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Les grands corps de l’Etat apprécient peu les docteurs - N. Brafman & I. Rey-Lefebvre, Le Monde, 25 mai 2013

dimanche 26 mai 2013, par Mariannick

Les grands corps de l’Etat ont eu beau batailler, l’amendement a été adopté. Les députés réunis à l’Assemblée nationale pour examiner le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche ont voté contre l’avis du gouvernement, vendredi 24 mai, un amendement polémique : la reconnaissance du doctorat dans la fonction publique. Et notamment le fait que les docteurs puissent, sur titre, postuler à l’Ecole nationale d’administration par concours interne.

Revaloriser le titre de docteur, le plus haut diplôme de l’université (bac +8), obtenu après la soutenance d’une thèse, était l’une des promesses de François Hollande. "Nous devons faciliter l’accès des docteurs de l’université aux carrières de la fonction publique", affirmait-il le 5 février, au Collège de France.

"A peine évoquée, cette mesure a créé de l’émoi dans les cabinets ministériels", raconte Vincent Feltesse, député (PS) et rapporteur de la loi enseignement supérieur et recherche. Les hauts fonctionnaires, à peine 12 000 personnes réparties dans treize corps, ont tous leurs associations, elles-mêmes fédérées dans un groupe appelé G16. C’est de là, et surtout de l’association des anciens élèves de l’ENA, qu’est parti le tir de barrage contre cet élargissement du recrutement.

"Nous acceptons des docteurs à dose homéopathique, mais nous ne sommes, en effet, pas favorables à ouvrir largement notre recrutement, qui est déjà très contingenté", reconnaît Didier Coulomb, vice-président de l’Union des ingénieurs des Ponts, des Eaux et des Forêts.

LA FRANCE EN RETARD

Leur lobbying a été efficace : l’accès des docteurs à l’ENA a disparu du projet de loi après un arbitrage interministériel. Hélas pour le G16, un amendement déposé par plusieurs députés socialistes, emmenés par Jean-Yves Le Déaut (PS, Meurthe-et-Moselle), a rétabli la réforme, contre l’avis du gouvernement.

Lors des débats, les députés, de droite ou de gauche, ont été unanimes pour reconnaître que les docteurs n’étaient pas assez reconnus en France et qu’il fallait en finir avec l’endogamie de la haute fonction publique. "Nous sommes un des rares pays où des docteurs ne trouvent pas leur place dans la société, a déclaré Marie-François Bechtel, députée (MRC) de l’Aisne. Nous avons besoin d’une diversification de notre haute fonction publique. Aujourd’hui, celle-ci souffre d’une endogamie culturelle."

La France se distingue des autres pays de l’OCDE par son très faible nombre de docteurs dans la fonction publique : à peine 300 titulaires de doctorats l’intègrent chaque année sur 13 000 diplômés. Moins de 2 % des cadres du public sont titulaires d’un doctorat, contre 35 % aux Etats-Unis ou en Allemagne. "C’est dommage que la haute fonction publique se prive de la compétence transversale et spécifique des docteurs, plus socialement diversifiés que les énarques et féminisés à 50 %", juge Hélène Duffuler-Vialle, présidente de la Confédération des jeunes chercheurs.

Face aux réticences du gouvernement, la volonté des députés socialistes d’ouvrir la voie de l’ENA a finalement été payante. Un premier pas vers l’ouverture de la haute fonction publique.

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