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Ils refusent la prime parce qu’ils le valent bien - Ixchel Delaporte, L’Humanité, 16 février 2010

mercredi 17 février 2010

La prime d’excellence scientifique est attribuée à certains chercheurs. De plus en plus d’entre eux la refusent pour protester contre une logique individualiste et compétitive.

En octobre dernier, Didier Chatenay, physicien et directeur de recherche au CNRS, était le premier à dire non. Non à la prime d’excellence scientifique (PES). Cette prime, allant de 3 500 euros à 25 000 euros par an, est versée aux enseignants-chercheurs « dont l’activité scientifique est jugée d’un niveau élevé », dixit le ministère de l’Enseignement supérieur, soit 20 % de chercheurs. En décembre dernier, un deuxième chercheur, François Bonhomme, médaillé d’argent en 1996, reçoit une lettre l’informant qu’il fait partie des bénéficiaires de la prime de 15 000 euros par an, étalée sur quatre ans. Bien que flatté par une telle gratification, François Bonhomme refuse et demande qu’elle soit versée à la Fondation de France qui poursuit, selon lui, des objectifs plus acceptables que ceux qui sous-tendent les actuelles réformes du système français de la recherche.

« Je ne suis pas du tout partisan de la politique de différenciation salariale qui est en train de se mettre en place dans la recherche publique française », explique-t-il dans une lettre au directeur général du CNRS. Il refuse, en somme, le principe d’une prime individuelle au mérite, qui induit « une mise systématique en concurrence soutenue des individus pour l’accès aux ressources […], porteuse d’abus, de déconvenues et d’effets pervers ».

Valérie Pécresse aimerait pourtant bien imposer des mesures de management aux universités. Persuadée que la mise en concurrence rend plus performant. Mais si les chercheurs sont à l’université, c’est précisément parce qu’elle n’est pas une entreprise. Depuis l’automne dernier, des motions sont votées et une pétition intersyndicale circule contre la PES. Perçue avant tout comme « un nouvel élément qui fragilise les statuts », la prime ne prend pas en compte le fait que « la recherche est un travail d’équipe. Cette démarche risque surtout de casser le dynamisme et la solidarité des collectifs de travail ».

Par ailleurs, les jeunes chercheurs, plus souvent contractuels que titulaires, auraient davantage besoin d’un soutien financier. Ce que souligne François Bonhomme, lorsqu’il suggère d’utiliser de telles sommes « à améliorer les promotions et les recrutements ».

D’autres chercheurs emboîtent le pas à leurs collègues. Ainsi, Laurent Mucchielli, médaille de bronze en sociologie en 2006, Claire Lemercier, médaille de bronze en histoire en 2008, et Karine Costuas, médaille de bronze en chimie en 2009, ont fait la même démarche. Un refus qui pourrait bien faire tache d’huile.

Ixchel Delaporte


Voir en ligne : L’Humanité