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Débat autour du statut des enseignants - revue de presse

vendredi 2 septembre 2011, par Elie, Mariannick

2012 : le statut des enseignants au cœur du débat - Maryline Baumard, Le Monde, 31 août 2011

Pour lire cet article sur le site du Monde.

C’est un dossier explosif. Tellement explosif que depuis soixante ans, les gouvernements successifs se sont bien gardés d’y toucher : le statut des enseignants du public, en particulier leurs obligations horaires. Depuis 1950, un décret de quelques lignes précise que la mission du professeur est d’assurer 15 heures de cours hebdomadaires s’il est agrégé et 18 heures s’il ne l’est pas. Les enseignants d’aujourd’hui ont construit leur identité professionnelle sur cette définition, même s’ils font bien autre chose que donner des cours.

Pour faire bouger l’école, il n’y a plus vraiment d’autres leviers qu’une redéfinition de ces décrets. La droite le dit désormais ouvertement. Nicolas Sarkozy veut en faire un débat central de la présidentielle 2012. A ses proches, il confie que les enseignants ont une double mission : l’animation collective et le suivi individuel. Ils doivent renforcer leur présence dans l’école. Et en contrepartie obtenir une réévaluation.

La gauche, elle, tourne autour du pot. Le positionnement de Martine Aubry est symptomatique. La maire de Lille explique qu’il faut redéfinir les missions des enseignants mais n’affirme pas clairement qu’on doit en finir avec les décrets de 1950. Son entourage l’y pousse. Mais elle ne veut pas brusquer la profession ni les syndicats avec qui elle entend définir le nouveau pacte éducatif.

François Hollande se montre lui aussi prudent : "C’est une profession qui a été beaucoup déstabilisée. Ségolène Royal s’était risquée sur le sujet en 2007. Moi je ne m’y risquerais pas", déclarait-il mardi 30 août.

En avance sur le sujet, Ségolène Royal avait préconisé au cours d’une table ronde organisée lors de la dernière campagne présidentielle que les enseignants restent 35 heures sur leur lieu de travail. "J’ai été mal comprise à l’époque. Je proposais cette approche pour qu’on améliore leurs conditions de travail. Je vais d’ailleurs demander aux départements et aux régions de leur offrir les moyens de travailler sur place", rappelle-t-elle aujourd’hui.

"REPENSER LE MÉTIER"

Deux autres candidats à la primaire socialiste, Manuel Valls et Arnaud Montebourg, se montrent un peu plus explicites. Le maire d’Evry propose un "nouveau contrat avec les enseignants". "Etre de gauche, explique-t-il, c’est lutter en permanence contre la reproduction des inégalités. Pour y parvenir aujourd’hui, il faut changer le métier de professeur. Il ne faut pas leur raconter d’histoires. Il faudra repenser leur métier. Il faudra qu’ils passent plus de temps dans l’établissement, certes. Mais il faudra aussi les revaloriser et reconnaître qu’ils ne font pas le même métier à Neuilly et à Evry. Pour arrêter d’envoyer à Evry des jeunes qui n’y sont pas préparés."

Dans sa brochure intitulée Mon projet pour l’école, accessible sur son site à compter du 1er septembre, d’Arnaud Montebourg propose aussi de "réaménager le service des professeurs pour intégrer de nouvelles tâches". En une phrase, le président du conseil général de Saône-et-Loire éclaire toute la gêne de la gauche à toucher à ce sujet. "Qu’on ne s’y trompe pas. On est dans une approche bienveillante du métier. Aujourd’hui, les enseignants assurent beaucoup de tâches qu’on ne rémunère pas. Ils sont nombreux à vouloir qu’on reconnaisse toutes ces facettes du métier." Les esprits ont beau avoir évolué, le terrain reste ultrasensible.

