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Compte rendu des « États généraux de la formation » organisés par la FSU des personnalités, la FCPE et la plupart des membres de l’intersyndicale de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur

Samedi 4 octobre, université de Paris XII

mardi 7 octobre 2008, par Laurence

Préliminaire : SLU, à qui il avait été explicitement demandé de rallier l’appel à cette journée de rencontres, avait préféré s’abstenir, n’étant pas sûr de pouvoir partager les positions dominantes sur la « mastérisation » qui allaient selon toute probabilité être exprimées ; on dira d’emblée que nos perplexités, voire nos craintes, ont trouvé une confirmation claire ce samedi 4 octobre.

Le compte rendu est rédigé par JL Fournel et Alexis Grélois qui ont représenté SLU toute la journée (JLF le main, AG l’après-midi).


Matin (9h30-13h)

Atmosphère : pas mal de monde (300 à 400 personnes) ; la salle, pourtant composée essentiellement de formateurs et de syndicalistes chevronnés, n’a pas été vraiment convaincue.

Organisation de la journée : le matin une séance plénière de quasiment deux heures (sans aucune intervention de la salle) suivie d’une série de 7 ateliers d’une heure maximum devant donner lieu à synthèse l’après-midi ; l’après-midi, une table-ronde, un débat et des conclusions.

Remarques générales : la tonalité dominante était que, si l’on pouvait discuter les formes et les modalités de ce que pouvait être une masterisation «  harmonieuse » de la formation des enseignants, il était hors de question de remettre en cause à la tribune la masterisation en elle-même dans la mesure où elle «  fait partie d’une vieille revendication syndicale » et où elle « imposera une revalorisation de la grille indiciaire des débuts de carrière »…

On remarquera aussi qu’hormis dans les ateliers, peu de temps a été consacré à la question des effets induits par la mastérisation sur le développement de la précarisation (vu la masse des reçus – au master - /collés – au concours) et la remise en cause des concours nationaux de recrutement. Nous ne parlerons même pas (il ne faut quand même pas trop en demander !) des conséquences sur les équilibres internes dans les universités notamment en LSHS qui n’ont pas été évoqués une seule fois, sauf erreur de notre part. Bref, la CDIUFM et la grande majorité des intervenants entendus nous semblent porteurs d’une conception de l’enseignement qui n’est pas sans danger pour ce que nous sommes et pour l’université que nous voulons, sans pour autant être convaincante quant à la formation des futurs collègues du primaire et du secondaire…

La journée commence par un long point d’information qui dure près de deux heures et donne en fait la tonalité à l’ensemble de la journée. Tour à tour se succèdent à la tribune 4 personnes pour une contribution assez longue plus une ou deux autres pour des rappels chronoloques et des informations. Les quatre intervenants prévus sont Simone Bonnafous (Présidente de l’Université Paris XII, très pro-loi LRU, responsable de la commission « pédagogie » de la CPU et aspirante chef de ladite CPU), Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’éducation, Philippe Perrenoud (enseignant en sciences de l’éducation à Genève) et Bernard Cornu.

S. Bonnafous expose la position de la CPU que l’on peut résumer ainsi : favorable à l’intégration des IUFM dans les universités, convaincue que la formation des enseignants est l’une des missions les plus importantes de l’université, la CPU n’a pas été « prise par surprise » par la mastérisation [une autre façon de dire qu’elle en est le co-auteur…] et s’appuie sur ces deux principes (magnifiques) que sont le « partenariat » et la « collaboration » (celles-ci s’entendent avec la seule Conférence des Directeurs d’IUFM…). Elle insiste sur le fait que la CPU considère que les IUFM, même si elles sont intégrées dans une université particulière, restent des IUFM «  d’académie » ayant vocation à intervenir dans toutes les universités de l’académie. Elle défend parcours et spécialités spécifiques aux futurs candidats à l’enseignement au sein des diplômes existants plutôt que la création de diplômes spécifiques risquant de ghettoïser les étudiants et de leur faire tout perdre au cas où ils échoueraient le concours [cf la fameuse question des reçus/collés capitale et que personne ne pose clairement].

