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Mais qui donc cherche à détruire la recherche française ? Lieutenant Colonel Marie-Georges Picquart

jeudi 20 février 2014, par Emile Zola

“Some guard these traitors to the block of death,
Treason’s true bed and yielder up of breath.”
(Henry IV, part II, IV, ii)

La recherche française n’était pas encore assez malmenée par les réformes à jet continu, ni l’activité des chercheurs assez entravée par la multiplication des tâches bureaucratiques. Voici que, s’emparant d’une possibilité encore inexploitée du code pénal, et sous couleur de protéger le « potentiel scientifique et technique » de la nation, des militaires du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale ont entrepris de placer sous leur surveillance directe l’ensemble de la recherche scientifique publique (hors littérature, sciences humaines et sociales… pour l’instant*).

L’un après l’autre, les laboratoires sont classés en zones à régime restrictif (ZRR) : contrôle physique des accès aux locaux, horaires réglementés, publications et sujets de séminaires soumis à accord préalable, contrats bloqués, recrutements refusés, obstacles à l’accueil des collègues étrangers et des étudiants etc.

En bonne logique militaire ce sont les directeurs de laboratoires qui, devenus chefs d’escadron, sont chargés de la mise en œuvre du zonage dans leur « unité ». Hélas ! Ils ne se doutent pas encore des sanctions pénales auxquelles ils s’exposeront lorsque— ce qui arrivera nécessairement s’ils veulent préserver un minimum d’activité scientifique dans leur labo — ils appliqueront de façon jugée trop laxiste les règles absurdes dictées par la paranoïa de fonctionnaires sécurité défense dépourvus de toute culture scientifique. Gageons que quelques-uns auront bientôt la surprise de se voir condamnés sans même savoir pourquoi (secret défense oblige), ne serait-ce que pour servir d’exemple aux autres et achever de verrouiller le dispositif.

Cui Prodest ?

À l’exception des cabinets ministériels et de quelques militaires, admirateurs attardés du sergent Maginot, tout le monde sait bien qu’on ne peut pas faire prospérer la recherche en atmosphère confinée dans un réseau de casemates, où elle s’étiolera et mourra très rapidement. Alors, bêtise ou haute trahison ? Certainement une enquête s’impose pour déterminer si cette idée insensée a germé toute seule dans le cerveau des décideurs… ou si elle y a été implantée par des agents de l’étranger dans le but de ruiner notre recherche scientifique.

Article 410-1 du code pénal
Les intérêts fondamentaux de la nation s’entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l’intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, de l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel.

Article 411-6 du code pénal :
Le fait de livrer ou de rendre accessibles à une puissance étrangère, à une entreprise ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou à leurs agents des renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers dont l’exploitation, la divulgation ou la réunion est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation est puni de quinze ans de détention criminelle et de 225 000 euros d’amende.


* Puisque le « patrimoine culturel » figure au nombre des « intérêts fondamentaux de la nation », au même titre que son potentiel scientifique et technique (article 410-1 du code pénal), il n’est pas difficile de deviner où se portera bientôt la bienveillante protection des fonctionnaires sécurité défense.