A peine élu, en 2007, Nicolas Sarkozy avait tenté de s’attaquer au sujet, sans y parvenir. Dans la lettre de mission de Xavier Darcos, son ministre de l’éducation entre 2007 et 2009, il avait écrit : "Nous souhaitons que le mérite soit reconnu, tant au niveau individuel que collectif. C’est possible tout en étant objectif. Il nous semble naturel que chaque enseignant puisse maîtriser, par son travail, l’évolution de sa carrière et de ses revenus en s’investissant comme il le souhaite dans son métier principal et dans des activités complémentaires. Les obligations de service des enseignants devront tenir compte de cette nouvelle liberté qui leur est offerte."

Dans la foulée, en septembre 2007, Nicolas Sarkozy avait nommé une commission sur l’évolution du métier d’enseignant, présidée par le conseiller d’Etat Marcel Pochard. Ce dernier avait remis au ministre de l’éducation en février 2008 son livre vert appelant à repenser le métier. Face aux premières protestations, l’affaire avait été enterrée.

ECHEC DU SYSTÈME ÉDUCATIF

Aujourd’hui, Luc Chatel pousse de nouveau le dossier pour l’après-2012. "Ce n’est plus un sujet tabou mais il reste sensible, comme les retraites", déclare-t-il dans un entretien au Parisien mercredi 31 août. Pour ne pas fâcher la profession, le ministre de l’éducation nationale propose de laisser le choix aux enseignants. "Dans le cadre du débat présidentiel de 2012", écrit-il dans son livre d’entretien avec Jean-Pierre Chevènement, qui sort le 1er septembre.

Il imagine "une réflexion sur un nouveau statut, sur la base du volontariat, qui engloberait une nouvelle mission, un nouveau temps de présence et la perspective d’une meilleure rémunération. Bien sûr, il faut voir où on met le curseur pour que ce statut soit à la fois incitatif et ne coûte pas non plus aux finances publiques de manière excessive", précise-t-il. En déplacement le 18 août en Finlande, le ministre de l’éducation avait pris pour modèle ce pays où les enseignants assurent toute une série de missions de soutien, de tutorat, et ont dans leur contrat un temps de concertation obligatoire avec leurs collègues.

Marcel Pochard estime aujourd’hui que le dossier n’a rien perdu de son urgence. Il compte lui aussi sur l’échéance 2012 pour en reparler. "Le pays entier a conscience de l’échec de notre système éducatif. On n’ose plus dire qu’on a le meilleur système du monde ! Et c’est un signe. Il faut une nouvelle définition du métier d’enseignant. C’est le seul moyen d’éviter que la réforme de la formation des enseignants ne produise que des effets néfastes sur le terrain."

L’appréciation de Marcel Pochard est la même aujourd’hui qu’en 2008. "Tant qu’on ne sortira pas d’une gestion de la carrière des enseignants soumise à un barème national, tant qu’on ne gérera pas les enseignants de manière plus individuelle, on n’avancera pas. Certains de leurs représentants pensent les protéger en se battant pour le maintien de ces barèmes nationaux. En fait, ils les défavorisent. Les enseignants sont nombreux à très bien faire leur travail et à avoir l’impression de se dévouer pour une machine, sans qu’il y ait reconnaissance des multiples taches qu’ils assurent. Passons un contrat avec eux. Et en échange, traitons les mieux. Je suis frappé d’observer que la rémunération accessoire dans la fonction publique est de l’ordre de 26 % du traitement indiciaire, alors que chez les enseignants on est à moins de 10 %", ajoute celui qui connaît le statut enseignant sur le bout des doigts.
Les syndicats enseignants eux-mêmes ont évolué. Ils ne sont pas hostiles au changement. A condition d’obtenir des garanties.

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Repenser le statut des profs sans les déstabiliser, un défi - Maryline Baumard, Le Monde, 31 août 2011

Pour lire cet article paru quelques heures plus tard sur le site du Monde->http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/08/31/repenser-le-statut-des-profs-sans-les-destabiliser-un-defi_1565706_3224.html] », en campagne pour la réforme du statut des enseignants.

