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Vincent Geisser, un spécialiste sous haute surveillance - Thierry Leclère, Télérama.fr, 10 juin 2009
mercredi 10 juin 2009
LE FIL IDéES - Un mystérieux "fonctionnaire de défense" qui surveille les déplacements et les fréquentations des chercheurs du CNRS. Un sociologue, spécialiste de l’islam, soupçonné de mauvaises pensées… L’"affaire Vincent Geisser" démontre combien le climat sécuritaire post-11 septembre a contaminé le milieu universitaire. Au point de soulever l’indignation de centaines d’intellectuels, inquiets pour leur liberté de pensée.
Edgar Morin, Etienne Balibar, Patrick Weil, Eric Fassin, Olivier Roy, Tzvetan Todorov, Alain de Libera. Une liste de signataires à faire pâlir d’envie tout éditeur en sciences humaines. Et tout le gratin du milieu universitaire réuni dans un tout nouveau « collectif pour la sauvegarde de la liberté intellectuelle des chercheurs de la fonction publique ». Hier, plus de 1300 signataires ont paraphé la lettre ouverte au ministre de l’enseignement et de la recherche, Valérie Pécresse. Les signataires craignent que l’obligation de réserve des fonctionnaires ne soit opposée aux intellectuels français (eux-mêmes fonctionnaires du public, dans leur grande majorité) pour leur brider la parole. Pourquoi ce remue-ménage et cette mobilisation menée comme une opération commando par l’universitaire Esther Benbassa, spécialiste de l’histoire des juifs ?
C’est l’annonce du passage en commission disciplinaire, lundi 29 juin, du sociologue Vincent Geisser, spécialiste de l’islam en France, qui a provoqué la bronca. A l’origine de cette affaire, un conflit vieux de cinq ans entre ce jeune chercheur et le « fonctionnaire de sécurité de défense du CNRS », Joseph Illand, qui, estime Vincent Geisser, « surveille ses écrits et sa pensée ». Illand, d’après le chercheur, aurait constitué au fil des années « un dossier complet sur (ses) activités publiques et (ses) prises de parole à l’étranger ». Il n’aurait pas cessé de lui mettre des bâtons dans les roues au point de faire même capoter l’une de ses enquêtes sociologiques sur les chercheurs français maghrébins ou d’origine maghrébine (lire le témoignage de Vincent Geisser).
Première surprise : qui est ce « fonctionnaire de défense » qui ressemble furieusement à un personnage de roman d’espionnage à la John le Carré ? Jusqu’à cette affaire, Vincent Geisser et ses collègues de l’Iremam d’Aix en Provence (l’Institut de Recherches et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman, rattaché au CNRS) ne connaissaient pas son existence. D’après une autre chercheuse de l’Iremam Françoise Lorcerie, citée par Libération, ce « FD », fonctionnaire de sécurité de défense, « dont il semble qu’il ait le grade de général » a un droit de regard sur les travaux supposés sensibles des chercheurs : « Quand on part en mission à l’étranger dans des pays sensibles, on est obligés de lui communiquer nos plans de mission : qui on va rencontrer, où on va loger, et on doit avoir son autorisation pour partir ».
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