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« Il faut rouvrir les universités, tout de suite et complètement. Les étudiants souffrent avant tout de l’isolement » - Propos recueillis par Léa Iribarnegaray, Le Monde, 16 mars 2021

mardi 16 mars 2021, par Elie

Christophe Tzourio, directeur du centre de santé de l’université de Bordeaux, observe une détresse qui monte chez beaucoup de jeunes.

Christophe Tzourio, professeur d’épidémiologie à l’université de Bordeaux et directeur du centre de santé des étudiants de l’établissement, estime que la crise a révélé les failles d’une prise en charge psychologique de la jeunesse, et a mis au jour le manque de moyens de l’université pour suivre et accompagner les jeunes vers la réussite.

En quoi cette année de crise sanitaire a-t-elle révélé, selon vous, les failles du système de santé universitaire ?

Nous étions déjà dans une situation limite, et l’épidémie nous a fait basculer dans une crise bruyante. Bien sûr, tous les étudiants ne sont pas au fond du trou. Mais la proportion de ceux qui souffrent a augmenté de façon très forte avec la crise. On est maintenant à plus de 30 % d’étudiants présentant des symptômes de dépression : certains décrochent, d’autres auront des blessures psychiques qui vont durer…

Avant le Covid-19, plusieurs études, dont celle que nous avions menée à l’université de Bordeaux, avaient déjà alerté sur la fragilité d’une proportion importante d’étudiants. Les premières années à l’université sont brutales : les plus fragiles se prennent de plein fouet tout à la fois – l’autonomie à marche forcée, la nécessité pour beaucoup de travailler afin de financer leurs études, la compétition et la peur de l’échec, l’inquiétude sur un emploi futur… Ils découvrent un milieu complexe dont ils ne connaissent pas les règles : certains peuvent basculer dans une vraie détresse psychique. Il s’agit le plus souvent des étudiants étrangers, des femmes, de ceux qui ont un faible niveau socio-économique.

Mais ce mal-être est général, il correspond à un trouble de l’adaptation à une société dont ils ont l’impression qu’elle court à sa perte. Les jeunes sont immensément concernés par la question climatique par exemple – tout cela participe à une perte de sens et à du stress. Le système de santé universitaire − pauvrement doté − ne sert au mieux qu’à rafistoler ceux qui sont tombés au front.

La question des moyens dont disposent les universités est-elle le fond du problème, selon vous ?

Oui, le sous-financement des universités en France est dramatique, et la crise actuelle n’a fait que le révéler. Du fait des limitations budgétaires, qui s’aggravent depuis plusieurs décennies, tout le système est sous tension. Pour beaucoup d’étudiants, la fac se transforme peu à peu en un monstre froid de formation de masse qui se soucie peu de l’individu.

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