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Le bon grain et l’ivraie - Resserrer les liens entre industrie et recherche technologique - Frederic Gonand, L’Opinion, 10 avril 2015
L’innovation ouverte est un « sport de contact » : contacts entre personnes, relations, rencontres
jeudi 16 avril 2015, par
Les Comues, un bon début, mais elles ne vont pas assez loin....
Il faudrait : encore plus d’industriels dans les CA, des enseignants qui ont travaillé dans l’industrie, des brevets qui profitent directement aux industriels (et non aux universités), et rapprocher sur les mêmes lieux industries et établissement d’enseignement supérieur pour que ces derniers ne forment que des recrues pour les premiers ...
C’est un prof de Dauphine qui nous dit cela ...
Le redressement de la productivité auquel faisait référence la précédente livraison de cette chronique tirerait profit en France d’un resserrement des liens entre les industries et certains établissements d’enseignement supérieur technologique. L’expérience du cluster industriel et académique de Montréal – le troisième au monde dans l’aéronautique après Seattle et Toulouse – est intéressante. Elle associe plusieurs écoles d’ingénieurs, l’Université McGill, un consortium de recherche avec les industriels et une structure faîtière de promotion du cluster. Elle suggère de réfléchir sur quatre pistes de réformes possibles.
Première piste : une présence très significative d’industriels au conseil d’administration des établissements d’enseignement supérieur formant les jeunes recrues du secteur concerné. L’enseignement demeure naturellement le métier des enseignants, mais les grandes orientations des programmes doivent être concertées avec les recruteurs concernés afin de répondre en amont aux besoins du marché. Ainsi, à l’ETS, l’école d’ingénieurs du cluster de Montréal (6 400 étudiants, 330 doctorants, 30 labos de recherche, 1 000 diplômés par an), 50 % du conseil d’administration est composé d’industriels (représentant Pratt & Whitney, Bombardier, Bell, CAE…).
Deuxième piste : favoriser les enseignants du supérieur effectuant des années de travail dans les industries (accès réservé ou prioritaire aux instances de gouvernance académique, promotion à la classe exceptionnelle, primes d’excellence…). A l’ETS, l’accès au grade de professeur est subordonné à une expérience industrielle. De fait, les 46 professeurs totalisent plus de 280 années d’expériences industrielles, soit environ cinq ans en moyenne par professeur.
Troisième piste : poser le principe que la propriété industrielle issue de la recherche de l’enseignement supérieur est la propriété des industries finançant ses programmes de recherche. Concrètement, les industriels financeurs de projets obtiennent une licence mondiale exclusive sans redevance. L’université ne fait pas de développement. Le business model implique que les industries financent le programme de recherche de l’enseignement supérieur sur lequel elles ont leur mot à dire. En échange, l’enseignement supérieur cède à ses industries partenaires les droits d’exploitation de ses produits (logiciels, technologies…) ou prévoit un partage de ressources bénéficiant essentiellement aux industries.
Quatrième piste : créer des « grappes » géographiques, rassemblant sur une seule zone industries et établissements d’enseignement supérieur formant leurs recrues, dans un tissu périurbain proche du centre-ville. C’est la logique des clusters, pour laquelle la France est en retard. Saclay constitue un projet relativement prometteur (quoiqu’excentré). L’innovation ouverte est un « sport de contact » : contacts entre personnes, relations, rencontres… dont les interactions ont été très étudiées par l’économie géographique depuis les années 1990.
Frédéric Gonand est professeur d’économie associé à l’Université Paris-Dauphine.