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« L’université n’est pas une école professionnelle », par Simone Bonnafous, présidente de l’université Paris-XII Val-de-Marne et vice-présidente de la conférence des présidents d’université (CPU). L’Humanité, 25 avril 2009
lundi 27 avril 2009
La CPU s’est prononcée pour une réforme de la formation des enseignants. Quels sont, d’après elle, les défauts de celle qui existe ?
Des reproches étaient formulés, à tort ou à raison et y compris par les étudiants eux-mêmes, sur l’inadaptation de la formation. Mais son principal défaut est qu’elle n’était pas validée par un master. Or, aujourd’hui, on ne voit pas pourquoi les futurs enseignants qui faisaient déjà au moins cinq ans d’études seraient les seuls à se retrouver sans master. Et puis, on avait le problème des étudiants qui échouaient aux concours du second degré, parfois plus difficiles que des masters, et qui n’avaient pas de diplôme de ce niveau pour se reconvertir. En intégrant les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) dans l’université, la question de la mastérisation devait donc se poser. Pour les présidents d’université que nous sommes, cette réforme sdans un mouvement plus général : celui de l’entrée de l’ensemble des formations dans le système licence master doctorat (LMD). On retrouve les mêmes évolutions pour les études culturelles ou paramédicales.
Quels sont, selon vous, les avantages de la nouvelle formation ?
Simone Bonnafous. Nous devons faire correspondre la formation des maîtres aux besoins des classes et des adolescents d’aujourd’hui. C’est un métier très difficile qui demande un haut niveau de connaissance pour pouvoir les transmettre facilement. Et puis la nouvelle formation doit permettre aux maîtres du futur d’exercer leur métier avec plaisir, mais aussi d’en sortir s’ils le souhaitent. La réflexion sur la formation des maîtres se pose de ce point de vue comme pour d’autres débouchés. L’essentiel reste que les étudiants soient bien formés mais pas de manière trop étroite. Ils doivent avoir des possibilités de reconversion, soit dès le début, soit plus tard dans leur vie. De ce point de vue-là, le master est un plus.
Une formation plus large, comme cela est parfois avancé, n’est-ce pas prendre le risque de faire baisser le niveau de compétence des futurs enseignants ?
Simone Bonnafous. L’université n’est pas une école professionnelle et nous devons maintenir un niveau de connaissance et de culture générale assez large. En même temps, il faut sortir de l’idée qu’on a tout appris avant de commencer à travailler. On préfère une formation un peu plus large qui donne des compétences relativement ouvertes et des possibilités de continuer à apprendre que des formations trop pointues qui ne permettent pas de se reconvertir ni de continuer à évoluer. Mais ce n’est pas particulier à la formation des maîtres. La formation des futurs enseignants doit être fondée sur un socle scientifique solide et général (disciplinaire, épistémologique, didactique) et sur une préparation par l’alternance à la pratique professionnelle. Mais il faut sortir de l’idée que tout doit être appris en cinq ans et penser aussi formation continue tout au long de la vie, comme pour d’autres métiers.
N’est-ce pas programmer la disparition des instituts de formation des maîtres ?
Simone Bonnafous. Les IUFM ont été intégrés aux universités depuis un ou deux an et les universités sont les seules à décider, en amont du Conseil supérieur de l’enseignement et de la recherche (CNESER), du sort de leurs composantes internes : cela relève de leur autonomie. Je n’ai entendu aucun président évoquer leur disparition. Pour moi, il y a des compétences spécifiques aux IUFM qui ne doivent pas disparaître, mais aussi des missions qui évolueront forcément.
Entretien réalisé par Ixchel Delaporte
Voir en ligne : L’Humanité