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Valérie Pécresse : “Les budgets de l’université sont coupés depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir” - C. Stromboni, Educpros, janvier 2014

lundi 13 janvier 2014, par Mademoiselle de Scudéry

(note de SLU : à droite sur la photo, ce n’est pas Camille Stromboni)

Universités en crise : Valérie Pécresse défend sa loi sur l’autonomie.

Valérie Pécresse lance officiellement sa fondation contre l’échec scolaire. L’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur, députée UMP des Yvelines, espère récolter des fonds pour soutenir des initiatives innovantes. L’occasion également pour elle de répondre aux attaques contre la loi LRU qu’elle a portée, au moment où l’université est en crise, avec de nombreux établissements en déficit.

Lire le premier volet ici.


Les difficultés budgétaires des universités s’accroissent. 19 établissements devraient être en déficit en 2013, 17 l’étaient l’année précédente… La loi LRU, que vous avez portée, est souvent pointée du doigt parmi les coupables. A-t-on raté le passage à l’autonomie ?

C’est un problème de compétences de gestion. L’autonomie suppose un important savoir-faire, que les universités n’ont pas encore [1]. Certaines n’ont par exemple pas forcément bien planifié les coûts dus au vieillissement de leurs personnels [le GVT, Glissement-vieillesse-technicité].

Je pense aussi à l’université de Versailles-Saint-Quentin qui n’avait pas budgété les frais d’entretien d’un nouveau bâtiment.

Comme tout apprentissage, celui de l’autonomie s’acquiert progressivement. Gérer les marchés publics, la pyramide des âges des salariés, le patrimoine immobilier… ce sont des compétences nouvelles. Il est inévitable de trébucher de temps en temps, mais on se relève. Et c’est comme cela qu’on apprend à marcher. L’État doit être présent pour accompagner les établissements.

Mais cela ne doit absolument pas conduire à jeter le bébé avec l’eau du bain ! L’autonomie est une immense chance pour les universités françaises, et le mouvement pour l’atteindre doit être irréversible. C’est une évidence, et un standard international.

« Nous nous sommes posé la question de savoir si l’autonomie devait être réservée à quelques-unes. J’ai refusé. Nous aurions abouti à une université à deux vitesses. »

Cet accompagnement de l’État a-t-il été insuffisant ? Est-on passé trop vite à l’autonomie, sans attendre que les universités disposent de ces compétences ?

Nous nous sommes posé la question au départ de savoir si l’autonomie devait être réservée à quelques-unes – les universités les plus “prêtes”, c’est-à-dire les mieux dotées. J’ai refusé. Nous aurions abouti inéluctablement à une université à deux vitesses.

Concernant l’accompagnement, je tiens à rappeler que j’avais proposé aux présidents d’université en 2007 l’aide des rectorats pour réaliser leurs budgets. Une délégation de présidents était alors venue au ministère – et même à l’Élysée ! – pour revendiquer l’autonomie totale de gestion des universités. Ils ont ainsi refusé cette phase transitoire d’accompagnement que nous souhaitions leur apporter.

« En annonçant des créations de postes d’enseignants-chercheurs, François Hollande a rendu un mauvais service à l’université qui n’a pas besoin de ce type d’emplois mais de moyens »

N’est-ce pas avant tout une question de moyens financiers ? Les présidents et une grande partie de la communauté dénoncent en effet un transfert de l’autonomie sans les moyens qui vont avec.

Les universités ont bénéficié, en moyenne entre 2007 et 2012, d’une augmentation de leurs budgets de fonctionnement de 25 % ! Concernant par ailleurs le transfert de la masse salariale, l’État a été tout à fait généreux. Dans le cas contraire, les universités auraient refusé !

Alors si la dynamique budgétaire n’est plus là maintenant, cela n’est pas de ma responsabilité. Personne ne le dit mais il faut bien être conscient que les budgets sont coupés depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir. Les universités avaient pris l’habitude d’avoir chaque année des moyens supplémentaires. Ce n’est plus le cas.

D’ailleurs, en annonçant des créations de postes d’enseignants-chercheurs, François Hollande a rendu un mauvais service à l’université qui n’a pas besoin de ce type d’emplois mais de moyens pour remplir ses nouvelles missions.

« Il faut mettre en place à l’université une orientation sélective, sur dossier, tout en développant des filières adaptées aux différents profils accueillis »

Plusieurs présidents d’université et la ministre Geneviève Fioraso relèvent que vous avez encouragé à l’époque les établissements à saturer les plafonds d’emplois ou à établir des politiques de primes avantageuses, pour faciliter le passage à l’autonomie. Ce qui expliquerait également les difficultés actuelles des établissements…

Ils ne peuvent pas dire en même temps que nous n’avons pas assez accompagné les universités et que c’est de notre faute si elles ont pris certaines mauvaises décisions. L’autonomie, c’est la liberté mais aussi la responsabilité.

Ensuite, sur le fond, c’est faux : l’État n’a pas poussé les universités à mettre en place de nombreuses primes ou à saturer les postes, au contraire, c’était clairement une revendication syndicale.

Enfin, concernant l’échec, cette fois-ci étudiant, il a augmenté en licence ces dernières années, malgré votre plan “Réussite en licence” et ses 730 millions d’euros. Comment l’expliquez-vous ?

Si ce plan, qui reposait sur les initiatives des établissements, n’a pas fonctionné partout, c’est peut-être en raison d’un vice initial de fonctionnement : la liberté des bacheliers de s’inscrire dans toutes les filières universitaires.

Il est évident que tous les bacheliers ont leur place à l’université, mais pas dans toutes les filières. J’ai beaucoup évolué sur cette question : nous avons donné sa chance au tutorat, à l’accompagnement renforcé, et aux nombreuses initiatives innovantes des universités. Même si plusieurs projets marchent très bien, cela ne suffit pas.

La solution est ailleurs : il faut mettre en place à l’université une orientation sélective, sur dossier, tout en développant des filières adaptées aux différents profils accueillis. Par exemple, un bachelier fragile aux résultats très faibles devrait être dirigé vers une année de consolidation des acquis et d’enseignements allégés. Pourquoi ne pas envisager une licence en 7 ou 8 semestres ?

Sans cela, nous aboutirons à des filières d’excellence et à des filières d’échec. C’est la tendance qui se dessine déjà avec la multiplication des doubles cursus sélectifs.


[1NB : C’est Camille qui souligne, pas SLU