Accueil > Revue de presse > Un numerus clausus à la fac ? - Christel Brigaudeau, Le Parisien, 05 février (...)
Un numerus clausus à la fac ? - Christel Brigaudeau, Le Parisien, 05 février 2018
mardi 6 février 2018, par
La loi « orientation et réussite des étudiants » est en cours d’examen au Sénat. Un amendement risque de mettre le feu aux poudres.
Lire l’article sur le site du Parisien
Il dit vouloir « ouvrir le débat ». Jacques Grosperrin, sénateur (LR) du Doubs, a fait un peu plus que cela, en déposant sur la table de ses collègues parlementaires l’amendement 37 au projet de loi« Orientation et réussite des étudiants ». Il a jeté le premier pavé, dans le débat engagé au Parlement et dans la rue -une grève est programmée ce mardi- sur la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur.
Le nouveau portail d’inscription post-bac, Parcoursup, instaure selon ses détracteurs une forme de sélection à l’université, les meilleurs élèves étant plus assurés que les autres d’obtenir la place de leur choix dans le supérieur. Dans son amendement, Jacques Grosperrin, également professeur de sciences de l’éducation à l’université de Besançon, enfonce le clou de la sélection. Il propose que les facs puissent réduire leurs capacités d’accueil en fonction des « taux de réussite et d’insertion professionnelle observés pour chacune des formations ».
« C’est l’Etat qui planifierait les carrières des gens ? »
« Ce ne sont pas les vœux des candidats qui doivent guider les choix d’ouvertures de places dans les filières de l’enseignement supérieur mais les débouchés professionnels réels qui s’offrent aux diplômés. » précise le texte d’explication de l’amendement. En clair, comme en médecine où le nombre de places est contingenté par un numerus clausus fixé par l’Etat, on pourrait voir les amphis de licence de psychologie ou de droit rétrécir ou augmenter selon les besoins du pays en psychologues, en juristes, etc.
« C’est l’Etat qui planifierait les carrières des gens ? On se croirait en RDA du temps des soviétiques ! » s’étouffe Hervé Christofol, le secrétaire général du principal syndicat d’enseignants du supérieur, le Snesup. L’intéressé, lui, assume. « Il faut sortir du schéma selon lequel on ouvre des formations simplement parce que des jeunes ont envie de faire des études, plaide le sénateur. Tout le monde ne peut pas faire médecine ou Staps (sport, NDLR), mais il faut adapter les formations pour que chaque jeune puisse suivre une voie qui permet de s’insérer dans le monde du travail », assure Jacques Grosperrin, convaincu que son projet « passera ».
Dans les rangs universitaires, on s’étrangle. « Si Grosperrin voulait rejouer le scénario de la loi Devaquet (qui a mis massivement les étudiants dans la rue en 1986, NDLR), il ne s’y prendrait pas autrement ! s’exclame Franck Loureiro, le secrétaire général du Sgen-CFDT, favorable jusqu’ici à la réforme du gouvernement. Cet amendement transforme complètement la philosophie du texte. S’il passe, nous changerons de position : on s’opposera au projet. » La Fage, la principale fédération étudiante, qui elle-aussi a soutenu la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal, s’apprête aussi à taper du poing sur la table. « Nous ferons tout pour que cette proposition soit pilonnée, » confie son président, Jimmy Losfeld.
Si le vote de la loi était reporté, Parcoursup serait... illégale
Il reste peu de temps : après le vote du Sénat, jeudi, la réforme sera examinée la semaine prochaine par une commission de députés et de sénateurs, chargés de se mettre d’accord sur le texte définitif. Ils seront sous la pression de l’horloge. Si la majorité de sénateurs LR s’arc-boutaient sur leurs amendements, rendant impossible un consensus, le vote de la loi serait reporté de plusieurs semaines...
Et la plateforme Parcoursup, sur laquelle l’administration doit commencer à travailler mi-mars, serait tout simplement inutilisable car illégale. A ce jour, près de 400 000 lycéens de Terminale ont pourtant déjà commencé à l’utiliser pour y inscrire leurs voeux d’études post-bac.