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Le mouvement actuel en Seine-Saint-Denis vu de mon lycée (en grève) - Sylvain Jean, Blog de Médiapart, 10 février 2010
jeudi 11 février 2010, par
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Le mouvement commencé dans mon lycée du 9-3 lundi a été suspendu ce mercredi mais a été reconduit pour demain jeudi. Lundi, une bonne minorité de collègues était en grève (environ 30%) et hier, alors que les enseignants de la partie Lycée Pro ont rejoint notre mouvement (ce qui est historique), nous étions plus de 60%.
A l’AG, il y avait du monde et nous avons demandé au proviseur de repousser le bac blanc prévu pour la semaine prochaine et de renoncer aux réunions de présentation du projet Chatel/Sarkozy. Pour le bac, il a en gros refusé ; pour les réunions, elles ne sont désormais plus obligatoires. Je signale au passage qu’après la mise en place du projet Chatel, un professeur de lettres pourra enseigner "l’autre dans la littérature : le migrant, l’immigré, l’errant"... Ma foi, ça promet.
Le mouvement en est donc encore à ses balbutiements, il y a eu hier une manifestation à Saint-Denis mais je n’y suis pas allé car je ne vois pas l’intérêt d’aller manifester ailleurs qu’au ministère ou au rectorat. Il paraît toutefois qu’il y avait du monde.
Dans mon lycée, nous tiendrons une AG à 9h00 ; nous préparons des tracts expliquant aux parents ce que sera l’Ecole si Chatel/Sarkozy arrivent à leurs fins. Dans mon lycée, il y aurait par ex. des cours de cosmétique et une formation pour devenir... policier ! Former des flics et des hôtesses, formidable !
A la différence de 2003, je note que les médias ne taisent pas le mouvement. Il y a cependant à redire sur le traitement qu’ils en font. Mais enfin, ils en parlent et ce, à mon avis, parce qu’ils sentent bien qu’associés par le peuple au pouvoir en place, leur intérêt est de cesser de servir la soupe à la Sarkozye. En même temps, le discours sur la violence qui serait à l’origine de la grève est un écran de fumée détestable. Du reste, à propos de cette question de la violence, il faut affirmer haut et fort que celle-ci est principalement du côté de l’Etat. Violence verbale et/ou physique de la police par exemple dans les cités populaires, violence de Hortefeux-Besson-Sarkozy contre une partie de ce pays et violence des lois de l’Etat. C’est en vérité la seule violence contre laquelle nous luttons et ce d’autant plus que, si violences entre élèves il y a, ce n’est que l’effet de la fin du souci du bien commun hérité du combat national du Conseil National de la Résistance qui se souciait, lui, de la paix civile en France. La paix civile, le respect pour celles et ceux qui travaillent dur, ... Toutes ces choses-là sont hélas étrangères à la camarilla sarkozyste qui nous fait douloureusement sentir ce qu’est le pouvoir. Jamais celui-ci, en effet, n’avait été, depuis 1945, aussi oppressant.
Les échos médiatiques de la grève, donc, sur France Inter par ex., s’ils sont en soi bienvenus, sont biaisés. La violence, puisqu’ils en parlent abondamment, ne tombe pas comme la neige. La violence banlieusarde , si elle n’est pas toujours légitime, fait écho à un Etat impitoyable et égoïste, à un Etat de classe .
Pour ce qui est de mon cas personnel, cette anecdote qui illustre à quel point la politique de l’Etat à propos de l’instruction va très exactement dans le sens contraire de ce qu’un souci réel d’une instruction pour tous. J’ai fait cours aujourd’hui mais quelques tires-au-flanc ne sont pas venus et diront "ah, mais on croyait que vous ne faisiez pas cours !". En attendant, j’ai eu de petits effectifs devant moi et j’ai pu avancer et prendre mon temps tout à la fois comme cela ne m’était pas arrivé depuis longtemps. C’était bien. Ce métier est un beau métier.
Je suis en grève contre la violence de l’Etat qui m’empêche de faire mon métier.