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"Nous formons les forces spéciales de la mondialisation" - Jacques Biot, président de l’Ecole Polytechnique,

jeudi 2 octobre 2014

Un rapport parlementaire pointe l’affaiblissement de Polytechnique - Sylvain Henry , Acteurs publics, 1 octobre 2014

L’École polytechnique peine à se réformer et souffre d’absence de “vision stratégique de l’État”, pointe un rapport du député UMP François Cornut-Gentille. “Le bateau est gouverné”, répond le président de l’école, Jacques Biot.

Voilà un rapport, “Polytechnique : l’X dans l’inconnu”, qui provoque quelques remous dans les sphères dirigeantes de la fonction publique. Et des tensions feutrées entre son auteur, le député UMP François Cornut-Gentille, et l’École polytechnique. Après des mois d’enquête, le parlementaire conclut à l’absence de “vision stratégique” de l’État pour cet établissement, qui peine à se réformer et souffre “d’affaiblissement”.

Je n’ai pas voulu « taper » sur Polytechnique, s’est presque défendu François Cornut-Gentille en présentant son rapport à la presse, mercredi 1er octobre, dans un salon de l’Assemblée nationale. L’école s’est réformée ces dernières années, mais par à-coups, sans vision globale et dans un entre-soi.”

Le député cite un épisode “emblématique des difficultés et défis” de Polytechnique : la crise de la pantoufle. Les élèves français servent sous statut militaire – l’X est sous la tutelle principale du ministère de la Défense – et perçoivent comme officiers une solde mensuelle de 473 euros et une indemnité représentative de frais de 411 euros à partir du neuvième mois, en contrepartie de laquelle ils s’engagent à travailler pendant dix ans dans un corps de l’État. À défaut, ils doivent rembourser une partie de cette solde : la “pantoufle”.

L’État bâtisseur devenu gestionnaire

À la suite de réformes successives, le remboursement est désormais exigible des seuls élèves admis dans un grand corps de l’État. Le parlementaire de constater : “Un Polytechnicien menant carrière dans des institutions bancaires américaines est exonéré de remboursement à la différence d’un ingénieur des Ponts travaillant dans une direction régionale de l’État.” Un faux problème, répond en substance le président de Polytechnique, Jacques Biot, puisque la réforme de la “pantoufle” doit être officialisée par décret dans les prochaines semaines. “Tout cela est derrière nous”, dit-il.

Plus généralement, François Cornut-Gentille associe ses observations sur Polytechnique au recul de l’État dans la sphère scientifique et technique. “L’État n’est plus un acteur opérationnel du développement économique et social”, peut-on lire dans son rapport. “De bâtisseur il est devenu gestionnaire sans pour autant acquérir la qualité de stratège. Aux ingénieurs de l’État, il est aujourd’hui demandé non d’apporter une analyse technique et scientifique sur un enjeu social mais de gérer des appels d’offres pour mettre en œuvre des programmes.

Conséquence : la formation polytechnicienne demeure certes exigeante et de très grande qualité, mais se trouve “dévalorisée”. De fait, les corps d’ingénieurs de l’État perdent de leur influence dans la haute fonction publique. “Ils sont moins nombreux dans les cabinets ministériels et sur les postes de directeurs d’administration”, affirme François Cornut-Gentille.

Moins influents que les énarques

Son rapport est très sévère : “Aucune réflexion globale de l’État sur le rôle de l’École n’a été menée depuis quarante ans” ; voilà “un curieux modèle d’autogestion à la française” ; l’avenir de l’école “n’est pas durablement assuré” ; “la gestion budgétaire, financière et comptable” de l’école doit “être remise à niveau”.

Une école autogérée ? “Tous les ministères exerçant une tutelle – la Défense bien sûr, mais aussi l’Enseignement supérieur et la Recherche ou l’Économie – sont représentés au sein de notre conseil d’administration et pèsent sur notre stratégie”, balaye le président de l’école, Jacques Biot. Et d’insister : “Le bateau est gouverné !” Sur la place des X dans la haute fonction publique : “Nous ne sommes pas maîtres du recrutement à l’État. Les recrutements ont en effet baissés, mais l’État n’a pas abandonné ses pouvoirs de régulation technique et scientifique.” Des compétences qui restent indispensables au plus haut niveau de l’État, même si l’influence des énarques a pris le pas depuis vingt ans sur celle des X.

Plus généralement, Jacques Biot défend les réformes récentes d’une école à l’écoute des besoins de la société, qui forme tout à la fois des entrepreneurs, des chercheurs et des hauts fonctionnaires. “Nous formons les forces spéciales de la mondialisation”, martèle-t-il.