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Accueillir des réfugiés au sein des universités (2). L’exemple de l’Allemagne

lundi 7 septembre 2015, par Chris

Note de Valérie Robert (Sorbonne Nouvelle Paris 3). On trouvera ici quelques pistes concrètes pour lancer le débat sur ce que les universités françaises pourraient faire d’un point de vue institutionnel pour assurer l’accueil et la formation des réfugié-e-s, quelque soit leur pays d’origine. On a recensé un certain nombre de dispositifs dont il serait intéressant de s’inspirer ; cette note n’a pas prétention à l’exhaustivité et a vocation à être complétée/amendée/discutée.

Les universités allemandes ont mis en place (souvent sous la pression des étudiant-e-s) des dispositifs qui tiennent compte de la situation et des besoins spécifiques des réfugié-e-s ayant déjà commencé ou terminé des études dans leur pays ou ayant le niveau suffisant pour en commencer, et ce dès le dépôt de leur demande d’asile.

NB : Un des problèmes concrets qui n’est pas traité dans ces dispositifs est celui du logement ; il devrait être beaucoup plus prononcé en France, tout particulièrement à Paris, où il est déjà très difficile de se loger pour les étudiants étrangers passant par Campus France.]

Voici ces initiatives, classées sous différents aspects.

- Aspect administratif  : il faut pour s’inscrire dans les universités allemandes passer par un système de numerus clausus centralisé qui répartit dans les disciplines et dans les universités.

    • Les universités concernées contournent ce système en considérant les réfugié-e-s soit comme des étudiants en échange (avec un Learning Agreement), soit comme des auditeurs libres au statut spécifique.
    • En France, la question se pose autrement car il semble que les demandeurs d’asile puissent s’inscrire normalement, sans passer par Campusfrance, et demander l’exonération des droits. Cependant, pour des raisons pédagogiques et linguistiques, il pourrait être intéressant de proposer également un système transitoire qui permette une intégration en douceur. Il existe dans certaines universités une inscription gratuite à une « Université citoyenne » (Poitiers), qui pourrait être un statut intéressant.
    • Toutes les universités concernées déclarent vouloir faire de souplesse dans la reconnaissance des diplômes étrangers et dans la demande de papiers et attestations pour faciliter les démarches administratives (nécessaire de toute façon en France !)

- Aspect pédagogique : le système majoritairement choisi en Allemagne consiste à proposer aux réfugié-e-s un programme spécifique qui consiste en un semestre ou une année transitoires, leur permettant de se familiariser avec le lieu d’accueil et avec le système universitaire local, d’apprendre suffisamment la langue et de prendre le temps de regrouper les papiers nécessaires à une inscription en bonne et due forme.

    • Ce système de transition permet d’apprendre la langue et de suivre des cours tout en n’empiétant pas sur le nombre années d’inscription autorisées selon le niveau d’études. Il permet également de développer des relations avec des étudiants et de bénéficier des dispositifs d’accompagnement mis en place par les différentes universités (voir ci-dessous). Le but est de permettre ensuite la reprise de vraies études comme les étudiant-e-s allemand-e-s, après l’obtention du titre de séjour.
    • Inconvénient : à ma connaissance, à part à Munich, pas de validation d’ECTS ; délivrance uniquement d’un certificat (les universités allemandes insistent beaucoup sur la différence entre ce système transitoire et une inscription réelle menant à un diplôme) Un statut spécifique d’étudiant d’échange devrait pourtant le permettre.
    • Fort accent mis sur les cours intensifs de langue (allemand, allemand de spécialité) visant le niveau C1, développement de l’offre déjà existantequestion de qui finance ?
    • Ouverture des cours de l’ensemble de l’université, souvent sous réserve de l’accord du département et des enseignant-e-s concerné-e-s.

- Aspect financier :

    • Exonération des frais d’inscription
    • Souvent, ces inscriptions ne permettent pas de bénéficier de transports à tarif réduit
    • Le Land de Berlin envisage de prendre en charge les frais d’inscriptions des réfugié-e-s
    • Beaucoup d’universités demandent l’intervention financière de l’Etat fédéral pour financer l’exemption des droits d’inscription et des cours de langue supplémentaires
    • Bade-Würtemberg avec le DAAD (office allemand d’échanges universitaires) : 50 bourses pour des jeunes Syriens (sélection parmi 300 candidats, après campagne de candidature dans les centres d’accueil) / Un problème tout de même : sélection selon la nationalité
    • Programme "Leadership for Syria", avec sélection parmi les jeunes Syriens réfugiés en Jordanie
    • Projet du gouvernement fédéral de réduire le délai après lequel on peut demander une bourse une fois la demande d’asile acceptée.

