontements » laissant croire que les torts étaient partagés…


Et aujourd’hui, pour boucler la boucle factieuse, on trouve Graig Monetti, le dir-cab de Frédérique Vidal, auprès du maire de Nice dans une manifestation « spontanée » [1] de policiers municipaux protestant contre une décision du conseil constitutionnel. Lire aussi l’article d’Antton Rouget ici


[…]
Au terme de deux jours de procès devant le tribunal correctionnel de Montpellier, le procureur requiert, ce vendredi 21 mai, 18 mois de prison avec sursis à l’encontre de l’ex-doyen pour « complicité » des violences, 10 mois de prison ferme (avec possibilité de port d’un bracelet électronique ) contre Jean-Luc Coronel pour des faits de « violences volontaires commises en réunion ».

Dans la soirée du 22 au 23 mars 2018, un groupe armé de planches de bois et d’un taser avait fait irruption dans un amphithéâtre pour déloger plusieurs dizaines d’étudiants, extérieurs à la fac, qui protestaient contre la loi relative à l’orientation et à la réussite éducative (dite « loi ORE »). Une évacuation rapide – à peine deux ou trois minutes – et d’une grande violence, documentée à l’époque par une série de vidéos (voir notre article ici). Plusieurs étudiants avaient été blessés, notamment à la tête.

À l’audience, et pour la première fois, Philippe Pétel a reconnu avoir donné le feu vert pour cette expulsion manu militari, proposée, selon lui, par le professeur Coronel. Jusqu’ici, l’ex-doyen avait toujours affirmé avoir confondu le commando avec des policiers. « J’ai joué les imbéciles », reconnaît-il à l’audience. Il présente son revirement comme « un coup de théâtre » et livre une nouvelle version. « Jean-Luc Coronel m’a dit qu’il avait peut-être une solution. Des amis qui pouvaient venir. J’ai cru qu’il plaisantait. Plus tard, il en a reparlé et je devais être dans une phase basse de ma situation psychologique. J’ai baissé les bras, j’étais dépassé. J’ai dû dire oui... », souffle-t-il à la barre, le dos voûté.

Juste avant lui, l’ancien professeur avait, au contraire, dépeint le « vif et répété intérêt » du doyen à propos « de l’arrivée de ces personnes » qui allaient déloger les grévistes.

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ace au tribunal, Mathieu Rolouis, le plus jeune, assure avoir voulu « rendre service ». À qui ? Il ne le dira pas. À propos de sa présence à la fac de droit ce soir-là, il se contente de répondre : « Je trouvais que la situation à la fac de droit n’était pas normale. »

Il refuse de nommer ou d’impliquer quiconque. « Je reconnais ce que j’ai fait mais je ne mets personne en cause. » Identifiable sur ce cliché et sur les vidéos, il portait une cagoule et a asséné des coups très violents, y compris dans le dos. « Au départ, c’était pour faire peur, pas faire mal, indique-t-il. Puis : « Je visais l’abdomen, là où ça fait le moins mal. »

Dans son téléphone, les enquêteurs ont trouvé des photos d’un casque avec les insignes de la Wehrmacht. « On fait une collection d’objets militaires avec mon oncle », explique Mathieu Rolouis. Interrogé par le président du tribunal sur une « fascination du IIIe Reich », il rétorque : « C’est pas parce que je suis d’extrême droite que je cautionne... »

Faire justice soi-même, agir, puisque la police ne le fera pas, s’en prendre vertement au préfet qui a refusé l’intervention des forces de l’ordre : c’est l’argumentaire développé par la plupart des prévenus. Ils l’affirment : les étudiants bloqueurs étaient inquiétants, menaçants, violents, dangereux.

Pour Thierry Puech, identifié comme « l’homme au bonnet rouge » armé d’un taser, il s’agissait de « défendre la fac contre les gauchos ». Son comparse Thierry Vincent, colonel à la retraite, se décrit même comme appartenant « au camp du bien face aux méchants ».

Son témoignage a particulièrement saisi l’auditoire. « Dans un pays normal, on nous aurait félicités », assène-t-il. Pour l’ancien militaire, signataire de la pétition dans Valeurs actuelles, le procès qui est fait aujourd’hui « n’est pas normal ». Il conclut : « Je pense qu’on va vivre des temps intéressants dans les tribunaux... » Une phrase lourde de sous-entendus qui a plongé l’auditoire dans un bref silence. De sidération pour les uns, de satisfaction pour d’autres.
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[1payée en heures sup’ selon le président du syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM)