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Compte-rendu de la convocation de Sabine Luciani au ministère (19 février 2010) et motion du CA de l’université Stendhal-Grenoble 3 à ce sujet (26 février 2010)
mardi 2 mars 2010, par
Trois documents :
le CR de cette convocation par Sabine Luciani
le CR par le SNES-UP
la motion de soutien votée par le CA de Grenoble 3
Convocation au Ministère de l’Éducation Nationale
CR de la réunion du 19 février 2010
J’ai d’abord reçu un appel téléphonique du secrétariat de Mme Théophile (DGRH) en vue d’une convocation au Ministère de l’Éducation Nationale, en tant que vice-présidente du jury du Capes externe de Lettres Classiques. Le motif de cette convocation n’a pas été précisé, mais j’ai demandé, comme il se doit, une convocation officielle et un ordre de mission.
Sur les conseils de Mme Lise Dumasy, Présidente de l’Université Stendhal-Grenoble3, j’ai pris contact avec des représentants syndicaux, qui ont proposé de m’accompagner à ce rendez-vous. Le secrétariat de la DGRH a été prévenu que je serais accompagnée de M. Bernard (Secrétaire national du SNESup) et de M. Gay (Secrétaire national d’Autonome sup).
La convocation, que j’ai reçue 5 jours avant le date fixée par téléphone, émanait de M. Santana, sous-directeur du recrutement de la DGRH. Le motif indiqué était le suivant : « convocation à une réunion ayant pour objet le concours externe du Capes de Lettres Classiques ».
Je me suis rendue à cette convocation en compagnie de MM. Bernard et Gay. Mais ils n’ont tout d’abord pas été autorisés à entrer dans le bureau de M. Santana, qui a tenu à me recevoir seule pour me transmettre, de la part du cabinet ministériel, le message suivant :
En tant que vice-présidente du jury du Capes, nommée par le ministère, je n’ai pas à exprimer mon opinion sur les modalités du concours et encore moins à les contester. Toute expression publique et/ou collective du type motion ou pétition est incompatible avec la fonction que j’occupe au sein du jury. Après ce rappel à l’ordre, j’ai été fermement avertie que le renouvellement d’une telle initiative serait considéré comme une invitation à me relever de mes fonctions. Il m’a été en outre précisé que dans la mesure où je désapprouvais la réforme du Capes de Lettres Classiques, il m’était tout à fait loisible de démissionner.
Suite à cette mise en garde, j’ai été invitée à m’expliquer rapidement sur les motifs de notre action. J’ai tout d’abord souligné que le Capes de Lettres Classiques était particulièrement touché, pour ne pas dire dénaturé, par la réforme des concours. J’ai en outre fait valoir que la motion incriminée ne provenait pas d’une initiative isolée, mais d’un mouvement collectif porté par l’ensemble du jury et qu’elle était soutenue par la 8ème section du CNU et par toutes les associations de promotion des langues anciennes telles l’APLAES et la CNARELA. Je me suis ensuite étonnée d’avoir été convoquée seule quand M. Mazouer, président du jury, et M. Foulon, vice-président, s’étaient dès l’origine associés à la rédaction de la motion. Mon interlocuteur a alors argué d’une déclaration critique à l’égard de la réforme, que j’aurais personnellement rédigée et dont je serais seule signataire. Malheureusement ce document n’a pu m’être présenté de sorte que j’ignore encore le texte qui m’est reproché. J’ai fermement contesté ce point précis, ne revendiquant rien d’autre que notre motion collective.
S’est ensuivi un échange d’arguments sur le devenir du Capes de Lettres Classiques, unique objet de préoccupations - il est important de le rappeler - des signataires de la motion. Mon interlocuteur a insisté sur le fait que le recrutement des professeurs était l’affaire du ministre et que les universitaires, pour compétents qu’ils soient dans leur discipline, n’avaient pas à se préoccuper des modalités du concours. Il a tenu à rappeler que la présence des universitaires dans les jurys de concours n’était nullement obligatoire et qu’il était aisé de remplacer ceux qui démissionnaient. De mon côté, j’ai tenté de revenir au fond du problème en faisant valoir qu’il ne s’agissait pas ici d’une contestation gratuite, mais d’une déclaration motivée par notre souci concernant la qualité du concours et l’amélioration de la formation de nos futurs collègues : ce texte visait à attirer l’attention des autorités et de l’opinion sur les problèmes posés par la réforme de notre concours, qui, dans sa nouvelle version, ne permettrait plus d’évaluer précisément et équitablement les compétences des candidats. Comment en effet évaluer les aptitudes des futurs enseignants de latin et de grec au moyen d’une seule et unique épreuve écrite, qui vient se substituer aux deux versions de latin et de grec et à l’explication de texte orale ?
