Accueil > Revue de presse > Le portage salarial, miroir de la crise de l’emploi des docteurs - David (...)

Le portage salarial, miroir de la crise de l’emploi des docteurs - David Larousserie, Le Monde, 24 juin 2013

jeudi 27 juin 2013

À lire ici dans Le Monde (abonnés)

Les chercheurs savent se montrer débrouillards. Pas seulement pour leurs expériences, mais aussi pour exercer leur métier. Devant la raréfaction des postes permanents dans les organismes et les universités, et devant les difficultés à renouveler les contrats à durée déterminée ("Science & médecine" du 22 mai), certains se tournent vers une solution atypique : le portage salarial.

Cela désigne une relation triangulaire, entre le chercheur, appelé "porté", le laboratoire (qui est le client) et une société de portage. Cette dernière salarie le "porté", paye les cotisations sociales et facture son service au laboratoire. A la différence du conseil ou de l’intérim, le salarié doit lui-même trouver ses missions.

Ni permanent ni contractuel du laboratoire, le chercheur a ainsi la possibilité de travailler. "J’ai enfin un statut !", résume Yann Le Franc, spécialiste en neurosciences et neuro-informatique, l’un des premiers à avoir opté pour cette solution après divers contrats précaires pendant huit ans. "Toutes les semaines, nous rencontrons des personnes dans ce cas. Depuis le début de l’année, la demande explose", témoigne Guillaume Cairou, président de Didaxis, l’une des quelque 80 sociétés de portage que compte la France. Il estime à 150 le nombre de docteurs parmi ses 2 500 salariés baptisés "portés", ou "consultants" ; Yann Le Franc préférant dire "chercheur indépendant".

"UNE FAUSSE SOLUTION"

"L’incertitude juridique créée par la situation des vacataires dans la recherche fait que de plus en plus de personnes viennent nous voir", constate aussi Patrick Lévy-Waitz, qui dirige ITG, le leader français du portage, et qui compte 80 docteurs dans ses rangs. Ces chiffres pourraient croître après la parution au Journal officiel, le 8 juin, d’un arrêté clarifiant la situation du portage. "Auparavant, des sociétés faisaient du portage sans le dire, et d’autres disaient en faire sans que cela en soit", résume Radhia Amirat, vice-présidente de l’Observatoire paritaire du portage salarial. Résultat, le nombre de personnes concernées est mal connu : 40 000 à 50 000 personnes environ.

Quant aux chercheurs, c’est encore plus flou. Pour des raisons de confidentialité, les entreprises ne donnent pas d’exemples concrets. Quelques coups de sonde ont révélé que ces docteurs en science portés font des missions de conseil, de formation...

Cependant Didaxis vient d’être déclaré éligible au crédit impôt recherche, preuve que, au moins pour la recherche privée, la solution est jugée crédible. Est-ce bien légal pour un laboratoire ? A priori oui, même si le service juridique du CNRS explique qu’il pourrait y avoir "détournement de procédure si l’emploi effectué par le porté correspond à un besoin permanent dans un laboratoire".

"C’est une fausse solution à un vrai problème. Nous préférons demander un véritable plan d’intégration des précaires pour les fonctions techniques, administratives... Et arrêter le robinet des CDD en restreignant les financements sur projets et en réaffectant les moyens aux organismes", explique Jean Kister, du syndicat SNTRS-CGT. "C’est une bonne solution en attendant d’avoir peut-être autre chose. Ça me permet de continuer à faire de la recherche", estime Yann Le Franc, pour qui l’entreprise assure aussi des formations et des conseils pour décrocher de nouvelles missions ; une obligation devenue légale depuis l’arrêté de juin. Après les chercheurs précaires, les chercheurs "indépendants" ?