Elle approuve aussi

- la quadripartition de la formation où la discipline ne représente qu’un quart du programme

- l’alternance dans la formation entre stages et cours

- le nécessaire suivi et le caractère évolutif du nouveau dispositif.

P. Meirieu (qui affirmera, au cours de son intervention, avoir rencontré Darcos deux jours auparavant) développe ensuite un discours très charpenté mais un peu vague sur les principes de tout engagement de militant pédagogique et de citoyen dans les sciences de l’éducation et les pratiques de formation à l’enseignement ; il distingue habilement le compromis nécessaire dans l’action publique et la rationalité idéale qui est propre à l’intellectuel et considère que le débat pédagogues/disciplines est «  surréaliste » et très «  français ». Selon lui, l’intégration des IUFM dans les universités relève à la fois

- d’une volonté revancharde de la droite

- de la nécessité de donner « du grain à moudre » (sic) à la loi LRU [thèse intéressante qui ne sera ni examinée ni reprise durant la journée…]

- d’une recherche d’économies budgétaires

- d’une incompétence radicale des décideurs dans le domaine de la formation

- d’une configuration idéologique générale où l’on veut rendre chacun responsable de son propre échec et exonérer la société de ses responsabilités

- d’un travail insuffisant des syndicats, associations, universités, équipes de recherche sur la question de la formation

Tout cela s’inscrit dans la sous-estimation radicale de la place du pédagogique dans les formations et dans la rupture avec l’idéal de l’« éducation populaire » ; or la démocratisation de l’école n’est pas terminée

Les trois leviers dont nous disposons pour réagir sont

a)la présence de la pré-professionnalisation dès le L1

b)des masters professionnels identifiés comme tels [contrairement donc à la position de la CPU],

c)l’utilisation harmonieuse de la deuxième année de master pour la formation professionnelle.

Nous devons nous organiser pour échapper à l’urgence et à la « précipitation faussement improvisée » par le Ministère : celle-ci a pour effet de tétaniser tout le monde sous le poids des informations changeant constamment. Un des moyens de résistance est de développer un regard critique sur les pratiques des IUFM pour éviter l’enfermement dans le conservatisme [il est toutefois remarquable que je n’ai pas entendu beaucoup de critiques sur les IUFM et leur fonctionnement et que le seul « conservatisme » qui ait été vertement tancé par certaines interventions fut celui de celles et ceux qui s’avisaient de défendre les concours nationaux].

Dernière chose pointée par Meirieu  : la nécessité de mobiliser au-delà de notre métier en évitant soigneusement le piège d’une opposition avec les parents d’élèves et en imposant l’idée que cette affaire relève d’un choix de société et non d’une simple mécanique pédagogique.

Un M. Loyal du jour entreprend ensuite un utile et très précis rappel de la chronologie des décisions sur la question de la réforme de la formation des enseignants de la campagne de Sarkozy (promettant un recrutement à bac +5 et une revalorisation du métier), à la mise au point des dix compétences, au discours de Sarkozy en juin, au conseil des ministres de juillet (moment clé puisqu’on y trouve la mastérisation, la promesse de maintenir pour l’instant les concours nationaux, les trois types d’épreuves du concours, le calendrier de la réforme – applicable dès la session de 2010, la suppression de l’année de stage et la promesse d’une revalorisation des débuts de carrière), à la lettre du 10 septembre adressée aux syndicats reprenant ces différents points, à la charte signée par le Ministère le 30 septembre sur proposition de la CDIUFM (11/09), ralliée ensuite par la CPU (18/09).

Plusieurs questions restent pendantes dans cette affaire :

- que deviennent les reçus/collés ?