C’est la clé de voûte du système. Ils sont 800 000 et portent sur leurs épaules une école qui flanche faute d’avoir changé à temps. Une école qui ne sait plus comment transmettre à force d’hésiter entre s’adapter ou résister. Une école qui ne va plus très bien, alors qu’on a longtemps cru que notre système était un modèle.

Les enseignants sont au cœur de la machine. Et ils n’ont d’autre choix que de redoubler d’efforts. Les gamins changent, ils s’adaptent. Les collègues partis à la retraite ne sont pas remplacés, ils prennent des heures supplémentaires, pour combler les trous.

Pourtant, on ne les félicite jamais. La France se traîne à l’international, 120 000 jeunes sortent du système scolaire sans maîtriser les connaissances de base. Les enseignants dépriment.

REDÉFINITION DU MÉTIER

La gauche, qui a longtemps eu un rapport privilégié avec eux, ne sait plus comment faire. La période Allègre reste comme un gros passif. La petite phrase du ministre de l’éducation nationale du gouvernement Jospin, insinuant qu’ils faisaient des stages de macramé en guise de formation continue, avait jeté un froid.

L’idée de "dégraisser le mammouth", prélude à la politique de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux menée par la droite, avait blessé. Cet épisode a durablement glacé les relations. A la présidentielle de 2007, les enseignants ont décalé leur vote vers le centre, et plébiscité François Bayrou, un ancien ministre de l’éducation nationale.

Aujourd’hui, la prudence de Martine Aubry, qui n’ose pas dire clairement qu’il faudra repenser le statut de 1950, est symptomatique de cette angoisse de la gauche de ne pas fâcher son vieil électorat traditionnel, tout en faisant avancer le pays.

La droite, elle, alterne le chaud et le froid. Xavier Darcos a un peu joué les Claude Allègre de droite, rappelant qu’un enseignant n’a pas besoin d’être à bac + 5 pour changer les couches-culottes en maternelle. Puis est arrivé Luc Chatel.

Autre temps, autre style. Le nouveau ministre a installé une directrice des ressources humaines, Rue de Grenelle. Une première dans l’histoire de ce ministère, même si cela ne change guère le quotidien des classes. Entre les enseignants et la droite, la méfiance reste de mise : le gouvernement est accusé d’avoir cassé la formation, taillé dans les effectifs. Cela n’empêche pas l’UMP de poursuivre l’offensive en direction de l’autonomie des établissements et de la redéfinition du métier.

UN CHANTIER URGENT

L’apathie apparente des enseignants l’y pousse. Pour la mesurer, il suffit de comptabiliser le nombre de rendez-vous syndicaux qu’ils ont manqués. Même les manifestations du dimanche sont boudées. Ce silence est le signe que les enseignants n’ont plus envie de se battre. Il est inquiétant.

S’ils ne combattent pas dehors, continuent-ils à se battre dans la classe ? L’enjeu de la réforme du statut est là. On ne reconstruit pas une école sans les enseignants. On ne construit pas de société sans eux. Surtout dans un monde où la connaissance est une richesse. Et c’est pour cela que la droite comme la gauche estiment urgent d’ouvrir le chantier du métier.

Parce qu’il faut redonner envie et espoir à ceux qui détiennent les clés de l’amélioration de l’école. Repenser leur statut est déstabilisant, mais est-ce qu’ils n’ont pas tout à y gagner, eux aussi ? Les convaincre n’est pas simple, alors que leur métier est devenu de plus en plus dur.

La mauvaise méthode pour aborder le sujet, c’est de donner l’impression de déstabiliser un peu plus ce monde en souffrance. C’est de faire croire qu’il faut faire travailler plus des enseignants qui déjà font plus de 40 heures hebdomadaires.

La bonne méthode, c’est de faire comprendre que tout le monde gagnera à cette redéfinition. L’enfant, car inventer une école "sur mesure", c’est s’attaquer à l’échec scolaire. Le professeur, qui saura mieux ce qu’on attend de lui. Le pays entier, dont la compétitivité passe aussi par l’école.

