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« Excellence »de l’enseignement supérieur et de la recherche et monoagriculture intensive : mêmes concepts, mêmes effets ? - contribution du secteur Service public sur le thème « mythe de l’excellence » au congrès d’orientation 2015 du SNESUP FSU
jeudi 26 mars 2015, par
Les universités ont-elles servi de modèle à la "ferme des mille vaches", ou était-ce l’inverse ?
Les grands projets régionaux qui émergent à l’occasion des opérations successives conduites dans le cadre des « investissements d’avenir » depuis 2009 sont remplis du mot « excellence », à l’image des documents ministériels définissant les objectifs et conditions d’attribution des financements.
Or, les observations sur le terrain conduisent à la conclusion que l’excellence se traduit en pratique par l’ampleur de l’exclusion qu’elle génère ! Par définition tout le monde n’est pas excellent... Et moins il y a d’admis dans le cercle des excellents, plus celuici devient convoité et prestigieux (indépendamment ou presque de ses qualités intrinsèques, pourraient même ajouter des mauvais esprits...). L’usage à longueur de discours de ce mot n’est donc pas de nature à rassurer sur les intentions profondes qui motivent les décideurs lançant les salves successives d’appels à « projets d’excellence ».
D’autre part, à la lecture des documents définissant les conditions à remplir pour bénéficier des largesses de l’Etat, des collectivités territoriales, et des entreprises attirées par « l’excellence des projets », il apparaît un parallèle troublant entre cette politique de « pôles d’excellence » qui s’est mise en place et se développe fortement, et celle qui a été menée depuis plus de 50 ans dans l’agriculture.
Il s’agit au fond, en définissant des pôles d’excellence, de privilégier quelques secteurs rentables, qu’on va soutenir, en organisant les restructurations pour qu’ils atteignent une taille suffisante, comme on a organisé le remembrement agricole pour faciliter la mécanisation à outrance du travail agricole.
Ces secteurs sont choisis pour leur notoriété actuelle et l’importance des retombées économiques escomptées à court terme, tout comme on a favorisé certaines productions agricoles qui intéressaient l’industrie agroalimentaire pour leur facilité d’utilisation ou de transport. On va leur apporter des engrais financiers, les irriguer en recrutant de « grandes pointures internationales » en recherche, pour qu’ils produisent beaucoup des fruits calibrés bien commercialisables. Il s’agira aussi d’éliminer les parasites et nuisibles qui pourraient éventuellement s’attaquer à ces secteurs privilégiés, et faire tache, intéressant moins les clients, qui soupçonneraient un défaut de qualité. Les dispositions sur la modulation des services et l’évaluation individuelle récurrente introduites en 2009 par la réforme du statut des enseignantschercheurs (et pas remises en cause en 2014) pourraient alors jouer le rôle des pesticides et désherbants agricoles, pour débarrasser les champs d’excellence des indésirables...
Les résultats à long terme de cette politique risquent fort de ressembler à ce qu’on observe actuellement dans l’agriculture :
- une production surabondante et standardisée, sans saveur, et aux qualités nutritives affaiblies,
- des conditions de production dangereuses pour la santé des producteurs, soumis à de fortes pressions pour rester compétitifs sur le marché,
- des terrains surexploités nécessitant toujours plus d’engrais pour maintenir les rendements,
- la perte de nombreuses variétés locales nécessitant moins de fertilisants et pesticides car mieux adaptées, ainsi que celle de nombreuses espèces animales et végétales participant à l’équilibre de l’écosystème et à la richesse du terrain,
- la disparition des unités de production de petite taille, au profit de plus grosses, où le libre arbitre des acteurs disparaît, dicté désormais par les choix économiques de production décidés ailleurs.
Cette politique, basée sur le dogme de la rationalisation des moyens pour un profit maximal à court ou moyen terme, méconnaît un point fondamental : la plupart des découvertes qui ont maintenant de grandes retombées sont souvent dues au hasard ou sont issues de questions « académiques » qui pouvaient apparaître sans intérêt économique à l’époque où des esprits curieux se les sont posées... Nul ne peut garantir que les choix opérés actuellement soient réellement ceux qui sont porteurs d’avenir pour l’humanité. Si les milieux économiques considèrent la diffusion des nouvelles connaissances produites comme une priorité, cela doit se traduire par leur large participation au financement des embauches nécessaires à la production et au transfert des connaissances. Or tous les indicateurs montrent la faiblesse de financement de la recherche par les entreprises en France. Cela ne doit pas se faire en concentrant les moyens publics sur quelques secteurs au détriment de tous les autres, au nom de l’efficacité économique à court terme.