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L’école UMP : le "vous" dès l’âge de 3 ans !, Véronique Soulé, Blog "C’est classe !", Libération, 10 novembre 2011
jeudi 10 novembre 2011
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Vous connaissez Christine Maso ? Non ? Moi non plus, jusqu’à ce que j’assiste mardi à Bobino à la Convention UMP sur l’éducation. Et que Christine Maso, une prof de maternelle assise à la tribune, propose une loi pour interdire le tutoiement des petits, rendant donc obligatoire le vouvoiement, histoire d’imposer le respect...
Il était autour de 17 heures 30 lorsque la Convention a débuté dans la salle parisienne, soudain plongée dans le noir comme pour un spectacle - ce qui ne facilite pas la prise de notes. Les balcons sont vides mais à l’orchestre, on voit beaucoup de militants UMP aux cheveux blancs et quelques jeunes placés bien devant.
Après un début classique - un discours bilan-perspectives du ministre Luc Chatel - , Christine Maso fut l’une des toute premières sollicitées par l’animateur du raout, Nicolas Rossignol, un homme plutôt joyeux. La raison : prof, elle est au coeur du sujet.
L’enseignante de moyenne et grande section de maternelle évoque alors ces élèves de maternelle qui tutoient leurs profs et qui sont "de plus en plus arrogants". "Autorité, respect, seraient-ils devenus des gros mots ?", lance-t-elle devant une salle conquise, hostile par nature à "la chienlit". Mais elle réserve son annonce-surprise à plus tard, lorsqu’elle est interrogée une seconde fois : "et pourquoi pas une loi pour interdire le tutoiement ?".
En son temps, Xavier Darcos, le prédécesseur de Luc Chatel, était aussi un adepte du "vous". Mais ayant déjà pas mal de sujets de frictions, il n’avait pas insisté.
Christine Maso ne s’arrête pas là. Elle est ensuite carrément applaudie lorsqu’elle déplore le mauvais niveau des élèves en français : "c’était quand même mieux avant lorsqu’on enseignait sujet, verbe, complément, au lieu de groupe nominal...".
La Convention de l’UMP - deux panels d’une petite dizaine d’intervenants chacun, l’un sur l’éducation, l’autre sur le supérieur - a ainsi oscillé entre la nostalgie d’une époque où les élèves ne pipaient pas mot en classe, et le rêve d’une école libérale où les directeurs recruteraient eux-mêmes les profs et où ces derniers travailleraient plus sans gagner plus.
Le rêve libéral, c’est Luc Chatel qui l’a développé. "Il faut que vous soyez fiers du bilan, mes chers amis", a-t-il commencé. Puis il a prôné "la troisième révolution, celle de la personnalisation" de l’enseignement, après la démocratisatoin (la première révolution) et la massification (la deuxième) - son leitmotiv ces derniers temps.
Plus sérieusement, reprenant une partie des 30 propositions de la Convention, il a évoqué une série de réformes à faire, dont voici les principales :
un changement de statut des profs afin qu’ils soient davantage présents dans les établissements et qu’au delà des cours, ils assurent aussi du tutorat, de l’orientation, etc (proposition 15 de la Convention). "Le métier d’enseignant a changé, a-t-il expliqué, avant, face à des classes homogènes, il pouvait se contenter de transmettre le savoir. Mais aujourd’hui, peut-on continuer avec un statut fait en 1950 ?" (selon lequel un prof certifié assure 18 heures de cours par semaine, un agrégé 15, auxquelles il faut ajouter les préparations, les corrections, les rendez-vous avec les parents, etc, ndlr).
le recrutement des profs par les chefs d’établissement (proposition 10). "Je suis fier que 300 lycées et collèges expérimentent une autonomie du recrutement, c’est révolutionnaire, s’est félicité le ministre, il faudra aller plus loin". Il faisait ici allusion aux établissements du dispositif Eclair.
un changement des rythmes scolaires, avec un allongement de deux semaines de l’année en raccourcissant les vacances d’été (proposition 3). "Les élèves français ont 1 000 heures de cours par an, un record parmi les pays développés, en plus concentré sur un petit nombre de jours", a souligné le ministre.
une mise en concurrence des écoles, avec publication des résultats des évaluations nationales des CE1 et CM2 et ceux de celle introduite cette année en 5è (proposition 4). Sur la scène de Bobino, Luc Chatel n’a pas été aussi précis, mais il a vanté "l’autonomie des établissements" et la possibilité pour les parents de "mesurer les performances" des écoles de leurs enfants.
Jean-François Copé, le patron de l’UMP, est ensuite revenu sur ses dadas. Il a défendu l’idée de collèges par niveau - certains regroupant les 6è et 5è, les autres les 4è et 3è (proposition 6). Selon lui, cela doit permettre d’avoir davantage de mixité sociale et d’éviter les "ghettos scolaires".
Il voulait un examen à l’entrée en 6è fleurant bon le certif. Mais pour surmonter "sa petite divergence avec Luc" (Chatel), il fait un petit effort et est maintenant d’accord pour une évaluation en début de CM2 (proposition 5).
Les ministres présents - également Laurent Wauquiez pour l’Enseignement supérieur, Nadine Morano pour l’Apprentissage et la secrétaire d’Etat à la Jeunesse Jeannette Bougrab,- se sont succédés à la tribune pour s’autoféliciter du chemin déjà parcouru - "la réussite exceptionnelle" de la LRU (la loi d’autonomie des universités), "les grandes avancées" dans l’éducation, etc.
Les chiffres ont déferlé pour illustrer le succès des réformes - 240 000 élèves de primaire ont fait un stage de pré-rentrée cette année par exemple - et la hausse continue du nombre d’enseignants alors que celui des élèves baisse. Mais il n’y pas eu un mot sur les suppressions de postes - 66 000 depuis l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007.
Quelques mots enfin sur le panel Enseignement supérieur. Il a consisté essentiellement en une célébration de la LRU. Après l’"égalitarisme" post-soixante huitard et "la poussière" accumulée par "les corporatismes", la droite a fait ce que la gauche rêvait de faire en donnant l’autonomie aux universités, a dit en substance Laurent Wauquiez.
Il a aussi célébré le rapprochement des universités avec les entreprises et leur plus grand souci de l’insertion professsionnelle de leurs diplômés. "Ah ! le lien avec les entreprises, c’était une horreur, une abomination il y a dix ans", a-t-il lancé pour le plus grand plaisir des militants.
Les invités ont eu 3-4 minutes pour parler, ce qui leur a laissé peu de temps pour dire des choses intéressantes. Et comme il fallait libérer la salle pour le spectacle à 20 heures tapantes, il n’y a pratiquement pas eu de questions de l’assistance.
Tout cela est censé préfigurer ce que sera le programme du candidat UMP à la présidence, candidat non déclaré mais connu, en campagne sans vouloir le dire. Suivez mon regard...