La difficulté, c’est que l’argent public manque et qu’il en faudra bien un peu pour rémunérer ces nouvelles missions. Mais en matière scolaire, il ne faut pas confondre dépense et investissement.

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Les agrégés critiquent le débat sur le statut des enseignants - Le Monde.fr, 1er septembre 2011

Pour lire cet article sur le site du Monde.

Le temps de travail des enseignants "n’est pas un sujet tabou", a déclaré jeudi le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, lors de la conférence de presse de rentrée.

Pourtant, les "missions des enseignants" du secondaire, c’est-à-dire leurs obligations horaires, font bien polémique en cette veille de rentrée scolaire.

Depuis soixante ans, les gouvernements successifs se sont gardés de toucher à un dossier jugé explosif. Mais la présidentielle approche et les candidats relancent le débat.

Définie par un décret de 1950, la mission du professeur des collèges et lycées est d’assurer 15 heures de cours hebdomadaires s’il est agrégé, 18 s’il ne l’est pas. Pour les enseignants du primaire, en revanche, elle est fixée par le Code de l’éducation. Leur statut en tant que tel ne se résume cependant pas aux missions. Il dépend aussi du recrutement national par concours (professeur de écoles, Capes, agrégation...) qui fait des enseignants des fonctionnaires.

LE DÉCRET DE 1950 À L’ÉTUDE

Concernant les missions proprement dites, Nicolas Sarkozy ne cache pas qu’il souhaiterait que le décret de 1950 soit réformé pour inclure, par exemple, outre les heures de cours proprement dites, une présence dans les établissements, du soutien ou de la concertation pédagogique.

En déplacement jeudi à Amiens (Somme) dans une école, Martine Aubry a déclaré que, si elle gagnait la primaire socialiste, elle ne comptait pas modifier le décret sans en avoir discuté avec les représentants des enseignants et des parents d’élèves. "Je souhaite avec eux que l’on prenne en compte les heures qu’ils doivent passer à l’école pour le travail collectif, pour accompagner les enfants qui ont des difficultés, pour recevoir les parents", a-t-elle détaillé.

UN DÉBAT "INQUIÉTANT ET INSULTANT"

Le débat sur le "statut" des enseignants déplaît à la Société des agrégés. Cette dernière a jugé jeudi son contenu "inquiétant et insultant", notamment parce que les professeurs ne travaillent pas uniquement durant leurs heures de cours devant les élèves.

Elle estime que la discussion devrait se concentrer sur les difficultés liées aux suppressions de postes : "la réforme du statut des enseignants fait diversion [...] elle est une fausse réponse aux réels échecs de notre éducation nationale".

La Société des agrégés "déplore que les professeurs, qui ne comptent pas leurs heures et qui, selon les chiffres publiés par le ministère lui-même, effectuent bien plus de 35 heures par semaine, puissent être ainsi montrés du doigt". "Croire que le travail des professeurs s’arrête aux 15 ou 18 heures définies par les textes est aussi naïf que de penser qu’un acteur ne travaille que pendant les deux heures de représentation qu’il donne chaque soir ou qu’un sprinter ne fournit d’effort que pendant les 100 mètres de sa course en public", a déclaré Jean-Michel Léost, son président.

Ces propositions font craindre aux enseignants une dévalorisation de leur travail. La Société des agrégés les juge "de toute façon matériellement improbables : quel budget pour la construction de salles en nombre et volume suffisants pour permettre à tous les professeurs de l’établissement d’être présents simultanément ? Quel budget pour l’équipement matériel nécessaire ?"

Après la remise, début juillet, d’un rapport sur les rythmes scolaires, Luc Chatel avait par ailleurs annoncé son intention d’ouvrir des "concertations" avec les syndicats pour annoncer, "à l’automne" prochain, la décision de réduire les congés estivaux de huit à six semaines à partir de l’été 2014. La Société des agrégés a annoncé jeudi que tout raccourcissement des congés d’été "sans aucune compensation financière" serait "une attaque" contre les professeurs.