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Le paysage universitaire post Idex, Dossier de Libération 27 février 2012

mardi 28 février 2012, par yann

« Nous attendons que les candidats à la présidentielle abandonnent ces processus »
INTERVIEW de Stéphane Tassel. secrétaire général du Snesup-FSU :

A lire sur le site de Libération
Par VÉRONIQUE SOULÉ
« On connaît maintenant les lauréats des Idex, après un processus de sélection opaque et un faux suspense, puisque l’on retrouve les gagnants du plan Campus. Nous assistons aujourd’hui à une destruction du paysage universitaire, avec un désengagement de l’Etat et des ressources concentrées de manière arbitraire sur huit sites. Or, ce que l’on déverse à un endroit ne compense pas ce qui est retiré ailleurs.

« La moitié des Idex sont en Ile-de-France, et sur les quatre, trois dans Paris intra-muros. Quel avenir cela laisse-t-il aux universités de périphérie, qui ont participé à la démocratisation de l’enseignement supérieur et de la recherche ? En fait, à côté de pôles aspirateurs de ressources, on voit apparaître des déserts scientifiques, comme dans le Grand Ouest.

« On crée des concentrations, alors que la recherche est le fruit de coopérations de tout le tissu universitaire. On ne peut pas construire une politique scientifique sur la mise en concurrence, sur l’exclusion et sur la division. Il peut y avoir de grandes orientations, mais il faut aussi assurer la liberté de recherche. La politique actuelle est stérilisante et dramatique. De plus, quelle est la réalité des sommes annoncées ? Ces pôles vont toucher les maigres intérêts de dotations qui seront placées - des sommes très faibles au regard des besoins. En plus, cela va creuser les inégalités.

« Mais tout est réversible. Les sommes perçues ici ou là ne sont pas si importantes, les pelleteuses ne sont pas au travail. Nous demandons que soit réaffecté l’ensemble des sommes extrabudgétaires - celles des Idex, du plan Campus, etc - au budget de l’enseignement supérieur et de la recherche. Car il est urgent de réduire les inégalités entre les sites. Nous attendons que les candidats à la présidentielle mettent des engagements sur la table et abandonnent ces processus dits d’excellence. Car si quelques-uns se pavanent aujourd’hui, il y a beaucoup plus de déçus dans la communauté universitaire. Il y a eu un mouvement très fort en 2009. Certains l’oublient, pas moi. »

Des groupes universitaires à vocation mondiale vont bénéficier du dispositif « Initiatives d’excellence » et de fonds du grand emprunt.

A lire sur le site de Libération

Par VÉRONIQUE SOULÉ
Nicolas Sarkozy avait promis de réveiller les universités endormies, selon lui, depuis 1968, et de faire émerger un nouveau paysage de facs modernes, dynamiques et compétitives, caracolant en haut des classements internationaux … Il a surtout réalisé la première partie de sa promesse. Pour le reste, huit grands pôles « à vocation mondiale » viennent d’être désignés. Mais le paysage du supérieur reste chaotique, avec des universitaires fatigués du branle-bas permanent de ces dernières années et des sommes mirobolantes promises et qui se font attendre.

Dans le cadre du grand emprunt, 7,7 milliards d’euros ont été réservés à un dispositif baptisé « Initiatives d’excellence » (ou Idex), destiné à l’enseignement supérieur et à la recherche. « Il s’agit de sélectionner les pôles universitaires d’envergure mondiale qui seront à même de rivaliser avec les meilleures universités du monde, expliquait Nicolas Sarkozy le 27 juin. Nous créerons ainsi un effet d’entraînement qui bénéficiera à l’ensemble du monde universitaire ». Concrètement, il s’agit de pousser à des regroupements ou à des fusions d’universités afin de constituer de grands pôles visibles sur la scène internationale, et dotés d’une puissante recherche qui leur fera gagner des points dans le fameux classement de Shanghai (un des classements mondiaux les plus connus). Des appels à projets ont alors été lancés et pendant des semaines, universitaires et chercheurs ont planché sur des projets, essentiellement dans la recherche et l’innovation, afin de décrocher des Idex - ou à défaut de plus modestes Labex (laboratoires d’excellence) ou Equipex (équipements d’excellence). Les fonds promis font rêver, alors que les crédits de fonctionnement des universités ont tendance à baisser.

Mastodontes. Après la sélection en juillet 2011 de trois lauréats, le Premier ministre, François Fillon, a annoncé le 3 février les cinq autres pôles retenus, portant à 8 ces campus du futur (lire ci -contre). Deux recalés de peu - le pôle Lyon-Saint Etienne et « Hesam » (avec Paris-I, l’Ecole des hautes études en sciences sociales, le Cnam, etc.) - devraient aussi « avoir un soutien particulier ». Tous regroupent des universités, des écoles et des centres de recherche. Mais certains sont des mastodontes, rassemblant plusieurs grosses universités et frisant les 100 000 étudiants. D’autres, réunissant le gratin des écoles, ont peu d’étudiants mais beaucoup de chercheurs. Chacun mise sur ses domaines phare : Strasbourg sur la chimie et les sciences de la vie, Toulouse sur l’aéronautique…

Mais loin de clore le débat, la désignation des Idex en ouvre un autre. Que va-t-il advenir des territoires sans Idex ? Quid des petites universités ? Ne vaut-il pas mieux un paysage plus égalitaire et moins concurrentiel quitte à ne pas briller avec ces grands pôles ? Les candidats à la présidentielle, dont certains semblent encore hésiter, vont devoir se décider pour une vision ou une autre.