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Rennes I subit la LRU en douce - Stylzzed, Blog Mediapart, 31 janvier 2013

mercredi 6 février 2013, par Mariannick

En terre bretonne, on n’en parle pas beaucoup. D’ailleurs, la LRU, depuis que les manifestants ont rangé leurs bannières et leurs drapeaux, à Rennes, haut lieu de la résistance contre la loi Pécresse en France, les stigmates sont à peine visibles sur les murs du campus de Rennes II, à Villejean. Ce n’est pas tant qu’on l’avait oublié, mais comme tout ce qui passe à l’Assemblée Nationale et qui nous nuit, on a coutume de faire avec, d’oublier et de continuer notre vie de notre côté. Et on aurait presque raison. En reportage pour Radio Campus Rennes pour la journée internationale des migrants, on a appris la nouvelle un peu sur le tas, comme l’enseignant-chercheur qu’on interviewait pour un tout autre sujet. Une annonce dans l’édition du 18 décembre de Ouest-France pour une conférence de presse, le matin même, de Guy Cathelineau, le président de Rennes I : le budget 2013 de l’université passe sous gouvernance du recteur.

Un peu au nez et à la barbe de tout le monde, on s’est débrouillé comme on a pu pour en savoir plus. D’autant que Rennes I regroupe les formations, sinon d’excellences, les plus professionnalistantes : Science Po, l’IUT de journalisme de Lannion, la faculté de Droit, la faculté de sciences économiques, divers autres IUT et, plus en crise, les sciences dures. On aurait pu s’attendre à ce que l’autre université de Rennes, composée de toutes les sciences humaines, largement plus touchées ces dernières années, plonge. C’est l’inverse qui s’est produit. Un communiqué de presse nous indiquait rapidement qu’après deux exercices budgétaires déficitaires 2011 et 2012, le recteur, en accord avec l’Etat, s’emparait des commandes du budget pour l’année suivante. Du coup, si le scénario du budget a bien été construit par le conseil d’administration de Rennes I, le conseil d’administration ne le votera pas et n’aura donc plus son mot à dire.

Les chiffres ne sont pas terrifiants pour autant : il manque 700 000 euros, sur les 290 millions environ qui font le budget de Rennes 1, le problème résidant plus dans le fait qu’une pression budgétaire a été déjà lancée depuis deux ans dans cette université, pression qui a permis de stabiliser le déficit de la fac. Autant dire que si le recteur n’a pas la même "pédagogie" de gestion que la présidence, cette troisième année risque bien d’être fatale. Au programme, pour le moment, la non-publication d’un tiers de la centaine de posts ouverts aux futurs enseignants-chercheurs pour 2013, l’augmentation du nombre d’heures complémentaires des enseignants-chercheurs et un recrutement intensifé des ATER, post-doc et autres contractuels pour assurer les cours. La présidence, que nous avons rencontré, nous a assuré que cela n’aura pas d’influence pour les étudiants en Licence au niveau des cours, même si de nombreux départements sont déjà contraints de tirer aux sorts les examens, le nombre d’encadrants manquant pour faire passer un partiel par Unité d’Enseignement. Et si l’enseignement en Licence n’est pas à proprement parler compromis, l’encadrement en Master et en Doctorat risque lui d’en pâtir, tout comme le fonctionnement des laboratoires.

La présidence explique ce déficit par une augmentation de la masse salariale (150 millions selon nos informations, soit plus de la moitié du budget tout de même) : augmentation des pensions de retraite et des salaires dans les carrières. A savoir tout de même que les salaires n’ont pas été renégociés depuis 2009. Du coup, à cela s’est évidemment posé la question du pourquoi. Et la réponse donnée par la présidence a été relativement claire : les crédits de l’Etat, même s’ils ont été revus à la hausse cette année, ne couvrent pas cette pression de la masse salariale. Et à la présidence de critiquer ouvertement l’accompagnement trop faible dans la mise en place des RCE (Responsabilités et Compétences Elargies, qui découlent directement des décrets d’application de la LRU, il y a deux ans).

Si ce n’est pas le point fondamental, il faut tout de même savoir que la présidence de Rennes I était complètement favorable au passage à la LRU et que l’équipe de Guy Cathelineau s’est faite aussi élire sur ce projet à l’époque. D’ailleurs, le responsable que nous avons rencontré ne l’a pas renié et continue d’affirmer le soutien de la présidence à la réforme, avançant que l’autonomie cédée aux université a permi une meilleure gestion de leurs comptes et la mise à plat de ces comptes (ce qui peut être une bonne chose en soi, il semble étonnant qu’il ait fallu attendre les RCE pour s’y atteler). A la question de trouver une issue dans l’investissement privé (question vicieuse j’en conviens, nous ne souhaiterions pour rien au monde aux étudiants et au personnel de Rennes I de subir un passage vers le privé, bien entendu), il nous a été répondu cela n’était pas d’actualité alors que cette solution représentait tout de même un fondement de la vision de Nicolas Sarkozy de l’enseignement supérieur.

A ce discours d’autant plus paradoxal que cette crise, presque entièrement issue du passage aux RCE, touche une université qui avait soutenu la LRU [1] s’ajouterait probablement, une série de décisions "qui auraient pu être anticipées", selon les mots de la présidence. Nous n’en saurons pas plus, cet argument n’a été lâché qu’à demi-mot au milieu de la conversation. Le plus grave reste encore la médiatisation de cette mise sous tutelle (parce qu’il s’agit bien d’une mise sous tutelle) particulièrement pauvre. Nous avons pu noter quelques articles dans Ouest France, dans le Mensuel de Rennes et dans le Télégramme, mais au niveau local comme au niveau national, le fond du problème n’a été visité qu’en surface, probablement à cause des fêtes de Noël et des départs en vacances, très proches en l’occurrence. Une manifestation avait été organisée le 21 décembre, mais elle ne fut que très peu suivie, tant par les manifestants que par les médias. Pour Rennes I, la suite reste à déterminer, le Rectorat étant à peu près libre d’agir. Quant aux autres universités, devant la médiatisation du problème à Rennes, c’est à s’en demander si de telles situations seraient en fait connues ailleurs. D’une manière ou d’une autre, cela n’annonce rien de bon.

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[1C’est SLU qui souligne