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"Universités et recherche : manifestation de grande ampleur à Paris", par Sylvestre Huet, Libéblog, Sciences 2 (10 février 2009)

mardi 10 février 2009, par Elie

Pour lire cet article sur le blog de Sylvestre Huet.

Je reviens de la manifestation parisienne que j’ai quitté devant la gare Montparnasse après avoir vu passer le cortège durant une heure et dix minutes. Le flot des manifestants était trop important, à Paris comme en province, pour que Valérie Pécresse puisse se sortir de cette crise sans opérer une révision de sa politique.

Le chiffre policier pour Paris, 17 000, ne tient pas devant le décompte que j’ai effectué durant plus d’une heure, l’annonce syndicale - 50 000 personnes - est plus proche de la vérité.

La tête de la manifestation annonçait la couleur : « Non à l’Université bling bling », « Non aux suppressions d’emplois, défendons l’Université », proclamaient les deux banderoles de tête. Placées derrière le groupe des syndicats et associations ayant organisé cette manifestation (FSU, Snesup, CFDT recherche, UNEF, SNTRS CGT, SLU, SLR...) elles laissent penser que même un retrait du décret sur le statut des universitaires ne suffira pas à résoudre la crise.

Déterminé à pousser l’avantage acquis sur le terrain, Jean Fabbri (Snesup) martèle aux micros des radios : « la seule solution, c’est que la ministre ouvre de véritables négociations sur la base des revendications portées par cette mobilisation exceptionnelle : le retrait du décret sur le statut des universitaires, la suspension durant un an de la réforme des concours (CAPES, Professeurs des écoles) afin de revoir complètement le contenu des masters et l’articulation entre masters et concours, l’abandon des suppressions d’emplois du budget 2009 (un millier), la création de 2000 emplois pour la recherche et l’université, l’arret du démantèlement des organismes de recherche. »

Dans une ambiance froide et très ventée, le déroulement du cortège permet de vérifier que la mobilisation touche l’ensemble des universités, de nombreux laboratoires de recherche, les IUFM (Instituts de formation des maîtres. Jeunes très déterminés, sifflets des étudiants en Staps, blouses blanches des doctorants et chercheurs en biologie, tenues très comme il faut d’universitaires entre deux âges, cortèges serrés des IUFM de la région parisienne, de Jussieu, d’Orsay...

La manifestation était une bonne illustration du rassemblement qui s’est opérée dans la recherche et l’enseignement supérieur. Un rassemblement qui permet à chacune de ses composantes d’espérer que la puissance globale de la mobilisation appuiera chacune des revendications. C’est d’ailleurs la principale difficulté politique pour la ministre... outre les peaux de bananes que ses propres amis politiques commencent à lui glisser sous les pieds. Et avec la décsions de plusieurs présidents d’Université d’appeler à un retrait des «  projets de réformes controversés  » comme le demande l’Appel de la Sorbonne.

L’un des organisateurs n’était pourtant pas présent... puisqu’il s’agit de Nicolas Sarkzoy, lui même. Explication par Frédéric, doctorant au LESIA (un laboratoire d’astrophysique à l’Observatoire de Paris-Meudon. Les scientifiques défilent en arborant une longue, très longue - 140 mètres ! - liste de titres des publications du laboratoire. Une idée qui leur est venue en regardant le discours du Président de la République du 22 janvier dernier. « C’est simple, à chaque fois que je montrais ce discours à un chercheur, je recrutais un volontaire pour la manifestation », rigole t-il. De nombreuses banderoles de laboratoires (Institut Cochin, génétique moléculaire de Gif sur Yvette, physiciens et chimistes d’Orsay, l’Institut de Physique du Globe de Paris...) montraient que les chercheurs sont mobilisés pour défendre leur honneur attaqué par Nicolas Sarkozy, mais aussi leurs organismes de recherche. Une pancarte résumait bien leur sentiment : « le gouvernement a pris la route à contre-sciences ».

Présents en grand nombre, les étudiants ont ajouté une forte dose de peps à la manifestation. En particulier les groupes de la FAGE (fédération des associations générales d’étudiants) qui ont donné un air de monome à la manif. Mais aussi chargé la barque de la ministre qui se retrouve avec la nécessité de gérer simultanément un ensemble de revendications qui sont unies par le mouvement de contestation. Dans le groupe de tête, Jean-Baptiste Prévot (UNEF) insiste sur les demande de son organisation à Valérie Pécresse : « revoir la réforme du financement des universités, prendre des dispositions pour aider les étudiants face à la crise, retirer le décret sur les enseignants-chercheurs, améliorer l’encadrement des étudiants ce qui suppose des créations de postes d’universitaires. Nous organisons une journée nationale d’action le 12 février. »

Derrière le groupe de tête, arrivaient des délégations parfois imposantes d’Orléans, Tours, Rennes, Lannion, Reims, Avignon, Nancy, Quimper, Rouen, Caen, Lille, Angers. Puis, après les chercheurs, la presque totalité des Universités de la Region parisienne étaient là, en nombre. Avec des slogans inspirés de la météo : « la tempête, c’est sur l’Université. » Quelques « Pécresse démission », de l’ironie « il y a quelques mouvements sporadiques, déclare Valérie Pécresse le 2 février. Question : quelle sens du mot sporadique ? ».