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Universités : violences policières et privatisation de la sécurité - Pascal Maillard et Isabelle Krzywkowski, blog de Pascal Maillard sur Médiapart, 16 mai 2018

mercredi 16 mai 2018

Le gouvernement et de nombreux présidents d’université ont fait en moins de deux semaines le grand ménage de printemps sur les campus mobilisés. A coups de matraque et de « police privée » ! Universitaires et élus s’inquiètent ou s’insurgent. Billet écrit à quatre mains avec Isabelle Krzywkowski et publication de deux lettres ouvertes, de Grenoble et de Strasbourg.

Le 9 mai des personnels de l’Université Grenoble Alpes ont adressé un courrier à leur président pour dénoncer les violences qui se déroulent sur le campus et réaffirmer des principes qu’il est urgent aujourd’hui de rappeler. Le 15 mai des élus de l’Université de Strasbourg déploraient, dans une lettre ouverte au président Deneken, l’absence de tout dialogue, l’envoi de la police et la présence massive de vigiles qui « filtrent les entrées des bâtiments quand ils ne les interdisent pas, parfois à des étudiants convoqués à leurs examens ». Après la débauche historique de violences policières lors de la répression du mouvement de contestation de la Loi travail en 2016 (voir la dizaine de billets de ce blog qui y fut consacrée), le néolibéralisme autoritaire de Macron se singularise par le recours massif à des sociétés de sécurité privées dont l’action est parfaitement coordonnée avec celle des forces de l’ordre.

En effet, non contents de faire appel aux forces de police, des présidents d’université demandent à des vigiles d’accomplir des missions de surveillance, de renseignement et de maintien de l’ordre. C’est alors en toute illégalité qu’ils font un travail d’identification des étudiants mobilisés, procèdent à des contrôles d’identité et interdisent à certains étudiants d’accéder aux lieux d’examens au prétexte qu’ils seraient des agitateurs. Les témoignages abondent, des recours sont déposés et le SNESUP-FSU a dû rappeler dans un communiqué que, selon les termes de l’article L613-2 du code de la sécurité intérieure, il est interdit aux agents des sociétés privées de surveillance et de gardiennage de « s’immiscer, à quelque moment et sous quelque forme que ce soit, dans le déroulement d’un conflit du travail ou d’événements s’y rapportant ». Les franchises universitaires, dont l’existence remonte au Moyen Age, n’ont déjà plus d’existence. En plus des CRS et des membres de la DGSI présents régulièrement sur les campus à des fins de surveillance des étudiants mobilisés, l’université de Macron aura sa police privée. Ce fait doit être compris en le réinscrivant dans l’ensemble des projets de privatisation des services publics ou de soumission de ceux-ci aux intérêts du secteur privé.

Si les universités de Grenoble et de Strasbourg se distinguent par la récurrence du recours aux forces de l’ordre, bien d’autres universités engagées dans la lutte contre la loi ORE ont fait l’objet d’interventions policières particulièrement violentes. Cette stupéfiante délégation de pouvoir n’est pas (que) démonstration d’incompétence de la part de directions universitaires souvent murées dans le refus du dialogue, voire le déni. D’une part, elle peut s’expliquer par la situation mise en place par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU, 2007) qui transforme les président.e.s en manager, en technocrates éloignés du terrain, dont la légitimité est de plus en plus mise en cause. D’autre part, la répétition de ces attaques sur l’ensemble du territoire montre assez qu’il s’agit d’une stratégie assumée par le gouvernement. Mais cette volonté d’évacuer tous les lieux de résistance où, comme à Notre-Dame-des-Landes, s’inventent aussi d’autres perspectives, s’il est l’un des signes de l’autoritarisme grandissant du pouvoir, montre aussi son inquiétude et constitue de ce fait, pour les étudiants et personnels engagés dans la lutte contre une loi qui entérine le tri social, des raisons supplémentaires de continuer ! Car si le gouvernement craint la « coagulation », on se demande où les étudiants sont le plus dangereux : dans leur fac ou à la rue ?

Isabelle Krzywkowski (Université Grenoble Alpes),

Pascal Maillard (Université de Strasbourg),

Membres du SNESUP-FSU


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