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ANR 2014 : l’exil de la recherche fondamentale

lundi 30 septembre 2013, par Clèves, princesse(s)

La nouvelle programmation de l’ANR est parue durant l’été 2013, avec un oubli dans la programmation : la recherche fondamentale non finalisée. SLU ouvre le dossier.

ACTE I. Le communiqué de presse du MESR en date du 27 juillet 2013 (à lire ici) : un beau mensonge

- Un titre prometteur : "ANR 2014 : un équilibre entre recherche fondamentale et recherche technologique"
- Une référence solide : la programmation 2014 de l’ANR a été préparée "sur la base du travail de programmation réalisé par les Alliances nationales et le CNRS".
- Un dispositif remis à plat, avec nouveau calendrier et disparition des "ANR Blanc", "ANR Corpus" et autres "ANR Culture".
- Ce qui donne (en page 2 du communiqué) : la moitié des financements 2014 ira à des projets de recherche dite "fondamentale" (applaudissements), mais "à condition qu’elle s’inscrive dans une des quatre composantes du plan d’action" (suspense)....


ACTE II. Les trois axes du plan d’action... dont neuf autres... plus un dernier tout seul

Vous pourrez déposer à l’ANR votre projet de recherche fondamentale à condition qu’il s’inscrive dans un des quatre axes suivants :

  • Axe n° 1 : les neuf grands défis sociétaux (changement climatique, énergie propre, renouveau industriel, santé et bien-être, sécurité alimentaire, systèmes urbains, société de l’information et de la communication, sociétés innovantes, sécurité de l’Europe)
  • Axe n° 2 : des instruments concourant à la construction de l’espace européen de la recherche et à l’attractivité internationale de la France
  • Axe n° 3 : une composante "impact économique de la recherche et compétitivité", avec des "projets collaboratifs en partenariat public privé"

BILAN INTERMEDIAIRE : pour avoir droit aux financements sur projets ANR 2014, il semble bien que la recherche fondamentale doive être finalisée sur l’apport sociétal tel qu’étroitement défini ci-dessus et qu’elle doive s’embrigader dans l’un ou l’autre des 11 "défis sociétaux" retenus par le MESR ... Mais c’est sans compter sur le dernier des quatre axes, l’inénarrable, celui qui va être promu "défi" à lui tout seul (et c’est vrai qu’il vaut le détour) :

  • Axe n° 4, in extenso : "un dispositif nouveau, intitulé "Aux frontières de la recherche" finançant des projets de recherche fondamentale sans lien avec les défis sociétaux au travers d’un défi spécifique : Défi de tous les savoirs."

Sic. Sans commentaires. Ou plutôt si :

L’axe 4 est un leurre : parce que presque toute les recherches fondamentales vont s’y engouffrer. De fait, il n’y a plus de place (symbolique) ni d’argent (sonnant et trébuchant) pour la majeure partie de la recherche fondamentale... sinon à la marge, pardon, à la "frontière" !

La recherche "fondamentale" susceptible de s’inscrire dans les trois premiers axes, c’est déjà de la recherche finalisée sur des intérêts sociétaux très étroitement définis en rapport avec la mission de transfert aux entreprises ; et ce sera ce seul type de recherche qui bénéficiera donc principalement de la manne budgétaire complémentaire qu’offre la programmation de l’ANR.

Dès lors que la recherche fondamentale n’est pas ainsi "finalisée", elle bascule dans un en-dehors, à l’ouest du Pecos, un espace indécis (pionnier ?) pour les desperados de tous poils, mathématiciens, littéraires, historiens et autres juristes...

ACTE III. UN DETOUR PAR LES LLSHS : CE QUE L’ON AURAIT PU ESPERER

Le communiqué du MESR affirmait s’appuyer sur les préconisations des Alliances nationales. Nous sommes allés rechercher le rapport de l’Alliance en LLSHS, l’Alliance Athéna (à lire ici), et nous l’avons relu (pages 31-42).

Ô surprise, ses propositions n’ont pas du tout été retenues ! En voici quelques-unes :
- Maintenir un fléchage sur les SHS dans les appels à projets (page 33)
- Rééquilibrer les financements vers les équipes d’accueil universitaires et les enseignants-chercheurs (page 35)
- Mener une analyse et une réflexion sur le devenir des post-doctorants et des personnels d’appui (ITA et BIATSS) financés dans des contrats à durée déterminée par les projets ANR (p. 36)
- Étendre le financement des contrats doctoraux aux SHS dans le cadre des projets ANR (page 37)
- Renforcer les moyens donnés aux programmes Corpus pour les SHS et à leur régularité : un programme annuel serait souhaitable (page 37).

C’est sans doute ce qui s’appelle prêcher dans le désert... L’ ANR 2014, ou l’art de tirer le rideau !



Et maintenant, que fait-on ?

- On oublie les budgets sur projets pour la recherche fondamentale.
- On oublie, d’ailleurs, la recherche fondamentale.
- A moins qu’on ne demande ce qui se pratique ailleurs : par exemple, comme aux Etats-Unis, qu’une Agence de moyens soit dévolue aux LLSHS...
- ...en lieu et place d’une Agence Nationale de la Recherche supposée généraliste, mais qui devrait aujourd’hui plus proprement s’appeler l’Agence Nationale de la Recherche Technologique et Finalisée sur le Transfert Economique.