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Le Conseil d’Etat retoque la réforme de la mastérisation, Mattea Battaglia et Aurélie Colas, Le Monde, 5 mai 2012

mardi 5 juin 2012, par Sylvie

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C’est un rebondissement inattendu dans la saga "mastérisation". Alors que le nouveau ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, n’a pas caché vouloir engager, parmi ses chantiers prioritaires, une réforme de la formation des enseignants, le Conseil d’Etat vient de le prendre de vitesse.

Dans son arrêt du 1er juin, la haute juridiction a tout simplement retoqué le dispositif très décrié de la "mastérisation". Cette réforme, conçue par l’ancien ministre de l’éducation nationale Xavier Darcos et mise en œuvre, en 2010, par son successeur Luc Chatel, avait élevé le niveau de formation des professeurs à bac +5 (niveau master) et supprimé l’année de stage en alternance dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Les enseignants stagiaires étaient parachutés devant les élèves sans avoir reçu de formation professionnelle.

VICE DE PROCÉDURE

Le Conseil d’Etat a pointé un vice de procédure. Ou plutôt, en langage juridique, "l’incompétence du ministre de l’éducation nationale", Luc Chatel, qui avait signé, seul, les arrêtés du 12 mai 2010, en se passant de la signature de son homologue à l’enseignement supérieur, qui était alors Valérie Pécresse. Or les IUFM relevaient de sa compétence.

Théoriquement, à partir du 31 juillet 2012 - date à laquelle prend effet l’arrêt de la Cour d’Etat du 1erjuin -, les enseignants stagiaires lauréats des concours de l’enseignement basculeraient sous le régime de formation antérieur, celui de 2006. Ils auraient, en toute logique, droit à un quasi-mi-temps : dix heures en classe, huit heures de formation. Depuis 2010, ils étaient contraints d’effectuer un temps complet - soit dix-huit heures de "service".

Une aubaine pour Vincent Peillon, qui n’a cessé de dénoncer la mastérisation ? Ou au contraire une épine dans le pied ? Face à la décision du Conseil d’Etat, le nouveau ministre de l’éducation nationale n’a pas beaucoup d’options. S’il maintient le dispositif de 2006 - moins de cours à assurer pour les nouvelles recrues, plus de formation -, il devra trouver des renforts de professeurs. "Cela lui coûterait 4000 postes supplémentaires", a calculé Joël Pehau, du syndicat d’enseignants SE-UNSA. Or ce sont 1000 postes, pas plus, qui seront accordés en urgence à la rentrée. Et seulement dans le premier degré, a confirmé M. Peillon lors du conseil des ministres le 30 mai.

Seconde hypothèse, passer outre l’arrêt du Conseil d’Etat, et donc maintenir le "dispositif Chatel" sans toucher aux textes. "Le ministère s’exposerait alors à des recours devant le tribunal administratif de la part d’enseignants stagiaires qui pourraient demander réparation du préjudice subi et obtiendraient gain de cause, poursuit Joël Pehau. Cela ne lui coûterait pas des postes, mais d’importantes sommes d’argent."

"PROCÉDURE MAL CONDUITE"

Ce ne sont pas les solutions pour lesquelles a opté la Rue de Grenelle. "Nous héritons d’une situation compliquée avec une rentrée 2012 que nous n’avons pas préparée, souligne-t-on au ministère. La procédure n’a pas été correctement conduite et nous devons la rectifier. A compter du 31 juillet, le cahier des charges annulé entrera à nouveau en vigueur car les formes auront été respectées."

Autrement dit, le ministère s’apprête à signer - et donc à cautionner - les textes d’une réforme qu’il combat ! "A titre provisoire", se presse-t-il de rappeler : "Le cahier des charges n’entrera en vigueur que pour l’année 2012-2013. La situation sera différente à la rentrée 2013, car la réforme de la formation des maîtres aura été engagée." Ce qui s’apparente, somme toute, à un retour en arrière, aurait-il pu être évité ?

En novembre 2011 déjà, le Conseil d’Etat avait annulé une partie des arrêtés du 12mai 2010 sur la mastérisation, pour les mêmes motifs que ceux mis en avant aujourd’hui. Mais "il n’avait pas fixé la date d’effet de ces annulations", rappelle Bernard Toulemonde, inspecteur général honoraire de l’éducation nationale, invitant les parties - ministère, syndicats d’enseignants, fédérations de parents d’élèves, associations - à trouver un terrain d’entente. Le député (UMP) Jacques Grosperrin avait bien tenté, en janvier2012, de régler la question en proposant au Parlement une modification législative. Sans succès. Faute de consensus, le Conseil d’Etat a été amené à trancher.