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Sophie Orange : « Le résultat est là, il y a bien une sélection à l’entrée de l’université » - Mediapart, Faïza Zerouala, 21 décembre 2017

jeudi 21 décembre 2017, par Mariannick

Le projet de loi modifiant l’accès à l’université en premier cycle a été adopté à l’Assemblée nationale le 19 décembre. L’accès à l’université est désormais conditionné à la possession d’un certain nombre de compétences. La sociologue Sophie Orange considère qu’une sélection est ainsi installée et que cela va fragiliser les plus faibles.

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Comme prévu, le projet de loi de modification de l’accès au premier cycle à l’université a été adopté à l’Assemblée nationale, mardi 19 décembre, en scrutin public et en procédure accélérée, avec 361 voix pour, 129 voix contre. La majorité LREM a voté pour, appuyée par certains députés UDI. Les élus de gauche – Nouvelle Gauche, La France insoumise et communistes – et Les Républicains se sont exprimés contre pour des raisons opposées. Les premiers se sont élevés contre l’instauration d’une sélection et les seconds ont jugé que cette réforme n’allait pas assez loin.

Le projet de loi modifie profondément le visage de l’université (lire notre article sur le sujet). Dès 2018, les universités pourront étudier les profils des bacheliers en consultant leur dossier déposé sur la nouvelle plateforme Parcoursup qui succède au décrié APB. Pour établir leur choix, les filières auront une somme d’« attendus » pour chaque licence, c’est-à-dire les compétences requises pour intégrer tel ou tel cursus. Ceux-ci seront nationaux, même si les universités pourront préciser leurs spécificités locales. Le cas échéant, les futurs bacheliers qui n’auraient pas le niveau requis se verront proposer une remise à niveau et ne pourront être refusés que si les capacités d’accueil sont épuisées. Le recteur, dans le cadre d’une commission, devra proposer à toutes et tous une place dans une autre filière.

La réforme de l’accès à l’université a été votée sans encombre par les députés le mardi 19 décembre. Est-ce qu’elle introduit un bouleversement profond de manière générale ?

Sophie Orange : Oui, on peut dire ça comme ça dans le sens où elle introduit sans aucun doute une sélection à l’entrée du premier cycle universitaire. Le gouvernement sait très bien communiquer là-dessus. Ils ont beau euphémiser la réalité avec des termes comme « prérequis » ou « attendus », le résultat est là, il n’existe plus d’accès de droit à l’université. Nous avons affaire à une transformation profonde du système français et, d’une certaine manière, à une remise en cause du service public.

Qui sont les gagnants et les perdants dans ce nouveau système d’orientation ?

Les perdants vont évidemment être les publics les plus fragiles scolairement et socialement, qui ne sont pas ajustés au modèle universitaire. Jusque-là, ils entraient dans les premiers cycles en ayant connu par exemple une orientation vers la voie professionnelle qu’ils ne souhaitaient pas. Ils se dirigeaient alors vers la voie classique pour ouvrir leur champ des possibles. Les universités, avec leurs attendus, vont leur barrer la route objectivement. Subjectivement, en amont, les bacheliers qui avaient du mal à se sentir légitimes à aller à l’université vont renoncer à aller à l’encontre de ces freins symboliques. Il y a, avec cette loi, une mise en garde incroyable qui va renforcer l’autocensure. Mettre ces panneaux contribue aussi à bien faire peser sur les épaules des jeunes la responsabilité de leur échec.

(à suivre)