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"131 propositions pour faire évoluer l’enseignement supérieur", Nathalie Brafman et Isabelle Rey, blog Le Grand Amphi, Le Monde.fr, 17 décembre 2012

mardi 18 décembre 2012

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Une spécialisation progressive en licence, plus de professeurs en premier cycle, un accès prioritaire en IUT et en BTS pour les bacs technos et les bacs pros, l’introduction de plus de collégialité dans les instances dirigeants des universités... Vincent Berger, rapporteur du comité de pilotage des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, a remis lundi 17 décembre son rapport final à François Hollande, président de la république.

Peu ou prou, les 131 propositions finales (121 initialement) reprennent les grandes lignes de celles présentées les 26 et 27 novembre lors des assises nationales et organisées selon les trois thèmes : agir pour la réussite de tous les étudiants, réorganiser la recherche et la gouvernance des universités.

Voici quelques propositions phares du Rapport des Assises nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche

Agir pour les réussite de tous les étudiants

Une grande partie de l’échec en licence trouve sa source dans la rupture entre le lycée et le supérieur : seulement 27 % des étudiants réussissent leur licence en trois ans, 39 % en trois ou quatre ans. Pour réduire ce taux d’échec, il faut assurer une continuité entre le lycée et l’enseignement supérieur, en préparant les futurs étudiants aux méthodologies de travail universitaire, c’est le fameux - 3/+ 3.
Autre proposition pour réduire le taux d’échec : réformer la licence, grâce à un cadrage national des diplômes permettant une spécialisation disciplinaire progressive, "pouvant débuter par une première année consacrée aux études dans un ensemble de disciplines formant un tout cohérent". Il faut donc en finir avec l’illisibilité des diplômes qui ne permet pas de savoir exactement ce qu’a appris l’étudiant, quelles sont ses compétences, ses connaissances. Il existe aujourd’hui 1 400 mentions de licences et 2 200 licences professionnelles.
Le rapporteur propose de mobiliser les enseignants-chercheurs sur le premier cycle trop souvent "dédaigné" : "Il est regrettable que certains enseignants-chercheurs évitent d’enseigner en licence (...) Nous préconisons que tous les enseignants-chercheurs effectuent une partie de leur service en licence chaque année".

On retrouve aussi la proposition de réserver un grand nombre dans les filières IUT et STS pour les bacheliers technologiques et professionnels : 20 000 premiers voeux de bacheliers technologiques qui souhaitent un IUT n’ont pas de réponses positives alors que 35 000 bacheliers généraux l’obtiennent. De même, 50 000 premiers voeux de bacheliers professionnels vers des BTS ne sont pas satisfaits alors que 22 000 bacheliers généraux y trouvent une place. Une proposition qui soulève l’opposition des directeurs d’IUT. Pour mettre en oeuvre ces affectations, le rapporteur propose que ce soit le recteur qui dirige les affectations. Dans un entretien aux Echos (vendredi 14-samedi 15), Geneviève Fioraso, la ministre de l’enseignement supérieur, précise que la nouvelle loi le prévoira expressément.

D’une manière générale, le rapport propose de rapprocher les écoles et les universités et de rattacher systématiquement les CPGE (classe préparatoire aux grandes écoles) à une université. "Les étudiants en prépa s’inscriront dans l’université partenaire en acquittant normalement les frais d’inscription, les étudiants auront accès à tous les services de l’université". En outre, les enseignants-chercheurs seront invités à dispenser des cours dans les classes prépa.

Réorganiser la recherche

Le rapport préconise de mieux contrôler l’utilisation du crédit impôt recherche, de rééquilibrer les financements de base par rapport aux financements par projet et de simplifier les procédures d’appel d’offres notamment en allongeant la durée des projets financés à 5 ans (entre 1 et 3 ans actuellement), ce qui mécaniquement diminue le nombre de dossiers.

Un des sujets abordés et retenus est la sincérité budgétaire des universités, autrement dit savoir exactement combien on dépense par étudiants et pour la recherche. "Les comptes financiers doivent être détaillés en coûts complets, par grands domaines : recherche, licence, master et doctorat (...) Il faut cesser de croire que l’on dépense 11 000 euros par étudiant en licence (...) Ce chiffre résulte d’une division du budget total d’une université par le nombre de ses étudiants (...) incluant la recherche, le master... (...) recherche qui représente près de la moitié du budget d’une université (...) In fine, le calcul sincère mènera à un coût entre 2 000 et 5 000 euros par étudiant de licence. Ces chiffres méritent d’être connus".

Une interrogation : alors que l’Aéres (agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) a concentré les critiques, certains prônant purement et simplement sa suppression, le rapport final ne s’est pas prononcé. "L’évaluation a passionné, voire divisé, la communauté pendant les assises" mais il faut "prendre garde à ne pas réveiller des conflits entre universités et organismes de recherche", estime le rapport final.

Gouvernance des universités

L’intitulé du troisième thème a été modifié, "de la gouvernance des établissements et des politiques de
sites et de réseaux", on est passé à "redéfinir l’organisation nationale et territoriale de l’enseignement supérieur et de la recherche", les régions ayant fait une irruption remarquée dans les débats.

La grande idée est de simplifier ce que les universitaires ont appelé le mille-feuilles puis le mikado institutionnel, en niant la personnalité morale des Idex, Labex, et autres périmètres d’excellence qui compliquent l’organisation et en mettant au centre les PRES transformés en grande université "démocratique" - c’est-à-dire avec des conseils élus - "l’appellation PRES est à proscrire, incompréhensible et illisible". Ces grandes universités de taille régionale ont vocation à intégrer des écoles et à contractualiser avec les collectivités locales, en premier lieu les régions "qui ont fortement revendiqué à juste titre un rôle de pilotage (...)". Ce n’est pas un secret que le gouvernement souhaite une régionalisation de l’enseignement supérieur. Ce que refuse la communauté universitaire. Anticipant les réactions : le rapport précise d’emblée : "Il ne s’agit pas d’une régionalisation de l’enseignement supérieur et de la recherche. Néanmoins, il faut reconnaître que l’on ne peut pas tout piloter depuis Paris". Le rapport préconise un schéma régional recensant les objectifs partagés. Mais dans un deuxième temps, il rappelle "la prédominance du rôle de l’Etat".

Quant à la gouvernance des universités, l’idée de créer des sénats académiques à l’anglo-saxonne est abandonnée au profit d’une revalorisation des autres conseils (conseil scientifique et CEVU -conseil de la vie étudiante-). Au président est retirée la faculté de recruter des enseignants chercheurs au profit d’une instance émanant du conseil scientifique et du CEVU. Par ailleurs, est recommandée une procédure de destitution des présidents et vice-présidents des trois conseils par une motion de défiance votée par les trois-quarts des membres.

Enfin sur l’élection de président, il n’y a pas eu de consensus sur le fait de laisser voter les personnalités extérieures pour l’élire.

Un chapitre supplémentaire a été ajouté pour aborder les thèmes transversaux non prévus dans les débats : l’emploi précaire, l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que les carrières des personnels et leur évaluation.

Nathalie Brafman et Isabelle Rey