- instauration ou non d’une sélection pour l’entrée en M2 voire en M1 (suivant le modèle des études de médecine, cité par les défenseurs du diplôme par rapport au concours…)

- quid du processus d’intégration des IUFM dans les universités ?
le contenu des concours nationaux par rapport au contenu des masters locaux ?

- le calendrier du concours [il est capital de rappeler que la proposition -catastrophique- d’un concours en janvier n’a pas été encore actée et relève encore de la négociation]

- les effets de la déstabilisation radicale du milieu enseignant et étudiants du fait des incertitudes nombreuses qui demeurent


Philippe Perrenoud
intervient ensuite en développant une défense et illustration des sciences de l’éducation, les seules à pouvoir penser sérieusement la question de la formation des maîtres, en évoquant sans nuance le « piège du concours » ou le caractère « secondaire » des discipline et en listant un certain nombre de questions rhétoriques apparemment provocatrices dont la salle n’a pas de mal à discerner les réponses proposées : le salut viendra (comment en douter ?) de la posture réflexive des étudiants, de l’alternance théorie/pratiques, de la mise au point de « référentiels de compétences » à l’intérieur des formations et, surtout, de l’autonomie des universités sur laquelle «  il ne faut rien céder » …


B. Cornu
intervient ensuite sur le bilan des IUFM. Celui-ci, affirme-t-il, ne supporte pas la «  brutalité ». Les IUFM, créées pour recruter plus d’enseignants en les formant mieux et en rendant visibles le parcours qui conduit à ce métier, ont rempli assez bien ces trois fonctions en rendant possible une « universitarisation » et une « professionnalisation » du métier.
Les problèmes principaux ont été les suivants :

- la « mise en cohérence » entre le primaire et le secondaire n’a pu se faire vraiment dans la formation

- la formation continue a été laissée pour compte dans l’affaire et que la MAFPEN n’a pas été vraiment remplacée

- l’articulation avec la recherche en sciences de l’éducation a été insuffisante

- la réforme permanente des IUFM et la querelle en légitimité qu’elles ont dû affronter les a souvent affaiblis

- la définition de ce qu’est un « formateur » n’a jamais vraiment abouti

- la dimension internationale et le comparatisme ont été notoirement insuffisants.

Sur ces fortes paroles et malgré les timides tentatives de certaines personnes de la salle pour intervenir, tout le monde a été renvoyé en ateliers (au nombre de 7 dont vous pouvez consulter la liste et la présentation sur le site des Etats Généraux.). Après avoir hésité entre les ateliers n° 3 (repenser le disciplinaire, lien formation/recherche) et n° 7 (la question de l’articulation formations/masters/concours et l’avenir des fonctionnaires d’État recrutés par concours), j’ai opté pour le 7. Ce fut un des ateliers les plus fréquentés (ce qui me semble intéressant à relever) et nous avons même dû changer de salle pour que tout le monde puisse s’asseoir ; ce fut aussi de l’avis des organisateurs l’un des plus conflictuels.

Les organisateurs de l’atelier proposèrent de limiter les entrées de la discussion à deux axes : d’un côté, se demander où placer le concours dans le cursus de master (M1, M2, un éventuel M3 ?) et quel équilibre prôner entre professionnalisation et disciplines (l’argument massue pour limiter le temps de la professionnalisation étant simplement que, si on en met trop avant le concours, on ne pourra plus justifier la demande d’un maintien de l’année de stage après le concours !) ; de l’autre, réfléchir sur l’articulation entre diplôme (attestant une maîtrise de connaissances) et concours (garantissant l’égalité de la procédure d’accès à la fonction publique). On remarquera que la première intervention qui suivit cette ouverture du débat sera celle du SG du SNESUP pour regretter qu’on n’ait pas assez souligné dans ces prémices le caractère positif de l’allongement de la formation, vieille revendication syndicale…