Il n’est pas utile de rapporter ici le détail d’une discussion, au cours de laquelle M. Santana a corrélé baisse d’effectifs en langues anciennes et méthodes d’enseignement utilisées dans le secondaire. L’ensemble de la discussion a duré une quarantaine de minutes.
Après une interruption de quelques minutes, la seconde partie de l’entretien, qui a duré environ quinze minutes, s’est déroulée en présence de MM. Bernard et Gay sur un mode plus détendu. Suite à la réitération du message initial, ils ont tous deux fait remarquer que « la participation à un jury de concours et notamment en qualité de vice-présidente ne consistait pas à un rôle d’exécutant du ministère mais de collègue naturellement soucieux de la qualité de la formation et du recrutement des enseignants ». Ils ont également fait part de leur « inquiétude face à une dérive portant atteinte aux libertés fondamentales d’opinion et d’expression ».
Sabine Luciani,
Professeur de Langue et Littérature Latines,
Université Stendhal-Grenoble3
Compte-rendu de la convocation
Sabine Luciani, Vice-présidente du jury du CAPES de Lettres classiques, était convoquée par Philippe Santana, directeur adjoint de la DGRH responsable des recrutements, à la suite de la publication d’une motion votée à une très forte majorité par les membres du jury.
Elle s’est présentée accompagnée de membres des directions du SNESUP et de l’Autonome-Sup.
Monsieur Santana a transmis à Madame Luciani un message du ministère lui reprochant sa prise de position considérée par le ministère comme incompatible avec ses fonction de membre d’un jury nommée par la ministre. Il lui a déclaré qu’une nouvelle déclaration semblable de sa part serait considérée comme une demande d’être relevée de ses fonctions.
Nous nous sommes vivement élevés contre cette intimidation, soulignant que la participation à un jury de concours et notamment en qualité de vice-présidente ne consistait pas à un rôle d’exécutant du ministère mais de collègue naturellement soucieux de la qualité de la formation et du recrutement des enseignants. C’est dans cet esprit qu’il était naturel pour Sabine Luciani d’exprimer un avis argumenté sur l’organisation de ce concours, avis que nous partagions et reflétant le rejet de cette réforme par la majeure partie de la profession.
Devant la tentative de réduire au silence une vice-présidente de jury de concours, intervenant après d’autres menaces semblables en direction notamment de directeurs d’établissements, nous avons fait part de notre inquiétude face à une dérive portant atteinte aux libertés fondamentales d’opinion et d’expression.
Noël Bernard
Membre du Secrétariat National du SNESUP
Motion du CA de l’université Stendhal-Grenoble 3
Le Conseil d’administration de l’université Stendhal-Grenoble 3, réuni le 26 février 2010, s’étonne de la convocation à la DGRH du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de Sabine Luciani, Vice-présidente du jury du CAPES de Lettres Classiques, suite à la motion votée par ce jury attirant l’attention du ministère sur les dangers actuels de la réforme de la formation des enseignants.
Il semble en effet relever de la pleine responsabilité du jury du CAPES que d’exprimer son avis sur cette question. Au demeurant, cette motion, approuvée par l’ensemble des membres du jury sauf 7 personnes n’ayant pas pris part au vote, ne fait que rejoindre les innombrables motions votées dans les CA d’établissement, les conseils d’UFR, les associations de doyens, les sociétés savantes, la CPU, la CDIUFM, les sections du CNU. Elle reflète donc l’avis très massif de la communauté universitaire.
La convocation de Sabine Luciani (et d’elle seule) à la DGRH du MESR peut donc passer pour une tentative d’intimidation sur une collègue isolée qui, n’étant pas présidente du jury de Lettres Classiques, ne peut d’ailleurs le représenter.
Le CA de l’université Stendhal condamne fermement cette démarche.
Approuvée à l’unanimité.