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Les finances plombées, la fac d’Orléans est aux abois - Mourad Guichard, Libération, 30 décembre 2016
lundi 2 janvier 2017, par
La gestion hasardeuse de l’ancien président de l’université aurait créé un important déficit. Une dérive favorisée par la loi LRU sur l’autonomie des établissements, selon ses détracteurs.
Financements détournés, fortes dépenses en locations de salles, notes de frais injustifiées, entretien de bâtiments superflus, gouvernance autocratique, voire népotique… Au fil de dérapages successifs, la modeste université d’Orléans accuse un déficit cumulé de 12 à 15 millions d’euros, soit près de 10% de son budget annuel. En cause : la gestion de la précédente équipe de direction.
Dès 2011, pourtant, dans la foulée de l’instauration de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), la sonnette d’alarme avait été tirée par plusieurs membres du conseil d’administration. Et un peu plus mollement par le rectorat. « Nous savions tous qu’il y avait une défaillance importante, ne serait-ce qu’en raison du train de vie de la présidence, qui avait nommé pas moins de 14 vice-présidents. Mais nous ne la pensions pas à ce niveau », rapporte Gabriel Bergounioux, ancien élu SNESUP.
Lui, comme d’autres, dénonce « l’hyper-présidentialisation » et le clientélisme « gagnant-gagnant » instaurés par Youssoufi Touré, l’ancien président nommé précipitamment recteur de l’académie de Guyane en mars 2016. « Durant le précédent mandat, de nombreux élus ont bénéficié de primes, d’avantages divers et de promotions. Cela aide à fermer les yeux sur une gestion chaotique », confie l’un des administrateurs. « Face à la dérive budgétaire, Touré tenait un discours rassurant, notamment à l’adresse des personnalités extérieures qui n’avaient pas de raison de mettre sa parole en doute », explique Ary Bruand, l’actuel président et ancien vice-président démissionnaire.
« On a vécu sous le régime du fait du prince »
Dès son élection en juin dernier, c’est lui qui a diligenté l’audit mettant au jour la situation de l’établissement. « Si la situation de notre université est réellement catastrophique et qu’à ce titre je ne m’interdis pas de porter l’affaire devant les tribunaux, je ne pense pas qu’il y ait eu d’enrichissement personnel », précise encore le président, qui attend le rapport définitif des inspecteurs généraux de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, mandatés par le ministère.
Il n’en demeure pas moins que des fonds alloués à la recherche et au développement ont été détournés aux seules fins d’assurer les frais courants de fonctionnement. « Mon prédécesseur avait placé les entités qui percevaient les fonds de la Région, de l’État et de l’Europe, sous son contrôle exclusif, sans même que le directeur général des services ne puisse avoir un droit de regard », rapporte Ary Bruand. L’une de ces structures, la Cellule investissement d’avenir (CIA), étant dirigée par sa compagne. Elle-même, selon plusieurs sources, aurait bénéficié d’un salaire confortable doublé de remboursements de frais exorbitants. « On a vécu sous le régime du fait du prince », explique une militante locale du collectif Sauvons l’université (SLU). « Youssoufi Touré avait des projets de grande envergure pour son université, notamment au travers d’un rapprochement avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) d’Orléans, au détriment des Lettres, confie une enseignante. Pour arriver à ses fins, il devait jouer les bons soldats face à Pécresse et Fioraso, ses deux ministres de tutelle successives. » Cette allégeance, couronnée par une légion d’honneur décrochée en 2013, pourrait expliquer le silence des autorités tutélaires. « Si le rectorat a effectivement envoyé une dizaine de courriers d’avertissement, pourquoi ne s’est-il pas inquiété de n’avoir aucun retour », interroge-t-elle.
Pour tenter de redresser la barre, les administrateurs se sont réunis le 16 décembre pour voter un projet de budget de crise pour 2017. Il prévoit le gel d’un poste vacant sur deux après mutation ou retraite, soit 15 postes de personnels administratifs et techniques (Biatoss), 16 d’enseignants-chercheurs et 15 d’enseignants. Le syndicat FSU indique que ces suppressions de postes s’accompagneront de baisses importantes de « dépenses de fonctionnement et d’investissements ». « En maintenant une telle politique, il est impossible de remonter la pente », estime l’ex-élu SNESUP Gabriel Bergounioux.
En creux, de nombreux acteurs locaux pointent aussi la responsabilité de la « permissive » loi LRU. « Au travers d’une marchandisation croissante des fonctions présidentielles, la LRU va à l’encontre d’une bonne gouvernance basée, notamment, sur la collégialité. On ne gère pas une université comme on gère une entreprise », pense ainsi Corinne Leveleux-Teixeira, ancienne administratrice de cette université qui compte environ 16 000 étudiants. « Cette loi, dès son instauration, a creusé les déficits structurels du fait des augmentations de traitements générés mécaniquement par le vieillissement des personnels », explique Alexis Boche, élu FSU au conseil d’administration. « Je ne serais pas surpris qu’en février prochain, d’autres universités soient confrontées aux mêmes difficultés », renchérit le nouveau président Ary Bruand.
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