- Accueil et accompagnement :

- Initiatives étudiantes (dont rien n’empêche qu’elles soient initiées, mises en place et/ou soutenues par l’institution…) :

    • Cours de langue (par ex TU Berlin depuis 3 ans)
    • Activités diverses par ex association Multitude de la FU Berlin http://multitude-berlin.de/aktivitaeten/ (cours de langue dans les foyers de demandeurs d’asile, baby-sitting, aide à la recherche de logement, activités culturelles et de temps libre)
    • Conseils juridiques : Refugee Law Clinic Berlin (soutenu par la faculté de droit de la FU par le biais d’une charge de cours), avec obligatoirement une formation spécifique au droit d’asile et au droit des étrangers pour les participants
    • Aide à l’obtention de bourses auprès de fondations
    • Aide et conseils médicaux par des étudiants en médecine (Munich)

- Adaptation de l’offre de formation pour tou-te-s les étudiant-e-s :

    • Développement du thème de la migration dans différents cours, par exemple Munich dans un CM tournant.
    • Basse-Saxe : 9 universités participent à une initiative soutenue par le Land pour former les futurs enseignants à des cours de langue dans des centres d’accueil de demandeurs d’asile, même chose dans certains cours à la faculté de pédagogie de Munich, qui envoie ses étudiants dans les centres d’accueil
    • Cours dispensés par les réfugiés aux autres étudiants (enseignent leur langue maternelle)
    • Formation à l’interculturel et à la situation des étrangers à la faculté de médecine de Munich
    • Organisation de « dialogues interculturels » plusieurs fois dans l’année (Munich)
    • Formation au droit d’asile et droit des étrangers (faculté de droit, FU Berlin) permettant de dispenser des conseils aux réfugiés.

Initiatives communes

Au-delà des initiatives listées ci-dessus, il existe également une tentative de crée une université spéficique pour les R, qui serait une sorte de plate-forme virtuelle (cours en lignes) permettant aux R d’assister en 3ème année aux cours en présentiel des universités partenaires. Il s’agit du projet Kiron (ex- Wings University http://kiron.university/about ).

Il n’est cependant pas encore clair, à ce stade, si ce projet peut réellement permettre de délivrer des diplômes reconnus. Par ailleurs, si le virtuel permet de répondre au problème de l’éloignement géographique des lieux d’enseignement, il limite les contacts avec d’autres étudiants et avec les personnels des universités et de ce fait les possibilités d’intégration.

Ce projet est cependant intéressant du point de vue de la coopération entre universités ; dans le cas où serait mis en place des dispositifs transitoires, il pourrait être intéressant d’ouvrir aux réfugié-e-s l’offre de l’ensemble des établissement regroupés dans une COMUE, et que celle-ci se charge justement de l’accueil et de l’aide individuelle – ce qui permettrait de donner enfin une utilité à cette strate supplémentaire…

Sources. Sites des universités concernées

Merci à toutes celles et ceux qui nous ont transmis des informations !

- http://www.morgenpost.de/berlin/article205632705/Unis-pruefen-Angebote-fuer-Fluechtlinge.html
- http://www.sueddeutsche.de/bildung/fluechtlinge-an-den-hochschulen-erst-umbruch-dann-ulm-1.2549328
- http://multitude-berlin.de/aktivitaeten/
- http://www.tagesspiegel.de/wissen/hochschulen-oeffnen-sich-fuer-asylbewerber-berlin-will-dass-fluechtlinge-schneller-bafoeg-bekommen/12275100-2.html
- http://www.spiegel.de/unispiegel/studium/fluechtlinge-so-helfen-universitaeten-und-hochschulen-a-1046473.html
- http://www.spiegel.de/unispiegel/studium/fluechtlinge-so-helfen-universitaeten-und-hochschulen-a-1046473.html