De fait, les interventions multiples et foisonnantes (chacun ne put intervenir qu’une seule fois faute de temps !) se partagèrent en gros entre deux types de propositions : les unes très critiques (j’ai présenté la première de celles-ci) à l’égard de la mastérisation pointant ses effets sur les statuts, la précarisation, l’avenir des reçus/collés, le rôle des concours nationaux ; les autres rappelant que le prolongement du nombre d’années d’études était en soi une bonne chose, affirmant qu’il suffisait simplement de prendre le temps de penser le nouveau système de façon harmonieuse et s’empressant de renvoyer ceux qui osaient ne pas être d’accord au conservatisme et à la guerre pédagogues/disciplines (qui n’avait été convoqué, j’insiste sur ce point, par aucun des intervenants… ). Ceux-ci en appelaient à «  faire confiance aux universités » [i.e. aux IUFM intégrées dans les Universités - sans voir que les IUFM seront dépecées pour des raisons budgétaires lors de cette intégration avec renvoi dans le premier et le second degré de tous ceux qui n’ont pas de statut universitaire] et soulignaient qu’en aucun cas les programmes des concours ne devaient influer sur le choix des programmes de formation, le concours ne devant pas vérifier ce qui a été (bien) fait par les universités !

Certaines interventions plus consensuelles insistent sur l’importance de la demande d’un moratoire, du refus d’un calendrier avec concours en janvier du M2 et sur la renaissance de formes de pré-recrutement pour garantir une certaine diversité sociale des enseignants recrutés à bac+5. Jean-Louis Fournel intervient pour appuyer ces demandes.
Un secrétaire national du SNESUP a souligné qu’il n’était pas possible d’être contre quelque chose qui améliorait la formation des futurs enseignants et a évoqué comme modèle un cadrage national sur le mode des études de médecine avec numerus clausus pour éviter les reçus/collés [position officielle syndicale ?]. Un autre argument avancé par un secrétaire général d’un des syndicats FSU [le SNEP je crois] vaut d’être rappelé pour la grande potentialité de mobilisation qu’il recouvre : la suppression du concours relève d’une décision « politique » (sic) et de ce fait nous échappe radicalement ! Dans cette perspective, il nous revient d’orienter l’inéluctable mastérisation et d’en faire « une chance » grâce à nos contre-propositions ! Un autre collègue responsable du SNESUP critiqua vertement « l’idéalisation de la formation par les concours » et «  le mépris pour les masters professionnels » (ni l’un ni l’autre des deux points n’avaient été présents dans les débats jusqu’alors…). Enfin, l’une des secrétaires nationales du SNES intervint pour annoncer un document comparatif entre les différents systèmes de formation en Europe, souhaitant que l’on s’inspire d’autres exemples étrangers où le master (diplôme reconnu partout en Europe) devient le passeport pour l’enseignement, sans être obnubilés par les questions de concours et de statut…

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Vers 14h30, la séance plénière reprend, sous la présidence de Philippe Watrelot (professeur de SES, formateur à l’IUFM de Paris et rédacteur en chef des Cahiers pédagogiques). Le titre annoncé "Les scenarii d’avenir : éclatement ou renouveau de la formation" est trompeur : il s’agit en fait de présenter les modalités d’intégration des IUFM aux universités et plus largement d’envisager les rapports entre formations disciplinaire et pédagogiques.

Christiane Migette (angliciste [?] à Paris-13) rappelle que l’intégration de l’IUFM Val-de-Marne à Paris-12 a été imposée par le recteur, ce qui a suscité l’inquiétude de Paris-8 et de Paris-13.


Marie-France Camus (
EC à l’IUFM de Toulouse, rattaché maintenant au Mirail) rappelle que le mouvement de contestation de la réforme lancée le 2 juin 2008 est parti de l’IUFM Midi-Pyrénées et s’est traduit notamment par la rétention des dossiers de validation des stagiaires pendant une semaine. Mais il faut voir les enjeux de la masterisation, c’est-à-dire "ce que les IUFM peuvent y gagner" : la reconnaissance comme un diplôme Bac+5 de leur formation [leitmotiv de la journée]. On se dirige vers un master académique piloté par l’IUFM. Le calendrier imposé impose de bâcler, il faut donc un moratoire.

