Accueil > Revue de presse > "C’est à la PJJ que j’ai attrapé le virus de l’éducation" - Entretien avec (...)

"C’est à la PJJ que j’ai attrapé le virus de l’éducation" - Entretien avec Philippe-Pierre Cabourdin, nouveau recteur de l’académie de Reims, Le Monde, 13 avril 2011

jeudi 14 avril 2011

A ce jour, tout recteur était docteur. C’est fini. La nomination de Philippe-Pierre Cabourdin en conseil des ministres, mercredi 13 avril, change la donne et fait figure de révolution. Dans un entretien au Monde, M. Cabourdin explique qu’il a travaillé avec Pascal Clément à la justice et beaucoup fréquenté l’éducation nationale de par ses fonctions au sein de la Prévention judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Vous travailliez au ministère de la justice, comment êtes-vous arrivé à l’éducation nationale ?

Philippe-Pierre Cabourdin : Un jour, on m’a demandé si j’avais lu le décret du 30 juillet 2010. Comme je ne l’avais pas fait, je me suis renseigné et ai constaté que j’étais éligible à la fonction. Dans ma fonction précédente de directeur de la PJJ, j’ai beaucoup travaillé avec les responsables de l’éducation. Notamment sur la mise en place des dispositifs relais, pour les collégiens en difficulté ou des établissements de réinsertion scolaire (ERS) qui accueillent des collégiens perturbateurs dont le comportement nuit au bon fonctionnement des classes. D’ailleurs, c’est à la PJJ que j’ai attrapé le virus de l’éducation.

Quelle vision avez-vous de l’école, vous qui travailliez auprès de jeunes en difficulté ?

Je pense réellement que l’école est le socle de la République. C’est là, le creuset de la nation. Dans un monde concurrentiel, le principal atout de la France est son capital humain. Et la meilleure manière de le faire fructifier reste bien sûr l’école.

Comment voyez-vous l’éducation nationale ?

C’est une grande institution, heureusement complexe, capable aujourd’hui d’amener 65 % d’une classe d’âge au baccalauréat et à laquelle on demande d’être à la fois pour tous et pour chacun. C’est ça le défi qui ne peut être relevé que grâce à cette complexité. Comme j’ai conscience de ce système, je compte bien observer et me faire d’abord une idée des caractéristiques de l’académie avant de prendre une quelconque décision. Ecouter, regarder, apprendre puis mettre en œuvre. Je sais faire.

Ca vous impressionne d’être le premier recteur non docteur ?

J’ai été le premier magistrat de la Cour des comptes à aller à la PJJ. Et alors ? Je serais le deuxième, le troisième ou le dixième que j’aborderais ma fonction de la même manière. Pour moi, c’est une fonction nouvelle. Je vais observer comment cela fonctionne. En espérant que ceux qui étaient opposés à ce décret me laissent montrer qui je suis.

Et être nommé dans l’académie où le ministre Luc Chatel a ses attaches, cela vous inspire quoi ?

Le fait que le ministre ait proposé ma nomination dans une académie où il a ses racines est à mes yeux une grande marque de confiance. Luc Chatel sera le cinquième ministre que je sers.

Quelle a été votre préparation ?

J’ai bien évidemment pris des contacts dans plusieurs académies pour comprendre la mission des recteurs. Quant à mon académie de rattachement [Reims], je vais la découvrir bientôt sur place. En attendant, j’ai beaucoup lu et étudié ce qui s’y fait.

Propos recueillis par Maryline Baumard

- Tous les recteurs docteurs depuis Napoléon Ier

Depuis Napoléon 1er et pendant deux siècles, les recteurs ont tous été titulaires d’un doctorat d’université. Une brèche a été ouverte le 30 juillet 2010. Un décret et un arrêté autorise à déroger à cette règle dans la limite de 20 % des effectifs. Cette révolution restait théorique jusqu’au mouvement de recteur de ce mercredi 13 avril.

Le mouvement, entériné par Nicolas Sarkozy, comportait un changement d’affectation, le passage d’Alexandre Steyer de Reims à Rennes ; un retour, celui de Marie Reynier qui redevient rectrice à Orléans-Tours ; et deux nouvelles nominations. Celle d’un juriste de Lyon-III, Cyril Nourissat qui arrive à Dijon et celle de celui de Philippe-Pierre Cabourdin, nommé à Reims, dans l’académie du ministre, Luc Chatel.

Sur le CV de Philippe Pierre Cabourdin, pas de doctorat. La ligne manquante peut sembler dérisoire puisque les titres et les services ne font pas vraiment défaut à ce magistrat de la Cour des comptes, ex-directeur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), mais elle va faire couler beaucoup d’encre et autant de salive. Puisque M. Cabourdin est le premier à traduire dans les faits les dispositions du décret 2010. Ce changement n’est pas anodin à l’heure où l’échelon académique devient de plus en plus central dans la politique éducative.


Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/enseignement-...