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Université : "Sans procès en contrefaçon, le plagiaire ne risque pas grand-chose" - tchat avec Jean-Noël Darde, maître de conférences en sciences de l’information à Paris-VIII, Le Monde.fr, 10 novembre 2010

mercredi 10 novembre 2010

Jop : Est-ce qu’il y a vraiment des plagiats de thèse à l’université ?

Jean-Noël Darde :

Oui, il existe des plagiats de thèse à l’université. Ils ne sont pas fréquents, mais ne sont pas exceptionnels. L’important, c’est ce que devient une thèse-plagiat une fois qu’elle est découverte en tant que telle.

Je n’ai aucune idée d’une proportion globale. Je ne cherche pas à trouver toutes les thèses-plagiats qui ont été soutenues en France, mais il se fait qu’en travaillant en partant d’un petit corpus, et de plagiat en plagiat, je suis arrivé jusqu’à des thèses-plagiats à Rouen, à Nancy et bien sûr, à Paris-VIII, puisque c’était de là que je partais.

Je précise que le nombre de thèses-plagiats que j’ai trouvées dans mon corpus de départ, Paris-VIII, n’est en rien significatif en termes de comparaison avec d’autres universités.

Tuv : Est-ce qu’il y a des disciplines plus touchées que d’autres ?

Je n’en sais rien. A priori, j’aurais tendance à dire non. Etant maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, j’en ai donc notamment trouvé dans cette spécialité.

Mais des lecteurs de mon blog m’ont fait part, sur des cas précis, de plagiats dans des thèses en mathématiques, en grammaire latine, en littérature. Un des cas les plus ahurissants sur lesquels je travaille actuellement concerne deux thèses : en droit et en faculté de médecine.

J’ai aussi trouvé des thèses-plagiats en informatique et en architecture.

Ben :Quand vous parlez de plagiats de thèse, vous parlez d’une thèse entière ou juste d’un paragraphe ?

Vous pensez bien que pour l’absence de guillemets pour un seul paragraphe il serait grotesque de se scandaliser. Les cas dont je parle et que je présente dans mon blog sont pour l’instant des thèses qui sont entre 75 et 99 % plagiées.

J’ai trouvé un cas où même les remerciements, très originaux, sont plagiés. Seul le nom des personnes remerciées a été changé.

Anne : Votre combat contre le plagiat à l’université est courageux. Ne vous suscite-t-il cependant pas trop d’inimitiés parmi les collègues ?

Je ne revendique pas des termes comme combat ou lutte contre le plagiat. C’est un travail sur le plagiat. C’est vrai que j’ai été confronté au plagiat dans le cadre de mon enseignement, et j’ai donc décidé de l’affronter, de travailler dessus et sur mon blog, de faire une espèce de typologie des plagiats.

On devine que je mets aussi en cause des collègues extrêmement proches. Cela a des conséquences.

Ma situation est un peu particulière : je ne postule à aucun poste et en plus, je suis à un âge raisonnable où pour moi l’université va durer encore deux ou trois ans.

En revanche, pour de jeunes enseignants, encore loin de la retraite, cela pose souvent des problèmes quand ils veulent faire état de cas de plagiat.

Doudou : Comment une université peut-elle vérifier qu’une thèse n’est pas un plagiat ? Beaucoup de thèses n’étant pas numérisées, la lutte contre le plagiat est-elle crédible ?

Dans votre question, je crois comprendre que vous croyez que grâce aux logiciels anti-plagiats, une thèse numérisée peut être découverte en tant que plagiat si c’est le cas. C’est une illusion. Pour le moment, ces logiciels sont encore assez peu connus, l’effet de surprise joue, et ces logiciels repèrent certains plagiats.

Mais une fois que ces logiciels seront systématiquement utilisés, tout le monde aura appris comment les contourner. J’en donne un exemple dans un article que j’ai écrit sur mon blog qui s’appelle "La lutte contre le plagiat à l’université est mal partie".

Il semble bien que l’utilisation du logiciel anti-plagiat est le seul moyen qu’aient imaginé aussi bien la ministre de l’enseignement supérieur que la majorité des universités pour lutter contre le plagiat. C’est une illusion, et cela déresponsabilise totalement les universitaires.

La plupart des plagiats dont je parle sur mon blog ont été repérés sans logiciel anti-plagiat.

Pour lire la suite :


Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/societe/artic...