Accueil > Revue de presse > Une pétition anti-Fioraso agite l’université - Marie-Estelle Pech, Le Figaro, (...)

Une pétition anti-Fioraso agite l’université - Marie-Estelle Pech, Le Figaro, 19 mai 2014

mardi 20 mai 2014, par Louise Michel

Cet appel a déjà été signé par 11.000 personnes. Il critique notamment les regroupements d’universités et de grandes écoles.

Une pétition lancée il y a un mois, « Le changement à l’Université et dans la Recherche, c’est maintenant ? », très critique à l’égard de la politique menée par le gouvernement, est désormais signée par plus de 11.000 personnes, soit 11 % de la communauté universitaire. Sous ce texte rageur, certains commentaires sont édifiants. Pour cette enseignante, « tout craque dans le milieu universitaire et de la recherche. Plus de moyens, compétition accrue, techniques managériales catastrophiques. Les personnels sont à bout, quasi lobotomisés, car on leur en demande toujours plus sans moyen ». Une marque de défiance assez étonnante, alors que les professeurs de l’enseignement supérieur, très mobilisés contre les réformes menées sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, ne se faisaient plus remarquer dans l’espace public. Ne sont-ils pas majoritairement favorables à la gauche ? D’ailleurs, personne n’est descendu dans la rue depuis deux ans, à la grande satisfaction de François Hollande…

Si, au départ, la pétition avait été lancée pour protester contre la reconduction de Geneviève Fioraso, alors ministre de l’Enseignement supérieur, au sein du gouvernement, elle témoigne aujourd’hui d’un malaise et d’une déception face à la politique actuelle en matière d’enseignement et de recherche. Les pétitionnaires regrettent que la loi LRU dite de « l’autonomie », mise en œuvre sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, ait été reprise par François Hollande « sans qu’il y ait eu pratiquement de changement ». Les mêmes réseaux - souvent proches de la gauche du Parti socialiste - qui s’étaient mobilisés sous Sarkozy contre la réforme du statut d’enseignant-chercheur ou celle de la LRU ont repris langue. À l’époque, leur tête de turc était Valérie Pécresse. C’est désormais au tour de Geneviève Fioraso.

Ils s’inquiètent des difficultés financières, comme celles de l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines, en quasi-faillite, mise récemment sous tutelle. Et énumèrent le « bricolage » symbolisé par la « réduction des semaines de cours, diminution des heures de travaux dirigés, suppression d’enseignements. (…) Contrairement à ce qui est affirmé aujourd’hui, on ne pourra certainement pas échapper à l’augmentation des droits d’inscription. » L’irritation des universitaires se cristallise autour des regroupements d’universités et de grandes écoles initiés sous la droite par Valérie Pécresse. Avec plus de 80 universités et 200 écoles, cette dernière jugeait le paysage universitaire trop éclaté. L’un des enjeux était de rendre davantage visibles nos universités sur un plan international. Et plus efficientes, en éliminant les doublons dans les formations et en fusionnant des services. Dès lors se jouent des luttes de pouvoir, de prédominance d’institutions les unes par rapport aux autres. Avec en ligne de mire la distribution des moyens financiers publics. On se souvient d’un regroupement homérique sur le Plateau de Saclay, à 20 kilomètres de Paris, qui associe dix grandes écoles et deux universités… Depuis cinq ans, des universités comme Strasbourg ou Bordeaux ont par ailleurs peu à peu fusionné en une seule entité leurs facultés de lettres, de droit et de sciences jusqu’alors distinctes.

« Les établissements publics sont en train de se muer en un complexe managérial politico-médiatique » Pierre Dubois, blogueur universitaire

La loi enseignement supérieur votée en juillet 2013 poursuit ce processus en modifiant certaines organisations. On ne parle plus de Pres (pôles de recherche et d’enseignement supérieur) mais de Comue (communautés d’universités et d’établissements). Un système juridique jugé plus contraignant, bureaucratique et moins représentatif par les universitaires. La fronde grandit depuis plus de six mois, des enseignants estimant que la trentaine de rapprochements attendus d’ici juillet se faisaient à marche forcée. Pétitions, assemblées générales : sur certains campus, notamment en Île-de-France, le climat est exécrable. L’influent blogueur universitaire Pierre Dubois fait partie des rageurs : « Sous prétexte de compétitivité ou de décentralisation, la nature même de l’institution est altérée. Les établissements publics sont en train de se muer en un complexe managérial politico-médiatique. »

Autre signataire, Laurent Bouvet, professeur à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, décrit dans une tribune au Monde une université française subissant des réformes à un « rythme effréné » quels que soient les gouvernements et « désormais menacée de mort, prise en étau entre les pires défauts de la bureaucratisation à l’âge de la pénurie des moyens et ceux de l’ouverture à la concurrence généralisée sans les outils ni les armes pour y faire face ».

Geneviève Fioraso a beau jeu de noter qu’une partie des signataires du texte sont retraités ou encore de dénoncer les contradictions de cette pétition entre revendication de liberté et dénonciation d’un État trop présent. Sur le fond, observe-t-elle, ces enseignants continuent à vouloir la suppression de la loi LRU. Et elle rappelle que l’enseignement supérieur a connu une augmentation de budget de 2,9 % depuis 2012. La grogne universitaire est néanmoins suivie avec attention au sein du gouvernement. Les vacances approchant, on espère que l’agitation prendra fin. Car le risque serait que le mécontentement s’étende aux étudiants dans les prochains mois. Tant que la grogne se cantonne aux enseignants-chercheurs, le risque politique reste mesuré, on l’a vu à l’époque de Nicolas Sarkozy. Dans ce contexte, la nomination de Benoît Hamon à la tête d’un grand ministère regroupant l’Enseignement supérieur et l’Éducation - un ancien de l’Unef proche des mouvements étudiants - est plutôt habile politiquement.*

*souligné par la rédaction

Lire sur le site du Figaro