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Je suis prof... j’improvise ! par Sylvain Grandserre, maître d’école

samedi 7 novembre 2009, par Mathieu

Ce texte a été mis en ligne dans le forum du site de Philippe Meirieu

Commençons par un petit rappel : sous l’impulsion du président de la république
(02/06/08), le ministère recrutera les futurs professeurs après un Master 2 (bac +5, en
économie par exemple) puis les enverra directement sur le terrain sans vraiment les
préparer. Nous avions déjà une formation professionnelle (le savoir-faire pratique) parmi
les plus faibles d’Europe (13 % du temps contre 50 % en Finlande). Nous voici
désormais avec les enseignants les plus diplômés de notre histoire, mais également les
moins formés !

L’obsession (idéologique et économique) de fermer les IUFM pousse ce
gouvernement à faire disparaître la formation qui allait avec. Mais devant certains détails
de la procédure de mise à mort, les bras nous en tombent. Il n’y avait de toute façon pas
de quoi applaudir...

En effet, dans le cadre des mesures transitoires entre l’ancienne formation et la
nouvelle (façon de parler puisqu’il s’agit de la supprimer), il vient d’être décidé (circulaire
du 20/08/09) de parachuter en classe des étudiants (PE1) sans aucune formation pour
des stages en responsabilité totale (2 fois 2 semaines). Ils remplaceront ainsi des
enseignants partis en stage, parfois même contre leur gré. Il n’ est même pas prévu de
réelle transition avec le titulaire de la classe, en dehors d’une vague journée
d’observation.

Notre administration, d’habitude si soucieuse de sécurité (sorties, taux
d’encadrement, plan de mise en sureté, alerte incendie, agréments, surveillance de
récréation, circulation d’élèves), semble n’avoir rien à redire au fait qu’on confie la
totalité d’une classe d’une trentaine d’enfants en cours double à un étudiant
inexpérimenté n’ayant pas (encore) réussi le concours.

Les étudiants accepteront certainement ce dispositif bien rémunéré basé sur le
volontariat (3.000 € les 4 semaines, salaire totalement inconnu chez les professeurs des
écoles), d’autant plus que l’éventuelle réussite au recrutement de juin entraînera
automatiquement la prise en charge d’une classe dès septembre... 2010 !

Bref, être professeur ne s’apprend plus mais s’improvise, aussi bien en stage que
sur le terrain. Disparaissent des années de savoir-faire professionnels et de
connaissances théoriques déjà insuffisamment transmis pour faire face aux nouveaux
défis scolaires (élévation générale du niveau, prolongation des études, prise en compte
de l’hétérogénéité, accueil d’élèves handicapés, lutte contre l’échec scolaire,
informatique, langues vivantes). Voilà donc comment on passe de l’amphithéâtre au
théâtre... d’improvisation en classe. Si c’est de l’art, c’est dramatique.