Gilles Baillat (directeur de l’IUFM de Reims, vice-président de la CDIUFM) recense les facteurs qui influeront sur l’application de la réforme dans chaque université (car il ne faut plus parler d’IUFM) :
les universités sont confrontées à un triple défi : a) offrir un master à tout étudiant se destinant aux métiers de l’éducation, y compris non disciplinaires (CPE, PLP), ce qui implique de revoir l’offre de formation ; b) concevoir des masters qui permettent d’être reçu au concours, mais qui ne soient pas de simples préparations puisqu’il y aura d’autres débouchés ; c) tenir compte du fait que les candidats reçus au concours en juillet seront en situation de pleine responsabilité dès septembre (donc les masters devront donner une véritable compétence professionnelle sur laquelle l’offre de formation de l’université sera jugée, voire mise en concurrence – ce qui est dit de façon voilée). Enfin d) intégrer le fait que le master Enseignement aura un poids considérable dans les universités petites ou moyennes : à Reims, les 1600 stagiaires IUFM formeront 40 à 45% de tous les étudiants inscrits en master et aucun autre master n’aura donc un poids comparable [Un panneau à l’entrée sur la situation des IUFM indiquait que l’IUFM de Lille rattaché à l’université d’Arras représentait 40% des étudiants et du personnels - ce qui explique sans doute pourquoi cet institut a préféré se rattacher à une petite université plutôt qu’à Lille-3 ; à noter aussi que l’IUFM de Bordeaux a préféré se rattacher à la fac de droit, ce qui lui garantit de ne pas être noyé au milieu des "disciplinaires" concernés par ses enseignements].

L’application de la réforme dépendra : a) du nombre d’universités dans l’académie ; b) de la vague quadriennale de l’université : ce sera très difficile pour la vague D (15 octobre 2008), faisable pour la A (15 octobre 2009) [une faille pour un moratoire ?] ; c) du contexte historique : certains IUFM assument déjà 100% de la formation à certains concours ; d) de la présence d’un directeur d’IUFM (une dizaine) ou d’un administrateur (une vingtaine) ; e) des personnalités : à Reims, le président de l’université est l’ancien directeur de l’IUFM, ce qui facilite les choses.

Avant tout, il faut réfléchir à la question de savoir quel est le cœur de métier de l’enseignant, ce qui fait débat depuis 15 ans dans les IUFM : un prof de math est-il d’abord mathématicien ou enseignant ? (applaudissements).

Richard Etienne (Sciences de l’Education, Université Montpellier-3) avait été chargé de voir ce qui se passait en Europe et ailleurs. La France se distingue : alors que les autres pays donnent la formation avant ou après le recrutement, mettre le concours au milieu du M2 revient à mélanger les deux. Il y a d’abord des modèles « obsolètes », sans que l’on précise selon quels critères ils le sont (tels les écoles normales ou les hautes écoles pédagogiques présentes en Belgique et Suisse mais abandonnées au profit d’une formation à Bac+4 ou 5). Un autre modèle abandonné est celui de l’institut sous la coupe du ministère et de l’inspection comme ce fut le cas en France avant les IUFM. On note aussi une tendance à rapprocher la formation des enseignants du primaire et du lycée. En France, elle a lieu dans les mêmes lieux (IUFM) mais les enseignements sont encore séparés, l’université maintenant pour l’instant son splendide isolement avec l’agrégation.

