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Le mystère des « 1000 postes Fioraso » - Sylvestre Huet, Sciences2, Libération, 29 septembre 2014.
mardi 30 septembre 2014, par
Le mystère s’accroît sur les fameux « 1.000 » postes en plus chaque année pour les Universités, dont « la moitié d’enseignants-chercheurs » a de nouveau précisé Geneviève Fioraso devant les journalistes convoqués hier après-midi au ministère. « 1.000 postes » qui découlent des promesses de campagne du Président François Hollande, (avec mes commentaires de l’époque ici).
Quel mystère ? Celui des chiffres « réels d’universitaires à mettre devant des étudiants réels », s’énervait un peu Marc Neveu, co-secrétaire général du Snesup-FSU, lors d’un point de presse jeudi matin.
Le discours de la Secrétaire d’Etat, quelques heures après, se fait flou. Elle annonce aux journalistes « plus 1200 postes équivalents temps plein dans les Universités entre 2009 et 2013 ». Et réaffirme que les 1.000 postes auraient été créés en 2014. Sauf que les chiffres avancés par le Snesup ne confirment pas. Ce syndicat affirme en effet : « Alors qu’en 2011, l’autorisation d’ouverture était de 3.613 postes d’enseignants-chercheurs, celle-ci n’est plus que 2.847 en 2014 (- 21%). De plus, de 2011 à 2013, ce sont 2.080 postes autorisés qui n’ont pas été ouverts au recrutement et pourvus ! ».
Sémantique gouvernementale
On commence à comprendre l’astuce sémantique gouvernementale : parler en « postes autorisés » et non en postes « pourvus » que les Universités peuvent rémunérer puisqu’elles sont désormais en charge des salaires. Le problème, c’est que les postes « autorisés » ne sont que du papier, les personnels qui font vraiment des cours, des examens, organisent l’enseignement et effectuent de la recherche, ou les tâches administratives et d’entretien, ce sont les postes « pourvus et payés ». Or, l’écart grandit entre les deux. Ainsi, en 2013, si 3.067 postes ont été « autorisés », seuls 2.437 ont été « pourvus et financés ». Pourquoi ? Tout simplement parce que l’Etat ne transfère pas aux Universités l’exact équivalent des salaires. Sauf que c’est toujours en moins, jamais en plus. Du coup, pour éviter de se trouver en déficit, les Universités ne recrutent pas tous les postes « autorisés ». Un peu gênée, Geneviève Fioraso en arrive à argumenter en retraite : la situation " aurait été pire" sans ces créations de postes.
Que va-t-il se passer avec les postes 2015 ? Pour le Snesup, après enquête de terrain, les annonces des gels de postes pour 2015 poursuivent la tendance : « 45 à Dijon, 29 à Pau, 50 à Marne-la-Vallée, soit, dans ce dernier cas la totalité des postes vacants, et ce sur recommandation même du ministère », insiste le syndicat. Lors d’un reportage récent à Montpellier, la présidente de l’Université Paul Valéry, Anne Fraïsse, m’avait confirmé cette pratique… au point que, énervée de devoir répondre à un questionnaire du ministère lui demandant à quels emplois avaient été attribués les « postes Fioraso », elle avait répondu que ces emplois « n’existaient pas ». Autrement dit, la diminution du nombre d’Universités en déficit ne provient absolument pas de l’amélioration de leur financement mais de la compression des dépenses et d’abord par le gel de postes et la diminution des heures de cours complémentaires.
Afflux d’étudiants ?
L’ennui, c’est que le nombre d’étudiants, lui, ne diminue pas. La secrétaire d’Etat a annoncé une quasi-stagnation du nombre d’inscrits en première année de licence lors de sa conférence de rentrée universitaire, tenue avec Najat Vallaud-Belkacem. Il y a là aussi un mystère. En effet, d’après de premières données recueillies auprès de 25 Universités, le Snesup annonce des hausses vives dans la plupart d’entre elles, en particulier en sciences et technologies (+ 20 % à Grenoble, + 27 % à Dijon, de + 20 à + 30% à Nantes), et en Sciences Humaines et Sociales (+ 4 % en Droit et Sciences Economiques à Limoges, + 20 % en Economie et + 34 % en AES à Bordeaux).
Une hausse prise d’abord comme une « bonne nouvelle », se réjouit Claudine Kahane, astrophysicienne à Grenoble et co-secrétaire générale du syndicat. Mais qui suppose des moyens d’accueil — enseignants et locaux — qui ne sont pas toujours au rendez-vous. En outre, l’aspiration de postes par les nouvelles structures de gouvernance (les COMUE, les « équipes présidentielles » qui s’étoffent, la gabegie de com’ générée par les appels d’offres IDEX) et par les nouvelles fonctions administratives des Universités, aggrave le déficit de postes en situation d’enseignement réel.