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Ike Antkare : le chercheur renommé… qui n’existe pas - Elise Pierre, VousNousIls, 24 décembre 2010
lundi 27 décembre 2010, par
Sur la toile, Ike Antkare figure parmi les dix premiers chercheurs en science informatique. Pourtant ce chercheur n’existe pas ! Son créateur, l’enseignant-chercheur Cyril Labbé, démontre ainsi les limites de l’évaluation « quantitative » basée sur la mesure du nombre de citations.
Né cette année, Ike Antkare est déjà l’un des dix premiers chercheurs en science informatique et figure parmi les 100 scientifiques les plus renommés au monde, devant Albert Einstein ! Travaillant à l’International Institute of Technology United Slates of Earth, ce petit génie a publié, selon Google Scholar [1], 102 articles qui ont été repris et cités à maintes reprises sur la toile.
Pourtant, ce chercheur renommé n’existe pas ! Il a été inventé de toutes pièces par Cyril Labbé, afin de démontrer le manque de fiabilité de l’évaluation strictement bibliométrique. Le résultat de la farce [2] est probant : « le « h –index » d’Ike Antkare, qui mesure le nombre de publications et citations est monté jusqu’à 98 ! » précise l’inventeur.
Le vrai-faux chercheur
Âgé de 37 ans, Cyril Labbé est maître de conférence à l’université Joseph Fourier (Grenoble 1) et chercheur en science informatique. « Mes travaux portent sur les bases de données et flux de données », précise-t-il.
Au sein des laboratoires et structures universitaires, le débat sur l’utilisation des outils d’évaluation « quantitative » ne cesse de rebondir et Cyril Labbé est concerné : « lorsque les enseignants chercheurs sont évalués, les commissions se basent sur leurs CV, dossiers et publications. Ils utilisent la bibliométrie pour mesurer le nombre de fois où ils sont cités dans des revues à comité de lecture ou conférences ».
Des outils comme Wok (ISI Web of Knowledge), Scopus, et surtout le logiciel gratuit Google Scholar, sont utilisés. « On obtient alors le « h-index » : un h-index de 10 signifie qu’on a 10 publications au moins citées 10 fois ».
Les dangers de ces évaluations et de l’exigence de rentabilité avaient déjà été dénoncés par Lindsay Waters, responsable des éditions universitaires de Harvard [3] . Car dans les universités américaines, « publier » vise d’abord à décrocher une titularisation. Cyril Labbé souligne à son tour les effets pervers du système : « même si de nombreux indices sont utilisés, on ne sait comment Google Scholar mesure : cela rend les comparaisons dangereuses. Dès lors qu’on utilise des notes, il est difficile d’en faire abstraction ! » Les citations d’Ike Antkare sont sans fondement, alors qu’un h-index de 98 est un excellent score. Or en France également, ces classements servent de plus en plus de référence, notamment en matière de recrutement dans les universités.
Des textes référencés sans queue ni tête
« J’avais constaté que des citations de différents chercheurs apparaissaient comme issues de deux articles différents alors qu’il s’agissait du même. Et certains auteurs étaient étranges... », se remémore Cyril Labbé.
Pour lire la suite
[1] Google Scholar est un moteur de recherche pour revues par les pairs, des thèses, des livres, des résumés, et d’autres publications savantes de tous les grands domaines de recherche. Il calcule le h-index, un indice qui tente de mesurer à la fois la productivité et l’impact d’un chercheur. L’indice est basé sur l’ensemble des articles les plus cités du savant et le nombre de citations qu’ils ont reçu dans les publications d’autres personnes.
[2] Cyril Labbé démontre en 3 chapitres comment devenir un éminent scientifique aux yeux de Google Scholar.
[3] L’Eclipse du savoir, Allia, 2008, de Lindsay Waters.