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Jean-Claude Casanova doit partir, lemonde.fr, un point de vue de Claire Andrieu, Olivier Borraz, et Karoline Postel-Vinay, le 28 décembre 2012

samedi 29 décembre 2012, par Alain

Les révélations qui ternissent l’image de Sciences Po, à la suite des années de gestion peu responsable, auraient dû entraîner la démission des instances dirigeantes. C’eût été faire preuve d’esprit de responsabilité et, en même temps, envoyer aux personnels le signal que l’époque des irrégularités était révolue. C’est dans cet esprit que, faute de recevoir le signal attendu, nous avons organisé deux assemblées générales des personnels et étudiants. Mais puisque notre appel n’a pas encore été entendu, nous souhaitons en exposer les raisons devant l’opinion.
Ni coupable ni responsable ? Le président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) fait savoir qu’il n’a pas eu connaissance des dérives et des dysfonctionnements de la gestion de Sciences Po depuis six ans qu’il préside son conseil d’administration. Il était pourtant responsable des décisions prises par la fondation, en premier lieu celles de son administrateur, auquel il avait délégué sa signature.

Quant au défaut d’information, s’il est avéré, il montre un manquement aux fonctions de président. De fait, en réduisant de moitié le nombre de séances annuelles du conseil, en en fixant les dates tardivement, en envoyant les documents la veille à ses membres, il ne permettait pas au conseil d’administration d’exercer convenablement sa fonction de surveillance.

Mais les personnels administratifs, les académiques et les étudiants de Sciences Po qui demandent la démission de Jean-Claude Casanova le font aussi pour une autre raison : la manière dont il a conduit, avec Michel Pébereau, président du conseil de direction, la procédure de désignation du futur administrateur de la FNSP et directeur de l’Institut d’études politiques (IEP).

Présidant chacun une commission de recrutement, ils ont choisi "leur" futur administrateur dès le mois de juin. Le 18 juin, comme en fait foi le procès-verbal du conseil de direction, ils ont déclaré vouloir remettre leur démission si leur favori n’était pas choisi. La "procédure" adoptée - en fait un ensemble de procédés - a pris l’allure d’une mascarade.

Lorsque, au mois de septembre, la ministre a fait valoir son droit de regard légitime en annonçant qu’elle attendrait les conclusions du rapport de la Cour des comptes pour se prononcer sur le résultat de la procédure, les présidents des deux conseils dirigeants ont tenté de passer en force, forts de l’assurance que leur donnait leur accès aux sommets de l’Etat. "L’Elysée, j’en fais mon affaire", ou "L’Etat, je m’en occupe", entendait-on du côté des présidents. Pour une fois, les sommets de l’Etat ont résisté.


CITADELLE ASSIÉGÉE

Depuis, le président du conseil de direction a annoncé qu’il ne se représenterait pas au printemps 2013. Le président de la FNSP, quant à lui, se présente comme le défenseur d’une citadelle assiégée luttant pour préserver l’autonomie de Sciences Po, menacée par l’intervention de l’Etat ou des forces extérieures hostiles à l’institution.

Ce type d’argument, inspiré par la théorie du complot, est d’autant plus navrant qu’il est avancé par un grand intellectuel. Il est surtout sans fondement : le gouvernement a maintes fois assuré qu’il ne remettrait pas en cause l’indépendance de notre institution, et une telle idée est étrangère au mouvement que nous avons impulsé.

L’Etat s’est contenté de mettre provisoirement un garde-fou là où il n’y en avait pas : nous ne lui en demandons pas plus. Nous souhaitons au contraire que l’Etat, à travers les hauts fonctionnaires qui le représenteront dans un conseil d’administration repensé, joue désormais son rôle en toute impartialité.

Ce sera la meilleure garantie d’une véritable autonomie de Sciences Po, avec l’appui et le renfort des réformes de l’administration de la FNSP, que le départ de son président permettra d’engager sereinement.

Claire Andrieu, professeure des universités à l’IEP de Paris ; Olivier Borraz, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po ; Karoline Postel-Vinay, directrice de recherche FNSP.

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