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"La Maison de l’histoire de France n’est pas mon sujet" - Entretien avec Agnès Magnien, directrice des Archives nationales - Le Monde, 12 avril 2011

mercredi 13 avril 2011

Agnès Magnien, 44 ans, a été nommée, le 23 février, directrice des Archives nationales. Elle s’exprime pour la première fois sur les conditions controversées de sa nomination, ainsi que sur ses projets à la tête d’une institution dont les personnels sont mobilisés contre l’installation de la Maison de l’histoire de France.

Vous succédez à Isabelle Neusch-wander. Après son éviction par le ministère de la culture, dénoncée comme brutale et illégitime, avez-vous hésité à accepter ce poste ?

Depuis 2008, je travaillais avec Isabelle en confiance et en amitié. Humainement, c’est compliqué de succéder à une personne qu’on estime et qui a mis sur pied des projets faramineux. Mais j’étais en recherche de responsabilités. Quand on vous fait une proposition de cette nature, il est un peu difficile de la refuser. C’est une très belle opportunité.

Avez-vous posé des conditions à votre nomination ?

Je n’ai pas posé de conditions. Si Philippe Bélaval (directeur général des patrimoines) et Hervé Lemoine (directeur des Archives de France) ont fait appel à moi, cela signifie que, au ministère, on souhaite faire grandir les Archives nationales et sortir des conflits par le haut. J’ai un passé. Je n’ai jamais oeuvré contre les salariés.

Etes-vous toujours membre de la CGT ?

De la CGT-Culture, oui.

Comprenez-vous la colère des personnels ?

Pendant longtemps, les Archives ont été "lâchées" par le ministère. En rencontrant les agents, j’ai ressenti très fort chez eux le fait que l’intrusion d’une autre institution (la Maison de l’histoire de France) sur le quadrilatère parisien des Archives était mal perçue.


Et vous, qu’en pensez-vous ?

La Maison de l’histoire de France n’est pas mon sujet. Aujourd’hui, c’est le directeur général des patrimoines qui pilote le projet. Mon rôle est de défendre les Archives et d’en assurer toutes les missions.


Mais, depuis votre nomination, les personnels réoccupent l’hôtel de Soubise. Ils craignent que la place prise par cette Maison de l’histoire remette en cause des engagements du ministère de la culture pour les Archives...

Il n’y a aucun retour en arrière du ministère. Les engagements sont très précis. De ces engagements, l’intersyndicale a conclu qu’il n’y avait pas de place pour la Maison de l’histoire de France aux Archives. Avec l’ouverture du site de Pierrefitte (Seine-Saint-Denis) en 2013, l’espace libéré à Paris - 30 km linéaires - va servir au redéploiement d’archives stockées dans de mauvaises conditions. A nous de définir les lieux propices à leur conservation.


Quelles sont vos priorités ?

Je me suis attelée à retravailler et à repréciser les missions des Archives, notamment notre projet scientifique, culturel et éducatif. Je pense que l’on doit être plus offensif dans les collectes, pour ne pas être seulement en réception de ce que l’on veut bien nous donner. Il faut mettre la barre plus haut, en faisant des offres de services en lien avec les problèmes de société. Il nous faut aussi mieux répondre aux attentes, être un moteur pour faire vivre le réseau des archives, organiser des rencontres avec les chercheurs, ouvrir le débat. Nos actions de valorisation sont trop limitées. Il faut faciliter l’accès aux fonds, mieux informer les lecteurs sur nos ressources.


Qu’en est-il des projets de numérisation ?

Je propose que l’on réfléchisse à un plan de numérisation, afin que certaines séries de documents très demandées, comme les dossiers de naturalisation, soient plus accessibles. Nous mettons aussi en place un système d’information archivistique novateur permettant au lecteur, de chez lui, d’avoir accès à une salle des inventaires virtuels (75 % sont numérisés).

Je réfléchis enfin à l’idée de faire du site de Fontainebleau un lieu de pointe pour la conservation des archives électroniques - messageries, clés USB, CD - des ministères. Bâtir un projet scientifique ambitieux est le meilleur des garde-fous.


Propos recueillis par Florence Evin et Thomas Wieder

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