Une grande différence s’observe dans le "balancier entre terrain et université" : en Angleterre, c’est l’établissement recruteur qui est formateur, ce qui, "étrangement" est accepté par tous, même si cela pose quelques problèmes : l’absence de "théorie" et l’inégalité de rémunération selon les établissements entre formateurs. Au contraire, aux Pays-Bas et en Tunisie, ce sont les universités qui ont monté un système de stage, avec parfois des dérives : au Québec, les étudiants de dernière (4e) année doivent payer l’établissement où ils effectuent leurs stage ! Partout, la formation se fait en tête à tête, alors que les IUFM voudraient mettre en place des équipes de formateurs.
Le taux de démission des jeunes enseignants atteint 20% aux USA. En France, il est top secret. Cela ne va pas s’améliorer avec un recrutement avec un BAFA !

"Etrangement", les correspondants catalan et québécois de R. Etienne ont souligné que la formation actuelle donnait aux enseignants français "une culture authentique", ce qui n’est pas le cas chez eux où la pédagogie domine la formation. Autre "étrangeté" : aucun correspondant n’a parlé d’un travail de recherche en sciences de l’éducation en relation avec la formation.

Patrick Rayou  (sociologue de l’éducation, Paris-8) présente les nouvelles générations d’enseignants : formés dans le lycée massifié, moins idéologues, "plus collaboratifs", ayant souvent une autre vie professionnelle derrière eux (et envisageant parfois une autre après), se voulant avant tout professionnels et efficaces. Dans la souffrance, ils tentent d’inventer de nouveaux savoirs que la réforme pourrait permettre d’institutionnaliser…. Il faut donc partir du "cœur de métier" et tenir compte du potentiel de recherche accumulé dans les IUFM.

Une intervention venue de la salle de X (Stéphane B.) pose la question de savoir quels pays ont des enseignants fonctionnaires d’Etat [question non abordée jusqu’à ce moment de la discussion !] et souligne l’étrange logique du nouveau master qui menace le statut et pose la question de savoir quelle école nous voulons et des inégalités territoriales. Richard Etienne répond que seuls les pays d’Europe du Sud ont des fonctionnaires et que l’accouplement du M2 et du recrutement contient "évidemment" en germe la liquidation du statut de fonctionnaire ; "c’est programmé" mais... il faudra se battre contre. En Angleterre, les établissements scolaires sont devenus des fondations qui recrutent elles-mêmes [ce que promet d’instaurer la réforme des lycées en cours en France, les proviseurs étant comme les présidents d’université de la loi LRU dotés de nouveaux pouvoirs et d’une grande autonomie].

Claire Pontais [?] (IUFM de Caen) vient faire la synthèse des ateliers du matin, en notant les points d’accord et de désaccord.

1. Démocratisation : il faut des aides, des allocations IUFM, des pré-recrutements mais sur quels critères ?

2. Unité et diversité des formations : il faut des savoirs transversaux mais lesquels ? les mêmes pour tous les enseignements (on en débat depuis 15 ans à l’IUFM) ?

3. Repenser le disciplinaire en intégrant le transversal et le professionnel, sans précipitation pour éviter les guerres territoriales.

4. Préprofessionnalisation : terme à oublier au profit d’une formation pédagogique de la L1 à T2 (titularisation + 2 ans : le master sera en fait un Bac+7 …).

5. Quels formateurs ? Toutes catégories. On n’a rien dit sur la recherche en pédagogie dans cet atelier, c’est bien regrettable.

6. Les IUFM ont-ils de l’avenir ? Oui !

L’aimable organisatrice propose alors de passer au débat. La salle lui fait remarquer qu’elle oublie le 7e atelier, celui où la discussion fut la plus âpre.

