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Non au projet de loi Fioraso. Motion du CENS (Centre nantais de sociologie, EA 3260), 25 février 2013.

mercredi 27 février 2013, par Jara Cimrman

Suite à l’annonce du projet de loi sur l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR), le CENS (Centre nantais de sociologie, EA 3260) a voté la motion suivante (février 2013).

Les membres du CENS tiennent à exprimer leur vive inquiétude face aux orientations générales et aux dispositions de ce projet de loi qui non seulement ne vient pas rompre avec les politiques menées par les gouvernements précédents, mais au contraire les prolonge et renforce leurs effets néfastes. Plusieurs raisons font craindre à ce que rien ne change si ce n’est en pire pour le service public de l’ESR [1] .

1. Le processus de consultation des Assises de l’ESR est resté trop confidentiel, trop centralisé, associant peu les personnels – toutes catégories confondues – à des décisions qui engagent pourtant leur vie professionnelle et l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche.

2. Le projet de loi ne remet pas en cause les principes de la LRU dont les méfaits multiples sont désormais connus : faillites d’universités, concurrences entre universités conduisant à une hypertrophie de la communication aussi creuse que coûteuse, gel de postes d’EC et BIATS, accroissement et multiplication des tâches administratives des EC au détriment du temps consacré à leurs activités d’enseignement et de recherche, multiplication de procédures conduisant à une surbureaucratisation et à l’imposition d’un discours managérial(novlangue) abêtissant. Il exclut de reprendre la gestion de la masse salariale et des emplois au niveau national, demandée pourtant par nombre de présidents d’université et les principales organisations syndicales de l’ESR.

3. Le projet de loi ne prévoit rien, alors, contre la détérioration dramatique des métiers et des conditions de travail des personnels ingénieurs, techniciens et chercheurs, statutaires et contractuels, et des doctorants, soumis à une pression toujours croissante, théorisée par le « New Public Management » et qui se traduit par : le financement de la recherche sur projets au détriment du financement de base des équipes, la baisse des effectifs titulaires avec pour corollaire la précarisation des jeunes et des plus faibles, la transformation de l’évaluation de conseil en une évaluation technocratique de sanction, l’introduction de primes au mérite mettant en concurrence les individus et instaurant une individualisation des carrières alors que la recherche est soutenue par l’organisation en équipe et un esprit collectif.

4. Le budget de l’ESR ne résout pas la situation dramatique dans laquelle se trouvent les précaires de la recherche qui aujourd’hui ne voient aucune perspective pour stabiliser leur situation vers des emplois de titulaires de la fonction publique. Le ministère reste enfermé dans le cadre de la rigueur du budget de 2013. La promesse de résoudre la question des multiemployeurs n’est toujours pas tenue, laissant ainsi des précaires « CDIsables » sans aucune perspective de stabilisation de leur situation.

5. L’évolution dangereuse de la structuration de l’ESR à partir des territoires régionaux et la subordination croissante aux pouvoirs politiques locaux (aussi bien dans la définition de l’offre de formation que dans le pilotage de la recherche) instaurent, en outre, une rupture entre les territoires. La poursuite du processus de concentration des établissements au niveau régional ou interrégional (interacadémique) ne peut que condamner le service public de l’ESR, qui sera alors incapable d’assurer une égalité de traitements à tous les étudiants du territoire national et accentuera les inégalités des moyens dévolus aux laboratoires et structures de recherche. Le flou qui entoure le processus annoncé d’accréditation - en lieu et place de l’habilitation – des diplômes n’a rien de rassurant sur ces points.

6. Contrairement à ce qui avait été annoncé, il n’y a pas simplification du paysage académique. Toutes les instances existantes qui posent de nombreux problèmes sont en réalité remplacées par d’autres : l’AERES par un Haut Conseil à l’évaluation ; les PRES par des « communautés scientifiques » au fonctionnement statutaire aussi antidémocratique que dans les PRES avec pléthore de nommés et aucune garantie concernant les élus. Changer de principe de fonctionnement suppose bien plus que de changer d’appellations. Le CENS tient à rappeler que, pour lui, seules les instances composées de pairs majoritairement élus (CNU, Comité National du CNRS et équivalents dans les EPST) sont légitimes sur la question de l’évaluation scientifique.

7. La volonté de créer des partenariats avec les entreprises privées n’est pas sans risques, comme on le laisse entendre, aussi bien en ce qui concerne les modes de financements de l’ESR que les orientations de recherches suivies. Les membres du CENS rappellent que seule l’autonomie du travail intellectuel garantie et contrôlée par des pairs reconnus est susceptible de déboucher sur des travaux dont la qualité sera reconnue nationalement et internationalement.


Le CENS rejoint ainsi toutes les autres motions pour déplorer que le changement proclamé et si ardemment souhaité par la communauté de l’ESR ne soit qu’un slogan de campagne vide de tout contenu politique : ce projet de loi reste dans la continuité de la LRU et du « Pacte pour la recherche » ; il ne simplifie pas le « mille-feuille » institutionnel et conserve les structures d’« excellence » de l’ancien gouvernement ; il ouvre des possibilités dangereuses de régionalisation du système de recherche et d’enseignement supérieur ; enfin, il ne remet pas en cause le pilotage de la recherche sur projets. Nous voulons par cette motion affirmer notre attachement à un service public de l’ESR de qualité, fondé sur l’égalité de traitements des étudiants et des personnels, le refus de toute forme de précarité d’emploi et la garantie des libertés académiques.

[1] Les passages en gras sont de SLU.