Les rapports entre master et concours : accord pour condamner la précipitation ministérielle (moratoire) et le calendrier de recrutement au cours du master. Mais quand recruter ? M1 ? M2 ? M3 ?
Dans la salle, on fait remarquer que les leaders syndicalistes se sont trouvés en porte-à-faux par rapport à la salle tout au long de cet atelier (protestations). (voir compte rendu de l’atelier ci-dessus)

On passe alors au débat, dirigé par Philippe Watrelot qui coupe presque toutes les interventions qui sortent du cadre imposé : "Comment agir dans l’immédiat ?" [toujours cette précipitation voulue]. Résumons :
Mobiliser les médias, les parents d’élèves, les étudiants, réunir des "Etats-généraux régionaux" (sic), manifester tous ensemble le 19 octobre avec la FSU. Certains soulignent que ce ne sera pas facile car "à l’IUFM on est très isolés". L’UNEF demande le maintien du cadrage national et des aides pour les étudiants, mais "le maintien de la pédagogie à l’université" avec des masters professionnalisants.

De nombreuses interventions (applaudies) soulignent la nécessité du moratoire sur la réforme et de la modification du calendrier de recrutement. Bernard Rety (FO) ajoute qu’il faut faire du moratoire une condition sine qua non à toute négociation avec Darcos et dresse un parallèle avec la loi LRU qui permet aux présidents d’université de recruter en CDI. Au vu des réactions des personnes concernées, cette position ne semble pas recouper celles des organisateurs FSU de la journée.

Un universitaire littéraire démontre que le calendrier de recrutement est une bombe à fragmentation : elle revient à déconnecter la validation de la formation de l’obtention d’un poste de fonctionnaire. Les syndicats répondent toujours qu’il y a depuis longtemps des maîtres-auxiliaires qui n’ont qu’une licence. Mais ils n’avaient pas de formation professionnelle, alors que les futurs contractuels ou vacataires auront reçu cette formation ! On va donc voir se former comme en Italie ou en Angleterre un marché de vacataires. Il faut d’abord penser au véritable objectif de Sarkozy : détruire la fonction publique (applaudissements).

La dernière intervention vient nous rappeler qu’il faut travailler ensemble sur les maquettes parce que ce n’est pas stérile comme les querelles idéologiques...

Vient ensuite la lecture d’un Appel (dont les auteurs ne sont pas précisés…) et qui ne fait que défendre la masterisation et la formation pédagogique, sans proposer de moratoire ni dénoncer le calendrier de recrutement. (www.former-les-enseignants.org). Il ne déchaîne pas l’enthousiasme et il se trouve même une personne mal élevée pour se demander à haute voix pourquoi il n’y a pas de vote sur ce texte. Nous sommes invités à partir rapidement car des collègues de province ont un train à prendre…

Une conclusion :

Il semble que, pour permettre aux ex-IUFM de délivrer des diplômes (il a été sans cesse question de co-pilotage et de co-habilitation), certains syndicats sont prêts à faire semblant de ne pas voir les risques que la masterisation implique pour la précarisation du métier d’enseignant à tous les niveaux et refusent d’analyser cette masterisation comme une des composantes des réformes polymorphes mises en place depuis un an ou annoncées dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. On est fondé à se demander si ces États Généraux n’étaient pas destinés justement à montrer que, par on ne sait quel miracle, cette réforme-ci serait la seule à échapper au projet global de bouleversement de l’éducation nationale par le gouvernement en place (contre lequel bien sûr tous les présents se sont vigoureusement élevés). Certains n’hésitent même pas à en faire une victoire syndicale, satisfaisant une vieille revendication (le prolongement factice du nombre d’années de la formation) ! Personne ne fait remarquer que, parfois au mot près, les positions exprimées en septembre par la CDIUFM, la CPU et le Ministère sont les mêmes, ce qui ne devrait pas nous rassurer : à cet égard, l’attention soutenue et la place éminente laissée durant ces États généraux à l’expression des positions de la CPU et de la CDIUM, sans qu’aucune critique de ces positions ne soient possible dans l’organisation des débats, laissent pantois.

SLU pourrait reprendre (et renvoyer aux syndicats comme piqûre de rappel) son texte fondateur selon lequel ces gens-là « ne parlent pas en notre nom »…